SCHOONJANS Michaël 02
Crédit photos Marc Bailly
Les auteurs sont souvent interrogés sur leur travail. Leurs inspirations. Leurs influences. La couleur de leur dessous ou encore leur marque de whisky préférée. Souvent en pleine lumière, leurs romans sont, certes, le résultat d’un travail long et solitaire… Mais aussi l’aboutissement d’un processus où un éditeur a effectué un choix. Celui d’extraire leur manuscrit de cet océan de pages noircies qui menace, chaque jour, d’engloutir toutes les maisons d’édition… Des plus grandes ou plus petites. Dans cette mini-interview, nous donnons la parole à un éditeur.
Cette semaine, Michael Schoonjans, le jeune et dynamique capitaine du vaisseau Séma, abandonne pour quelques minutes la barre de son navire pour répondre à nos questions.
C’est quoi cette idée un peu folle de fonder une maison d’édition ?
Bonne question ! Je pourrais dire « devenir millionnaire », mais j’ai alors cette blague qu’un confrère éditeur a sorti il y a quelques jours en tête : « Savez-vous comment devenir millionnaire ? Il faut être milliardaire et créer une maison d’édition ». A la lumière de cela, je pense que cette réponse n’est pas la bonne.
Si ce n’est pas pour devenir millionnaire, alors pourquoi ? Ben par passion, pardi ! Par envie de faire découvrir de nouveaux livres, de travailler avec des auteurs et illustrateurs, de faire des rencontres dans le milieu artistique, de lire, retravailler, corriger, mettre en page, mettre en avant et vendre plein de magnifiques livres écrits par des auteurs à la santé mentale plutôt douteuse la plupart du temps. Je pense qu’il faut être soi-même un peu fou pour devenir éditeur.
Sur quels critères bases-tu tes choix d’éditeur ?
Sur plein de critères, et les directeurs de collections ainsi que le comité de lecture aident beaucoup aux choix. Avant tout, je dirais l’originalité, à la fois dans l’histoire et dans le style. Il est très important pour nous d’avoir des auteurs qui ont une patte, un style propre qui soit à la fois original et maîtrisé et des histoires qui sortent de l’ordinaire (ou qui abordent une thématique classique d’une manière originale). A côté de ça, les aspects plus classiques sont importants : maîtrise de la langue, profondeur des personnages, cohérence de l’histoire, émotions générées, etc. On cherche des bons livres, en bref. Mais malheureusement, des bons manuscrits, on en reçoit beaucoup, bien plus que notre capacité de publication, ce qui fait qu’on doit encore faire un choix dans les bons, et ce n’est pas toujours simple (mais ça va, on n’a encore jamais dû aller jusqu’au tirage au sort. Il y en a toujours qui ressortent par rapport à d’autres, notamment par cette patte dont je parlais – et qui n’est pas une patte de lapin, ça ne sert à rien de mutiler une pauvre bête pour être publié).
Quelle est la partie la plus difficile de ton travail d’éditeur ?
Houlà ! dur de choisir un aspect en particulier. On va dire gérer l’équipe. Ce n’est pas toujours simple, car chacun a son caractère, ses envies, ses opinions, etc. Et il faut réussir à ce que tout le monde puisse trouver son compte et travailler en toute sérénité. Beaucoup de personnes travaillent dans une maison d’édition (auteurs, illustrateurs, graphistes, correcteurs, directeurs de collection, commerciaux, etc.) et structurer tout ce petit monde (surtout les auteurs, ces grands enfants indisciplinés ;)) n’est pas toujours simple. Heureusement, tout le monde est de bonne volonté et on a une équipe du tonnerre.
Et quelle est la partie la plus simple ?
Pourrais-je avoir la définition du mot « simple »? Je connais pas.
On va dire la pause pipi, ça reste assez simple à gérer (sauf sur certains salons, où les toilettes sont parfois loin et dans un sale état, et où il est dangereux de laisser les auteurs seuls sur le stand 2 minutes car on ne sait jamais dans quel état celui-ci sera à son retour). Pour le reste, euuuuuuuh, rien n’est simple, ça dépend des jours. Mais la passion permet de déplacer des montagnes (non, je ne parle pas de mon embonpoint !), donc tout se passe bien.
Si tu avais un budget illimité, quel serait ton rêve d’éditeur ?
La réponse classique à une telle question serait sans doute « Publier tous les livres que je veux », mais ce n’est pas la mienne. Pourquoi donc ? Ben parce que je n’aime rien ! Non, je rigole. Simplement parce qu’en publiant tout ce que je veux, il est impossible de suffisamment promouvoir nos sorties, de faire connaitre nos auteurs. Je répondrai donc plutôt : vivre de cette activité, avoir les moyens de recruter une grosse équipe pour bien bosser le tout en profondeur, pouvoir payer plus décemment les personnes qui travaillent avec moi et surtout investir à fond dans la promotion des livres pour faire davantage connaitre ces auteurs qui méritent tellement la reconnaissance du public.