Mes affinités sélectives

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Illustrateur / Dessinateur: 


Shangaï, un beau matin de janvier 2007. Les bulldozers cassent à tout va, les vélos circulent parmi les rues en ruines et une jeune fille peint d’immenses fresques sur des murs condamnés. Ce n’est pas un lieu paradisiaque, c’est vrai. Mais c’est le lieu qu’a choisi Akhan, un jeune Français, car il bouillonne de vie.

Ce matin là, Akhan entre dans un nouveau restaurant chinois tenu par un Français. A l’intérieur, des gens comme vous et moi, qui se disputent, râlent sur les autres. C’est marrant comme chacun peut avoir un avis sur tout sans jamais élever le débat. Mais c’est la vie, la petite critique du jour qui vous donne le punch pour la journée. Et puis l’incident arrive. Un brouhaha assourdissant. Le sol qui tremble. Un immeuble s’affale sur le restaurant et ses décombres ensevelissent les résidents. Au milieu de tout çà, Claire. Elle est Française. Elle voulait être là avant que ça s’écroule. Elle voulait y être, car c’est la quarantième fois qu’elle vit cet instant.

Vous connaissez « Un Jour sans fin ». Et bien, « Mes affinités sélectives », c’est comme si Bill Murray avait déjà vécu plusieurs dizaines de journées de la marmotte et qu’on débarque dans une de ses énièmes résurrections. Ici, c’est Claire qui revit sans cesse, non pas la même journée, mais la même vie. Elle renaît à chaque fois un 11 janvier 2007, le jour de ses 26 ans et elle se retrouve, malgré elle, au cœur d’une guérilla urbaine entre des indépendantistes chinois et l’armée régulière. A force de résurrections, elle choisit ses rencontres en fonction de ses affinités. Et c’est pour les clients d’un restaurant qu’elle se passionne.

Avec elle, nous vivrons les péripéties d’un groupe d’étrangers dans une ville en état de siège. Nous les suivrons dans leurs escapades urbaines. Nous frissonnerons avec eux. Nous rirons. Nous pleurerons. Entre les conflits internes et la menace permanente d’une attaque militaire, vous n’aurez pas une minute de répit. Les discours sont forts. Ils ont du sens. Pas de mélodrame à l’américaine. A la place, une profonde sensibilité et quelques silences d’une incroyable poésie.

Les militaires interviendront évidemment. Des commandos sont là pour sauver notre petit groupe en territoire ennemi. D’autres sont des soldats chinois qui nourrissent une haine pour l’étranger. Seulement, comme ces révoltes en Thaïlande ou à Bombay, nous serons pris de cours et nous ne saurons jamais vraiment le fin mot de l’histoire. Car ce qui compte dans le récit de Sylvain Saulne, c’est le climat tendu entre les divers protagonistes. Certains s’unissent. D’autres se montent les uns contre les autres. Les vrais personnalités se révèlent. Et puis, qu’est-ce que Claire fera ? Revivra-t-elle une nouvelle fois la mort d’untel ou untel ? Pourra-t-elle changer le cours des choses, cette fois-ci ? Ou celui qui fait tout foirer arrivera-t-il toujours à ses fins ?

Là est tout l’intérêt du récit.

En effet, cette jeune femme se retrouve dotée d’un don incroyable. D’abord, elle possède toutes les cartes en main. Elle sait où les soldats vont débarquer, qui viendra sauver les Français, comment Laurent trahira le groupe. Mais à force de revivre les mêmes événements, elle doit reprendre ses efforts à chaque fois et à chaque fois, quelque chose foire. Partagée entre agir et observer, Claire devra peut-être abandonner pour découvrir le véritable but de ses résurrections.

Au final, « Mes affinités sélectives » est ce genre de récit qui vous laisse sans voix. On est pris par l’action. Puis arrive le générique de fin comme un couperet qui ne vous laisse d’autre choix que de fermer l’album. On ne sait alors quoi penser. Enfin, quelques heures, voir un jour après, toutes les émotions partagées remontent à la surface et vous frappent de plein fouet. Inconsciemment, la destinée de ces gens vous a appris un peu plus sur vous-même, sur ce qui fait de vous un être humain.

A noter en fin de livre, un carnet de route très fourni de l’auteur, qui vit à Shangaï.

Titre : Mes affinités sélectives

0Scénario et dessins : SAULNE Sylvain

Couleurs : GILLET Coraline

Illustrations : REZO Caroline

Editeur : KSTR

Parution : octobre 2008

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