Salt


Il y a des films qui laissent des traces au-delà du mot FIN. Une image, une musique, une émotion particulière. Une sorte d’« inception » comme dirait Chris Nolan, que l’on a inoculé dans votre esprit. Le film vous a contaminé en quelque sorte. Cela arrive rarement lors de la vision d’une comédie française ou d’un film d’effets spéciaux hollywoodien, aussitôt vus, aussitôt oubliés.

SALT en revanche fait partie des films qui procurent des séquelles.

Un film sans 3D, sans effets spéciaux, sans surenchère sonore. Un film, je dirais, presque à l’ancienne, avec un vrai scénario, une vraie mise en scène, de vrais cascadeurs.

Et une vraie star.

Une star du niveau de Marilyn Monroe, qui dépasse le stade de l’interprétation pour illuminer le film de son aura.

Angelina, c’est elle l’inception.


Son visage reste gravé longtemps après la fin du film. Un visage mangé par deux yeux immenses et une bouche qui vous bouffe l’écran en cinémascope. En brune, en blonde, trempée, couverte de poussière ou de bleus, avec un masque en latex ou le visage défoncé,sous la torture ou sur le toit d’un semi-remorque lancé à vive allure, Angelina Jolie vampirise SALT comme Marilyn vampirisait ses films. A la différence qu’Angelina ne chante pas, elle cogne. Et effectue ses cascades. On se souviendra longtemps de la scène où elle tente d’étrangler un traître avec ses menottes en se jetant du haut d’un escalier. Au-delà de la prouesse physique, admirez la performance de l’actrice.

L’héroïne de Tomb Raider, de Mr Mrs Smith, de Wanted a donc repris le sentier de l’action et la tête d’affiche d’un film de mecs à l’origine prévu pour Tom Cruise. Les producteurs ont fait réécrire le rôle pour Angelina qui avait confié qu’elle aurait adoré jouer James Bond. Quoi de plus jouissif que de regarder la plus belle femme du monde en train de mettre la raclée à de gros baraqués ! Pendant que dans la salle d’à côté Stallone et ses potes bodybuildés d’Expendables castagnent à tours de bras, Angelina balance sa culotte sur une caméra de surveillance et confectionne un bazooka avec des produits lessiviers avant de voltiger comme une tornade autour de ceux qui veulent sa peau. Rarement on aura vu une créature se déplacer avec autant de grâce et d’aisance, jouer simultanément la fragilité et la force, la séduction et la menace, occuper l’espace avec un sens aussi pointu de la chorégraphie guerrière.


N’enlevons pas les deux autres atouts du film : le scénario et la mise en scène.

Kurt Wimmer, l’un des plus brillants scénaristes d’Hollywood, auteur entre autres de l’innovant Equilibrium, du manichéen La Recrue et du magistral Law Abiding Citizen, a concocté un scénario à la 24H Chrono. D’ailleurs, comme pour tout bon thriller, SALT a devancé la réalité. Juste avant la sortie du film cet été, on a appris l’arrestation par le FBI d’une dizaine d’agents secrets russes intégrés à la population de Washington et de New York, et leur échange sur le tarmac de l’aéroport de Vienne contre quatre agents russes condamnés pour espionnage au profit de l’Occident !

Deuxième atout : Phillip Noyce. Il délivre une vraie mise en scène à la John Frankenheimer, efficace, rythmée, musclée, sans temps mort ni fioriture, sur une musique idoine du talentueux James Newton Howard. A l’aise dans le thriller, Noyce a fait ses armes avec Calme Blanc, Bone Collector, Jeu de guerre et Danger Immédiat. Un joli palmarès qu’il vient de couronner avec SALT dont on attend une suite avec impatience.