Rose noire, rêve rouge par Mathilde Guillaume
— Tu as encore reçu une rose ce soir, chanceuse !
Meggy me lança la fleur, une pointe de jalousie dans la voix. En tant que chanteuse des Phantoms – groupe de métal symphonique ayant son petit succès –, il m’arrivait plus souvent qu’à la bassiste de recevoir des attentions particulières des fans. Ces derniers temps, un de mes admirateurs était particulièrement persistant. À la fin de chaque concert, il parvenait à déposer une rose noire entourée d’un ruban rouge brodé à mon nom dans notre loge, sans être vu de personne. J’avais demandé plusieurs fois à la sécurité de surveiller les allées et venues près de la porte, mais ça n’avait rien changé. Il parvenait toujours à déposer son gage d’appréciation sans que quiconque note sa présence.
— Mon admirateur secret a dû apprécier la performance.
Aroul, le guitariste du groupe et mon compagnon dans la vie, n’appréciait guère ce débordement de générosité. Le sourire sur mes lèvres l’agaça.
— Ce n’est pas drôle Crys, ce gars arrive à entrer dans notre loge quoi qu’on fasse. Ça te semble peut-être banal, voire comique, mais que se passera-t-il s’il apprend où tu habites ? Seras-tu toujours aussi amusée quand il viendra te voir la nuit, te regarder dormir sans que tu le saches ? Il le fait peut-être déjà !
La colère d’Aroul jeta un froid sur la soirée qui s’annonçait pourtant joyeuse. L’enthousiasme que le public avait montré ce soir, chantant et dansant au rythme endiablé de notre musique, nous avait enchantés.
— On signe quelques autographes puis on rentre, on doit être en forme pour notre concert de demain à La Loge.
*
La salle dégageait une aura spéciale. La Loge était au départ une scène d’opéra reconvertie en salle de concert par un groupe d’artistes marginaux. Certains éléments architecturaux et décoratifs originaux avaient été conservés – comme le gigantesque lustre en cristal ou encore les balcons – alors que d’autres reflétaient plutôt la modernité. Cet ensemble insolite ne changeait cependant pas ce qui avait fait le succès de la salle en son temps : son acoustique parfaite. Chaque son semblait amplifié et embelli par la résonnance des lieux. C’est ici que de nombreux groupes mythiques avaient débuté leurs carrières internationales – les Freak Show, les Magical Lasso ou encore les Masquerade – et ce soir, c’était notre tour d’occuper les devants de la scène. Le public était au rendez-vous. La fosse était remplie, la presse et quelques privilégiés se trouvaient sur les balcons surplombant la salle.
Les lumières s’éteignirent. Le public se mit à scander nos noms. Tour à tour, les musiciens prirent position près de leur instrument. Au son des premières notes, quand vint mon tour d’entrer en scène, la foule se déchaina.
*
Nous avons donné le meilleur de nous-mêmes, entrainant le public avec nous dans les rythmes sombres de la nuit. Tout le monde connaissait nos chansons et les hurlait en chœur. J’avais parfois du mal à entendre ma propre voix au milieu de cette chorale infernale. Ce fut un concert mémorable, que nous allions garder longtemps en mémoire. Nous avions même fait deux rappels pour combler le public hystérique.
La séance de dédicaces fut riche en émotions. Les fans se bousculaient pour passer un moment privilégié avec nous et pour avoir une signature sur leurs pochettes de CD, leurs posters ou même sur leur peau ! Deux heures plus tard, c’est fatiguée mais heureuse que je me dirigeai vers notre loge. Je remarquai une silhouette élancée qui me faisait signe au fond du couloir. Surprise, je répondis au salut et me dirigeai vers elle.
— Vous avez été parfaite ce soir, ma chère Crystal Day, me dit un étrange jeune homme en s’inclinant.
Il était d’une beauté envoûtante, à peine voilée par son demi-masque blanc. Son costume trois-pièces, son haut-de-forme et ses manières lui donnaient une allure de parfait gentleman tout droit venu d’un autre siècle.
— Laissez-moi me présenter : je me prénomme Erik et je suis votre plus grand admirateur. J’ai eu le plaisir de vous voir depuis la loge n° 5. Un véritable ravissement pour les yeux comme pour les oreilles. Vous ressembliez à une créature céleste, un ange de musique, même si votre voix a incendié mon âme plus qu’elle ne l’a apaisée.
Sur ces paroles, il se saisit de ma main et y déposa un baiser. Le contact de nos peaux me fit frissonner. La sienne était froide, mais ce n’est pas ce qui provoqua ma réaction. J’eus à ce moment un flash. Il ne s’agissait pas d’une vision, plutôt d’une sensation, comme si une mélodie s’inscrivait dans mon âme. L’endroit du baiser me picotait encore agréablement lorsqu’Aroul arriva. Il regarda Erik de haut en bas, le toisant avec mépris.
— Je ne crois pas que nous ayons été présentés… Je peux savoir pour qui vous vous prenez pour embrasser ma copine ?
— Aroul, il m’a juste fait un baisemain, je ne pense pas que…
— Excusez-moi, il n’était pas dans mon intention d’être impoli. Je m’appelle Erik, je dirige cette salle de concert et je suis également un de vos plus grands fans. Quel plaisir de vous avoir accueillis ce soir sur les planches de La Loge ! Je tenais à m’entretenir personnellement avec Mademoiselle Day pour la complimenter sur sa prestation. Et pour lui remettre ceci…
Il sortit une rose noire enrubannée de rouge de derrière son dos. Elle était encore plus resplendissante que les précédentes. Il me tendit la fleur, plongeant son regard vairon dans le mien. Je me saisis du présent, un sourire sur les lèvres.
— … car cette fleur incarne la beauté et la noirceur, tout comme Mademoiselle Day. Elle rayonne dans la nuit et s’épanouit dans l’obscurité.
Aroul m’arracha la rose des mains avant que j’aie pu répondre et l’écrasa dans son poing.
— Éloignez-vous d’elle ! C’est donc vous l’inconnu qui lui offre ces fleurs en vous faufilant comme un voleur dans nos loges. Vous avez de la chance que je ne vous dénonce pas à la police ! Maintenant que je connais vos intentions envers ma copine, vous ne l’approcherez plus, et si vous essayez, vous aurez affaire à moi !
— Je ne toucherai pas un seul de ses cheveux sans son autorisation, mon cher.
Aroul me saisit brusquement le bras et m’entraina à sa suite, fou de colère. J’eus à peine le temps de lancer un regard au jeune homme, qui me sourit et inclina son chapeau pour me dire au revoir… ou adieu. J’essayai de me libérer en vain. Une fois dehors, je récupérai finalement mon bras. Aroul me lança un regard noir mais j’étais hors de moi.
— Mais qu’est-ce qui t’a pris d’agir ainsi ?
— Tu flirtais avec lui ! Devant moi !
— N’importe quoi, pourquoi draguerais-je un inconnu, en plus en sachant que tu arrivais ? Il m’a surprise, c’est tout ! Il faut toujours que tu dramatises. Et je t’interdis de me brutaliser ainsi ! Je rentrerai seule ce soir, pas la peine de me raccompagner. Je vais aller essayer de rattraper tes conneries auprès du directeur de la salle, histoire qu’on puisse revenir à La Loge pour de futurs concerts.
Mais quand je revins sur mes pas pour m’excuser, Erik n’était plus là.
*
Après un bon bain chaud – plus que nécessaire pour enlever les couches de maquillage et le stress de cette fin de nuit –, je me glissai dans les draps et me laissai aller dans les bras de Morphée. La mélodie que j’avais entendue plus tôt me revint, s’insinua dans mon esprit, accompagnée cette fois de paroles envoûtantes.
Night time sharpens, heightens each sensation |
La nuit aiguise, augmente chaque sensation |
Darkness stirs and wakes imagination |
L’obscurité remue et éveille l’imagination |
Silently the senses abandon their defenses |
Silencieusement, les sens abandonnent leurs défenses |
Il apparut devant moi. Son masque couvrait la moitié de son visage, faisant ressortir la dualité de son regard. Il me tendit la main, m’invitant à le rejoindre. Je ne pouvais décemment le suivre, n’étant vêtue que d’une nuisette noire, mais je remarquai que ma tenue négligée s’était transformée en une magnifique robe à corset rouge, brodée de motifs noirs anciens. Je ne portais plus le chignon fait à la va-vite avant de m’endormir – mes longs cheveux pendaient, soigneusement peignés et coiffés d’une tiare d’argent décorée de roses d’onyx. Je l’accompagnai hors de mon appartement. La rue était vide, mais décorée de lampions colorés.
— M’accorderez-vous cette danse, mon ange de musique ?
Sa voix grave et mélodieuse m’enivrait. Elle chantait des refrains ravageurs qui semblaient ne résonner que pour moi. La musique qui l’accompagnait provenait d’un orgue, au milieu de la route. Ses touches bougeaient seules, comme animées par une ancienne magie. Je saisis la main tendue, ne pensant à rien d’autre qu’au moment présent. Il m’attira à lui. Je n’opposai aucune résistance. Je me laissai transporter par le chant divin de mon ami nocturne.
Slowly, gently night unfurls its splendor |
Lentement, doucement, la nuit déploie sa splendeur |
Grasp it, sense it, tremulous and tender |
Saisis-la, ressens-la, tremblante et tendre |
Turn your face away from the garish light of day |
Détourne ton visage de la lumière criarde du jour |
Turn your thoughts away from cold, unfeeling light |
Détourne tes pensées de la froide lumière insensible |
And listen to the music of the night |
Et écoute la musique de la nuit |
Durant notre danse, je ne pouvais détacher mon regard du sien : son œil gauche bleu azur remplissait mon cœur de douceur et de bienveillance, mais son œil droit noir de désir réveillait en moi un instinct bestial. Il semblait incarner à la fois la gentillesse et la brutalité, la clarté et la noirceur. Docteur Jekyll et Mister Hyde prenaient corps en un seul être, sous mes yeux.
— Appréciez-vous cette musique ? Je l’ai composée pour vous, muse de mes nuits. J’aimerais que vous soyez toujours à mes côtés.
Sur ces paroles, il se rapprocha, lentement, comme s’il craignait de m’effrayer. Je ne l’arrêtai pas. Après tout, j’étais dans un rêve : tout ceci n’était qu’un fantasme né d’une journée riche en émotions. Quand son visage ne fut qu’à quelques centimètres du mien, sa bouche changea de direction et il me donna un long baiser dans le cou. Lorsqu’il se détacha de ma gorge, j’éprouvai une sensation de vide, de manque.
— Nous nous reverrons demain si vous l’autorisez, ma douce.
Il déposa à nouveau un baiser sur ma main, puis j’ouvris les yeux, me retrouvant seule dans mon lit. Un doux écho me parvenait, souvenir d’un beau rêve : Sing for me, my angel of music[1]. Dans ma main reposaient quelques pétales d’une rose noire.
*
Nous n’avions pas de concert prévu le soir suivant. Je me rendis à La Loge en début d’après-midi pour tenter encore une fois de m’excuser auprès d’Erik. Aucun des gens présents ne sut me dire où le trouver ni quand il serait disponible. La plupart ne savaient même pas à quoi il ressemblait, mais je ne m’en étonnai guère – je ne l’avais moi-même rencontré qu’après notre concert. Je repartis sans avoir pu revoir l’homme qui avait hanté mes rêves la nuit précédente.
Mon téléphone sonna. C’était Aroul qui me demandait si nous pouvions nous voir ce soir. Je lui répondis que j’étais encore fatiguée de la soirée d’hier et que je ne lui avais pas encore pardonné sa conduite grossière. Il balbutia quelques mots d’excuse puis raccrocha, une pointe de tristesse dans la voix. Cela me fit mal au cœur, surtout quand je pensai à la véritable raison de mon refus : je voulais savoir si le songe d’Erik me viendrait à nouveau et la présence d’Aroul aurait constitué un obstacle.
*
Je me glissai assez tôt sous la couette, mais le sommeil tarda à venir. J’étais tellement impatiente de voir si la vision onirique d’Erik allait revenir que je n’arrivai pas à fermer l’œil. Après trois bonnes heures à me tourner et retourner dans mon lit, j’entendis enfin les notes salvatrices qui me confirmèrent que je m’étais assoupie.
Close your eyes and surrender to your darkest dreams |
Ferme les yeux et abandonne-toi à tes rêves les plus sombres |
Purge your thoughts of the life you knew before |
Élimine de tes pensées la vie que tu connaissais auparavant |
Close your eyes, let your spirit start to soar |
Ferme les yeux, laisse ton esprit commencer à s’élever |
And you’ll live as you’ve never lived before |
Et tu vivras comme tu n’as jamais vécu avant |
Je portais comme la nuit précédente une magnifique robe rouge et noire. Mes cheveux relâchés tombaient élégamment sur mon corsage. Je me trouvais cette fois sur la scène de La Loge, mais la prestigieuse salle était vide et de hauts candélabres dorés où brûlaient nombre de bougies illuminaient l’espace. La musique semblait venir de partout et nulle part à la fois.
— Je suis heureux de voir que ma présence vous sied, ange de musique.
— Je me suis rendue à La Loge aujourd’hui, mais personne n’a su me dire où vous trouver…
— C’est parce que je ne sors que de nuit. Les gens qui travaillent pour moi la journée n’ont jamais vu mon visage.
La chanson continuait – ensorcelante mélodie – et Erik me fit tournoyer sur les planches de l’ancien opéra, m’entrainant dans une danse charnelle en me susurrant de doux mots à l’oreille.
Softly, deftly, music shall caress you |
Doucement, adroitement, la musique te caressera |
Hear it, Feel it, secretly possess you |
Écoute-la, ressens-la, te possédant secrètement |
Open up your mind, let your fantasies unwind |
Ouvre ton esprit, laisse tes rêves se dérouler |
In this darkness that you know you cannot fight |
Dans cette obscurité que tu sais que tu ne peux pas combattre |
The darkness of the music of the night |
L’obscurité de la musique de la nuit |
— Je n’ai jamais vu votre visage non plus, du moins pas entièrement. Que cherchez-vous à cacher?
Je dirigeai ma main vers le masque et le retirai. Je m’attendais à une difformité quelconque mais je fus surprise de voir apparaître un portrait absolument parfait.
— Parfois, les véritables cicatrices sont celles de l’âme et non de la peau. Tout comme la monstruosité d’une personne peut se cacher derrière le plus beau des sourires.
Il plongea soudain sur mon cou et me mordit profondément. J’ouvris brusquement les yeux et me retrouvai dans la sécurité de ma chambre, quelques gouttes de sang parsemant mon oreiller.
*
Aroul m’attendait au coin de la rue. J’avais une mine affreuse : ma peau était très pâle et des cernes immenses accentuaient mon regard. Je n’avais plus pu m’endormir après avoir reçu ma blessure onirique, qui s’était révélée bien réelle. Malgré la chaude soirée d’été, je portais un large collier ras du cou pour ne pas exposer la morsure qui me démangeait. Aroul eut l’air inquiet quand il me vit. Il me demanda si je voulais reporter le concert de ce soir pour prendre le temps de me reposer. Je refusai, sachant pertinemment qu’il était trop tard pour annuler quoi que ce soit. Je redoutais surtout de voir le visage d’Erik dans la foule et de perdre mes moyens.
Le concert se passa sans encombre. J’évitai de trop regarder dans le public, focalisant mon attention sur les groupies du premier rang, à qui mes regards soutenus et mes sourires faisaient extrêmement plaisir. Je fixai l’un d’eux avec tellement d’insistance qu’il se fit des idées et m’envoya son caleçon en fin de concert, avec bien sûr son numéro écrit dessus. Aroul lui lança un regard noir, mais n’aborda pas le sujet. Je retins mon souffle en rentrant dans notre loge. Meggy sourit.
— Tiens, ton admirateur secret t’a oubliée, on dirait. Pas de rose pour toi ce soir. Peut-être qu’après t’avoir rencontrée, il a réalisé que tu n’étais pas si exceptionnelle que ça finalement.
Cette remarque m’aurait blessée si je n’avais pas été aussi soulagée de ne plus être le centre d’attention d’un inconnu aux mœurs étranges qui hante littéralement mes rêves. Aroul lut le soulagement sur mon visage et eut l’air apaisé de me voir m’éloigner de cette ombre menaçant notre couple.
— Est-ce que tu veux que je reste dormir avec toi ce soir ?
— Je pense que c’est une bonne idée.
Même si j’aurais préféré rester seule – je n’avais pas encore entièrement pardonné la conduite d’Aroul –, j’étais certaine que sa présence serait réconfortante et peut-être dissuasive pour le fantôme de mes rêves.
*
À peine eussé-je fermé les yeux que j’entendis les notes redoutées. Je voulais fuir, mais une force invisible guidait mes pas vers un passage obscur à l’arrière de la scène de La Loge. Un escalier étroit menait au sous-sol. Je l’empruntai, laissant ma large robe frotter contre les murs. Je ne fus pas étonnée de retrouver Erik assis à une table, semblant m’attendre depuis un moment.
— Crystal, je suis si heureux que vous soyez revenue !
— Je ne le voulais pas.
— Si vous êtes ici, c’est qu’inconsciemment vous en aviez l’envie. Je voudrais m’excuser pour ma conduite d’hier. Je ne voulais pas en arriver là, mais quand vous avez enlevé mon masque, j’ai perdu toute retenue. Vous êtes tellement… alléchante. J’ai une offre à vous faire, même si cela va vous paraître assez soudain. Je ne peux plus me passer de vous. Vous avoir goûtée hier n’a fait que confirmer ce que votre voix m’a fait ressentir au plus profond de mon être. Je voudrais que nos voix s’unissent en un duo resplendissant et que vous me teniez compagnie chaque nuit. Pour l’éternité.
— Pour l’éternité ?
— N’avez-vous pas encore compris, ma très chère Crystal ?
Sa voix grave résonna dans toute la pièce et je compris enfin le sens enfoui de la mélodie.
Let your mind start a journey to a strange new world |
Laisse ton esprit commencer un voyage vers un nouveau monde étrange |
Leave all thoughts of the life you knew before |
Abandonne toutes les pensées de la vie que tu connaissais auparavant |
Let your soul take you where you long to be |
Laisse ton âme t’emporter là où tu en as envie |
Only then can you belong to me |
Alors seulement, tu pourras m’appartenir |
Il était un être de la nuit et voulait faire de moi sa compagne. Pour toujours. L’existence d’une telle créature ne m’étonnait pas en soi : il y avait tellement d’histoires à leur sujet que c’était impossible qu’elles n’aient pas un fondement de vérité. Ce qui m’interpellait davantage, c’était qu’un être aussi fantastique s’intéresse à ma personne. Je n’étais rien de plus qu’une chanteuse lyrique dans un groupe de métal, loin du sommet de la gloire.
— Vous seule pourrez donner vie à mes chansons, à mon art. J’ai besoin de votre voix, tout comme je désire votre corps tel qu’il est actuellement. Je ne veux pas attendre davantage ni risquer que le temps passe et laisse ses marques. Je veux vous savoir auprès de moi, à mes côtés pour l’éternité. Votre présence ici prouve que vous me désirez également, mais serez-vous capable d’accepter la noirceur de notre nature ?
Il passa derrière moi, commença à masser mes épaules délicatement. Son visage se rapprocha, humant l’odeur de mes cheveux, descendant vers mon cou, me susurrant un refrain séducteur.
Floating, falling, sweet intoxication |
Flottant, tombant, douce intoxication |
Touch me, trust me, savor each sensation |
Touche-moi, fais-moi confiance, savoure chaque sensation |
Let the dream begin, let your darker side give in |
Commençons le rêve, cède à ton côté le plus sombre |
To the power of the music that I write |
Au pouvoir de la musique que j’écris |
The power of the music of the night |
Le pouvoir de la musique de la nuit |
— Nous pourrions régner ensemble sur la nuit. Je reviendrai demain pour connaître votre réponse. Si vous ne voulez pas de moi, je vous laisserai en paix et vous ne me reverrez jamais.
You alone can make my song take flight |
Toi seule peux donner des ailes à ma chanson |
Help me make the music of the night |
Aide-moi à composer la musique de la nuit |
La peur avait disparu. Je caressai son masque du bout des doigts, savourant sa présence, redoutant le moment où il devrait partir et laisser ce vide lancinant en moi. Je me demandai si j’arriverais à embrasser une telle destinée, pour lui. Son visage s’évanouit doucement dans l’obscurité et seul le masque resta dans ma main. Je me réveillai, ne sachant que penser de sa proposition.
Je sentis des yeux dans l’obscurité qui me fixaient. J’aperçus Aroul assis sur le bord du lit. Son regard exprimait un mélange de colère et de tristesse.
— Tu as prononcé son nom pendant ton sommeil. Je suppose que tu l’as revu puisque tu tiens son masque entre tes mains. Je pensais que c’était du sérieux, nous deux, mais je vois que je me trompe.
— Aroul, tu ne comprends pas, les derniers jours ont été tellement étranges. Le fantôme de La Loge hante mes rêves. Et le matin venu, ils semblent si réels… Je ne sais plus où j’en suis.
— Si tu chantes avec nous ce soir, je considérerai que tu donnes encore une chance à notre amour. Si tu ne viens pas, je comprendrai…
Sur ces paroles, il quitta mon appartement.
La journée fut longue et quand la lune apparut dans le ciel, ma décision était prise.
Je chanterai la musique de la nuit.
Music of the Night de la comédie musical The Phantom of the Opera (film d’Andrew Lloyd Webber de 2004).
Ou en PDF ici http://www.phenixweb.info/sites/default/files/Rose-noire-reve-rouge-Math...
[1] Traduction : Chante pour moi, mon ange de musique.
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