Rideau !

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Fin 1945 en Prusse orientale. L’armée allemande est en déroute, même si elle veut encore y croire. Les Soviétiques sont aux portes de la ville. D’un côté, un lotissement abritant une population peu aisée, fidèle au régime, avec un côté un peu communiste dans l’organisation, et de l’autre, une immense propriété, le Georgenhof, où vit une famille de bourgeois sur le retour, les Von Globig. Le maître de maison est absent, en Italie, « pour affaires ». La femme se morfond dans sa chambre en écoutant des radios étrangères, et parfois même la BBC, en regrettant son amant interdit. Le fils, Peter, que l’on dit fragile pour éviter qu’il soit embrigadé dans les jeunesses hitleriennes, se passionne pour les observations avec son microscope. Et la tantine qui mène son monde à la baguette, entre deux domestiques qui n’en font qu’à leur tête et un vieux cocher homme à tout faire taciturne. Pour donner un semblant de vie, Katharina Von Globog accueille les gens de passage qui fuient l’envahisseur russe : une violoniste, un économiste, un couple de nobles avec leur famille. Un jour, elle cède à la demande pressante du curé de la paroisse et héberge un fugitif qui se révèlera être un juif. Une faute impardonnable qui la conduira en prison, tandis que les occupants de la maison doivent se résoudre à fuir…

Les éditions Globe publient une nouvelle fois un petit bijou de littérature originale. J’aime décidément beaucoup cette maison, qui m’a permis de découvrir entre autres Crazy Brave et la Fracture.

Avec Rideau !, l’auteur propose une vision originale de la Seconde Guerre, puisqu’il s’intéresse aux vaincus et plus spécifiquement aux frontaliers avec la Russie. L’Allemand est donc forcément le bon, il finira par triompher. Chaque personne qui gravite autour du Georgenhof et de ses occupants a son opinion plus ou moins tranchée, du nazi pur et dur à l’hésitant qui n’ose pas trop en ajouter. En définitive, on les retrouvera tous sur la route, fuyant l’avancée de l’ennemi, un des moments les plus poignants et les plus réussis du roman après de nombreuses pages pouvant paraître légères. Car c’est là le tour de force de Kempowski, c’est de composer une histoire comme si la plupart des protagonistes refusaient d’admettre l’évidence. On mange beaucoup, on boit, on danse au son de la musique. Déboussolant au départ, le style d’écriture est très particulier, le texte et les dialogues se mêlant parfois au point que l’on ne sait plus tout à fait s’il s’agit d’une réflexion d’un personnage. Kempowski utilise également une technique narrative particulière qui consiste à terminer ses phrases par des points d’interrogation, quitte à dérouter son lecteur. Passé ses particularités, c’est pourtant un témoignage essentiel que nous livre l’auteur loin des traditionnels récits de guerre.

Je remercie une nouvelle fois les éditions Globe pour leur confiance et pour m’avoir permis de lire cette pépite littéraire.

Rideau! - Walter Kempowski - Editions Globe - Avril 2020, 23 €

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