Rêver
Si ce n’étaient ses cicatrices et les photos étranges qui tapissent les murs de son bureau, on pourrait dire d’Abigaël qu’elle est une femme comme les autres.
Si ce n’étaient ces moments où elle chute au pays des rêves, on pourrait jurer qu’Abigaël dit vrai.
Abigaël a beau être cette psychologue qu’on s’arrache sur les affaires criminelles difficiles, sa maladie survient toujours comme une invitée non désirée. Une narcolepsie sévère qui la coupe du monde plusieurs fois par jour et l’emmène dans une dimension où le rêve empiète sur la réalité. Pour les distinguer l’un de l’autre, elle n’a pas trouvé mieux que la douleur.
Comment Abigaël est-elle sortie indemne de l’accident qui lui a ravi son père et sa fille ? Par quel miracle a-t-on pu la retrouver à côté de la voiture, véritable confetti de tôle, le visage à peine touché par quelques bris de verre ? Quel secret cachait son père qui tenait tant, ce matin de décembre, à s’exiler pour deux jours en famille ? Elle qui suait sang et eau sur une affaire de disparitions depuis quelques mois va devoir mener l’enquête la plus cruciale de sa vie. Dans cette enquête, il y a une proie et un prédateur : elle-même.
Avec la régularité d’un beaujolais nouveau, mais généralement avec plus de saveur et de piquant, le nouveau roman de Frank Thilliez prend d’assaut les rayonnages des librairies pour se hisser tout en haut des listes de vente. Pour certains, régularité rime plutôt avec médiocrité, puisque l’écriture se doit de ne jamais se plier au diktat du temps, des saisons, où des besoins de la « machine ». Foutaises en boites, bien entendu. Ce n’est pas parce qu’on fixe un rendez-vous annuel avec le lecteur que l’on se vautre forcément dans la facilité et les raccourcis de kermesse.
Avec Rêvez, la preuve est à nouveau faite que « populaire », « annuel » et « divertissement » peuvent rimer avec « plaisir » et « réussite ». Certes, on n’échappera pas à quelques poncifs, on retrouvera des situations « classiques » de l’œuvre du Nordiste, on s’interrogera une fois de plus avec lui sur les limites du mal, de la manipulation mentale et de la réalité… Mais au final, avec cette aventure en forme de cauchemar emboîté dans un mauvais rêve, on passe surtout un excellent moment de suspense et on chemine aux côtés de personnages bien construits, attachants voire fascinants. Une valeur sûre quoi !
Rêver par Franck Thilliez, Éditions Fleuve Noir
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