Space opéra !
Régulièrement les Moutons électriques nous sortent des études sur l’Imaginaire ou sur les auteurs de l’Imaginaire. Avec Space opera ! de André-François Ruaud et Vivian Amalric un nouveau pas a été franchi. Genre de prédilection que je ne pouvais pas laisser passer, tout simplement parce que c’est avec lui que j’ai commencé à lire de la science-fiction. Aujourd’hui encore ma préférence va à ce genre de livre, même si il n’y a pas pléthore de titres qui sortent sur le marché.
Les deux auteurs proposent de faire une visite du genre, mais en s’arrêtant volontairement à l’année 1977 qui correspond à la sortie de Star Wars. A travers les romans et nouvelles, mais aussi à travers les films, les séries télé, les pulps et la bande dessinée, ils retracent l’histoire de l’aventure spatiale telle que imaginée par des auteurs, scénaristes, réalisateurs et dessinateurs. On a droit à une préface de Gérard Klein, ce qui est en soi une référence. Et on découvre que les collaborateurs de ce livre sont des acteurs importants de l’imaginaire francophone d’aujourd’hui.
Space opera ! nous ramène à notre adolescence, lorsque nous aimions lire des livres d’aventure qui avaient pour décor l’espace (je précise que c’est toujours mon cas quatre décennies plus tard). On pourrait s’attendre à une histoire chronologique du space opera, mais il n’en est rien. Les auteurs ont préféré aborder le genre à travers plusieurs sujets. On trouvera donc : Doc Smith, Eric Frank Russell, Isaac Asimov, Hal Clément, Poul Anderson, Colin Kapp, Nathalie Henneberg, etc. auxquels presque un chapitre entier est consacré. Il y a évidemment d’autres auteurs dans ce livre, mais c’est impossible de les citer tous. Et puis il y a des thèmes comme les serials, Star Trek, le Fleuve Noir (à travers Louis Thirion entre autres). Les films ne sont pas en reste, et des classiques comme Planète interdite ne sont pas oubliés. Des séries comme Flash Gordon ou Buck Rogers occupent une part importante dans ce livre. Star Trek est aussi bien présent et se prolonge indirectement vers Next Generation.
Le livre a le grand mérite de raviver les souvenirs et aussi de donner envie de relire ces vieux livres de space opera qui datent d’un autre âge. Il est par moment déséquilibré car certains auteurs ne mérite pas tout un chapitre. C’est le cas de Nathalie Henneberg, qui malgré la qualité de son œuvre, pouvait certainement occuper deux fois moins de place. Même critique sur Flash Gordon, à mon avis beaucoup trop long.
Le livre a quelques lacunes. Mais on n’a jamais demandé aux deux auteurs d’être exhaustifs et objectifs. Par exemple, ils ont complètement oublié la bande dessinée Jet Logan dont 64 numéros sont sortis entre 1965 et 1970. Et pourtant c’est du vrai space opera qu’on peut mettre dans la même catégorie que Dan Dare. Pas trace de Jezabel, la pirates de l’espace dessinée par Magnus, qui a sévit pendant 18 numéros. Et puis dans les séries télés, un oubli comme Orion raumpatrouille (Orion space patrol), une série allemande qui date de la même période que Star. On pourrait aussi ajouter la série Firebird XL5 de Gerry et Sylvia Anderson qui date de 1962.
Si on fait abstraction de ces oublis, le seul vrai reproche qu’on peut faire aux deux auteurs, c’est de n’avoir pas légendé toutes les images du livre. En dehors de cela, c’est un travail de bénédictin qui a été accompli et qui mérite amplement des louanges. Je compare un peu ce livre à celui de Jacques Sadoul sur l’histoire de la science-fiction. C’est en tout cas une référence de plus qu’il faut avoir dans sa bibliothèque, si on est un amateur de space opera. Ce livre montre parfaitement les bases du genre. Le seul problème, c’est que beaucoup d’entre elles n’ont pas été traduites ou n’ont tout simplement pas été rééditées. Dans ce sens, des collections comme Les trésors de la SF chez Bragelonne devraient exister chez d’autres éditeurs. Il y a des classiques de la SF qui méritent leurs places dans nos bibliothèques, même s’ils n’ont pas été des chefs-d’œuvre.
Concernant Space opera !, l’idéal serait qu’une suite existe, qui irait de 1977 à nos jours. Je pense qu’il y a matière à faire cette suite. Espérons que les deux auteurs entendent mon vœu le plus pieu. Ce livre est une machine à rêver, un poison qui n’a comme seul but que de nous donner envie de retrouver tous ces livres de space opera disparus ou oubliés. Même en connaissant bien le space opera, j’ai encore découvert à travers ce livre des auteurs qui m’ont échappé. Il me reste à me lancer dans une course au trésor pour les retrouver. Evidemment s’ils pouvaient être un jour réédités (de préférence sous forme d’omnibus), ce serait beaucoup mieux !
Un livre qui doit faire partie de la bibliothèque des amateurs du genre, sous peine d’être jeter dans un trou noir à l’autre bout de la galaxie.
Space opéra, André-François Ruaud et Vivian Amalric, Les Moutons électriques, 426 pages, 2009