Quitter les Monts d’Automne

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Voici un livre pour lequel je regrette d’avoir autant de références du fait de mes nombreuses lectures antérieures et, en même temps, de ne pas avoir les références principales de son origine réelle, la connaissance par Émilie Querbalec de la culture japonaise et, en particulier, du Dit du Genji, auquel se réfère la quête de l’héroïne.

 

L’histoire est avant tout la quête par l’héroïne non seulement de son propre passé dont elle a oublié l’essentiel, mais aussi du passé de son monde, de celui de l’humanité entière.

Nous sommes en 13010, mais après quel événement de début d’une ère nouvelle ? L’humanité s’est répandue dans de nombreuses planètes, unies par le Flux. Le Flux est une religion, le culte de l’énergie et de ses transformations. Il a ses prêtres, les moines Talankés, seuls détenteurs et gardiens de certaines technologies.

 

Je n’ai pu m’empêcher de comparer cette quête à celle d’Aleytis, l’héroïne du Diadème des étoiles, de (Patricia) Jo Clayton, qui part d’une planète agricole arriérée et découvre les secrets d’un univers colonisé par les humains. Kaori, qui doit quitter les Monts d’Automne, une région de sa planète natale Tasai, qui ressemble beaucoup au Japon médiéval, malgré quelques éléments de technologie limités, sous la surveillance des moines Talankés qui interdisent, entre autres, l’existence d’écrits ou d’enregistrements. La mémoire collective ne dispose que des Conteurs, qui racontent les contes qui arrivent dans leur cerveau. Bien que fille d’une Conteuse, Kaori n’a pas reçu le Don de conter. Quand, dans l’héritage de la grand-mère qui l’a élevée et lui a appris le métier de danseuse, Kaori découvre un manuscrit, elle sait qu’elle devra chercher son passé et le secret de ce manuscrit. Et, bientôt, quitter son monde et poursuivre sa quête dans l’espace.

 

Le thème de la quête et du passage à l’âge adulte est un thème récurrent... Même si Tasai est un monde aquatique et toute sa culture est d’origine japonaise, n’est-ce pas un pendant d’un autre monde désertique dont la culture serait islamique ? Là où le Flux est servi par les machines et les moines Talankés, ne peut-on pas voir un pendant d’un monde presque sans machines ? Kaori n’est-elle pas, d’une certaine façon, la sœur de Paul ? Il y a d’autres références possibles, d’autant plus que la quête de Kaori la mènera sur Terre, l’origine du Flux...

 

Et il y a, explicitée dans le livre, la référence à toute une littérature féminine, née avec l’usage par les femmes japonaises d’une écriture spécifique, inspirée de l’écriture chinoise adaptée au japonais, mais réservée aux mâles, et de toute la littérature féminine écrite, il y a mille ans, par des femmes, dont Murakasi Shikubu, l’auteur du Dit de Genji dont le manuscrit de Kaori est issu.

Avec de surcroit le rappel d’un principe de chiffrement, appelé entre autres technique du masque jetable, utilisant une clé de la taille du message ce qui le rend indéchiffrable sans la clef... L’esprit de Kaori est cette clé. Mais à qui est adressé le message ?

Un roman qui ouvre des portes vers un avenir lointain, possible, d’espoir.

 

Quitter les Monts d’Automne, par Émilie Querbalec, Albin Michel Imaginaire, 2020, 442 p., couverture de Manchu, 21€90, ISBN 978-2-226-45193-4

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