Poulets grillés

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Le 36 quai des Orfèvres s'offre un nouveau patron. Faire briller les statistiques en placardisant tous ceux qu'on ne peut pas virer et qui encombrent les services : tel est le but de la manœuvre.

Nommée à la tête de ce ramassis d'alcoolos, de porte-poisse, d'homos, d'écrivains et autres crétins, Anne Capestan, étoile déchue de la Judiciaire, a bien compris que sa mission était de se taire. Mais voilà, elle déteste obéir et puis... il ne faut jamais vendre la peau des poulets grillés avant de les avoir plumés !

 

L’exercice du polar parodique est un exercice difficile… Surtout en territoire français où plane l’ombre, lourde, d’un certain San Antonio. Si l’on ajoute à cela le fait qu’une partie du lectorat francophone a quelques difficultés à gérer le mélange des genres… Et que l’humour est une arme à double tranchant, qui peut autant braquer le lecteur que lui ouvrir toute grande les portes de la réflexion, on se dit que Sophie Hénaff n’a pas choisi la voie la plus simple pour se faire d’une place au soleil des librairies ! Journaliste pour Cosmo, la gente demoiselle aurait pu se lancer dans la six mille sept cent trente quatrième (6734, pour celles et ceux qui ont du mal à suivre…) variation sur la journal de Bridget Jones, voire nous raconter les malheurs d’une journaliste obligée de choisir entre un repas en tête-à-tête avec Brad Pitt et la petite communion de sa nièce en Province…

 

Mais non ! Sophie n’a peur de rien et elle décide de saisir à bras le corps les codes du « roman d’enquête » pour nous entraîner dans une aventure soutenue, drôle et bien bâtie. Soutenue, parce que son écriture claire, relevée, imagée, ne laisse pas au lecteur le loisir de s’ennuyer ; drôle parce que le rire est au coin de la page, tant des les dialogues, que les situations ou encore les allusions subtiles à divers poncifs du genre ; et enfin bien bâtie, parce qu’on réalise assez vite que la romancière débutante ne l’est pas vraiment, puisqu’elle charpente avec beaucoup d’intelligence sa narration, pour affiner la mécanique derrière son histoire à multiples entrées.

 

Bref, un premier roman qui en appellera, on l’espère, d’autres… Où l’auteur gagnerait peut-être à se lâcher davantage, tant on sent pointer, à certains moments, des envies de burlesque, voir d’absurdités, denrées encore rares dans un l’univers encore et toujours trop cartésien de la littérature française.

 

Laissez-vous aller, Sophie ! Tout le monde y gagnera !

 

Poulets grillés de Sophie Hénaff, Éditions Albin Michel

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