Plus grand sous-marin du monde (Le)

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Encore une salve de la collection « Espace Nord » !

Disparu en 2011, André-Marcel Adamek reste l'une des grandes voix de la littérature belge, partagé entre le fantastique, le réalisme (magique ou non) et le récit de terroir. Ce cocktail détonnant a produit des romans remarquables. Quatre d'entre eux avaient été réédités par La Renaissance du Livre en 2000, dans la collection « Les Maîtres de l'Imaginaire » : Le fusil à pétales, Le maître des jardins noirs, Un imbécile au soleil, et La couleur des abeilles. Autre livre important, La grande nuit (2001), s'inscrivait dans une lignée post-cataclysmique qui semblait fasciner Adamek, lignée à laquelle il accolait son verbe poétique intense, qui fait de chacun de ses ouvrages un petit bijou finement ciselé.

 

Le plus grand sous-marin du monde, paru en 1999 chez Bernard Gilson Éditeur & Le Castor Astral, n'échappe pas à la règle, au contraire. La poésie est renforcée par une intrigue mince, mais assez substantielle pour nourrir la vie d'un petit univers clos. L'action se déroule à Saint-François-le-Môle, petit port perdu quelque part le long de la côte atlantique. Le village est le personnage principal du roman, les habitants n'en étant que des émanations archétypales : le philosophe amoureux de la langue française, la jeune fille échappée d'une famille bourgeoise, l'ancien marin au long cours alcoolique, la tenancière au grand cœur du bar-restaurant, le mannequin anorexique et son amoureux plutôt obèse, le ferrailleur grec exploitant une main d'œuvre étrangère, etc. L'interaction de ces rôles maintient l'inspiration d'Adamek dans un faisceau d'actions coexistantes, qui guident le roman, tel un navire fendant la houle des sentiments. La mer est très présente (la mère de l'écrivain n'était-elle pas fille de marin ?). Quant au sous-marin du titre, il s'agit d'un vieux débris de la flotte soviétique, vendu pour un prix dérisoire. Il serait désarmé, mais en fait, il ne l'est pas tout à fait... Le nouveau propriétaire, le ferrailleur grec, est arrêté pour une affaire de mœurs. Que faire du sous-marin ? Le faire visiter comme attraction touristique relancerait peut-être l'économie du village ? Ou... partir à son bord ?

La fin du roman confine à la fable, « fin ouverte quoique funeste », ainsi que le résume habilement l'auteur de la postface, Amaury de Sart. Comme souvent, Adamek pare la trame de ses romans de pages somptueuses, qui en faisait l'un de nos meilleurs stylistes. Tel cet hymne à la mer : « Elle disait l'alchimie génitrice de l'eau et du sel, le refuge nourricier des pénombres liquides, le silence éternel des profondeurs que l'on déserte l'instant d'une vie, pour concéder son propre souffle au monde des lumières » (p. 190). Ou, plus étrange, ce passage étonnant, durant lequel Max le philosophe brûle tous ses dictionnaires le long de la plage : « Mais qu'est-ce qu'un livre, sinon de beaux arbres sacrifiés, un peu d'encre et de colle et l'éternelle illusion du savoir ? Les mots toujours complices de l'idée, prostitués, mercenaires, maîtres chanteurs. Max éprouve une joie souveraine en les écoutant gémir » (p. 123-124). Mais, comme s'ils se vengeaient, les mots déserteront la mémoire de Max, et il deviendra aphone...

 

Le plus grand sous-marin du monde est un livre riche, à plusieurs lectures, curieux et atypique peut-être dans l'œuvre d'Adamek, aussi obsédant que troublant.

 

André-Marcel Adamek, Le plus grand sous-marin du monde, Coll. « Espace Nord » 2015, Communauté française de Belgique, illustraion de Marsea, ISBN : 978-2-87568-065-5, 223 p., 8,50 euros.

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