Atlantide, rêve et cauchemar

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Je quête l’Atlantide par plaisir. J’ai été condamné à l’enfance à perpétuité. J’aime qu’on me raconte des histoires de peuples maudits, de dieux vengeurs et de désastres sublimes

Tout ce livre est résumé par ces phrases. Yves Paccalet aime les mystères, et leur a consacré plusieurs ouvrages, de l’Australie à l’Antarctique. Mais il aime le pamphlet également, comme en témoigne « L’Humanité disparaîtra, bon débarras ! » (J’ai lu, 2006). Le présent titre tient un peu des deux. En somme, il présente le thème de l’Atlantide, souligne sa préférence de localisation (tube du genre atlantiste), puis entonne la trompette écologiste.

Il ne s’agit donc ni d’un livre scientifique, ni d’un pavé historique. Ce n’est pas un essai non plus, mais plutôt une rêverie littéraire, ce qui fait tout son charme. Paccalet a accompagné le Commandant Cousteau dans ses explorations crétoises (1976), puis est revenu sur les lieux en 2007.

Comme souvent dans la littérature atlante, l’auteur défend une thèse, après avoir parcouru toutes les autres. Pour lui, l’Atlantide est l’île de Crète, et le désastre qui conduisit à l’anéantissement est celui de l’éruption du volcan de Santorin. La théorie n’est pas nouvelle, et bien argumentée. Un tsunami épouvantable aurait donc anéanti Santorin et les îles environnantes et, partant, la civilisation crétoise qui risquait de dominer la Grèce, un peu comme Carthage menaçait Rome. D’où l’occultation littéraire du drame historique, et l’oubli total qui s’ensuivit. Platon ayant ouï le mythe en Egypte, et l’Atlantide se situant à l’Ouest, cela peut résoudre la question des colonnes d’Hercule, et abolir la localisation aux Açores.

Tout cela ne semble pas essentiel pour Paccalet, qui, au fil des pages, convainc le lecteur de l’identité crétoise de l’Atlantide. C’est son droit, évidemment, d’autant plus que les arguments sont solides. Ce qui n’empêchera jamais les amoureux de l’Atlantide de rêver au continent atlantique traditionnel tel que décrit dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Vernes (1870), ou L’énigme de l’Atlantide d’E.P.Jacobs (1955), ou Opération Atlantide d’Henri Vernes (1956). Ou même l’Atlantide saharienne de Pierre Benoît de 1919. Voilà le rêve atlante, qui ne réside que dans le désir de la découverte, et non dans la découverte elle-même. En cela, il se situe aux antipodes de Pierre Vidal-Naquet, qui, dans sa magistrale « Petite histoire d’un mythe platonicien » (Les Belles lettres, 2005) plaide pour une Atlantide purement théorique, modèle d’état dystopique créé de toutes pièces par un Platon nullement romancier, mais philosophe de l’Académie.

La magnifique qualité du livre de Paccalet réside en cette dualité : d’une part, l’ambiance nonchalante de ses flâneries dans les îles grecques, dont il ressent profondément le charme, littérairement fort bien écrite, et d’autre part ses théories sur le thème central. Nous sommes donc entre le récit de voyage, l’essai et le pamphlet. Le côté pamphlétaire domine le dernier chapitre intitule « Envoi : la nouvelle Atlantide ». Paccalet souscrit un peu trop subitement à toutes les grandes thèses écologistes, de l’épuisement des ressources au réchauffement climatique, (« Gaïa en a marre, ô Pluton ! ») et, tel Cassandre, entonne son dernier air : "nous sommes les Atlantes du XXIème siècle" ! « Dans cette configuration, l’Atlantide désignera la terre entière, et les Atlantes seront l’espèce humaine ».

Respectant cette fin lyrique et ... politique, je reviens à l’ensemble de l’ouvrage pour louer son bel équilibre entre poésie lyrique d’un promeneur grec, et théories modernes sur un sujet immémorial. Un fort beau livre, très subjectif et plein d’amour, ce qui est assez rare.

Yves Paccalet, Atlantide, rêve et cauchemar, la quête du continent perdu, 242 p., Arthaud

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