Oubliés de l’amas (Les)

Après deux livres que j’ai adorés, en voici un troisième dont je ne peux pas ne pas signaler les déceptions qu’il me vaut.

Le thème n’est pas nouveau, mais cela n’est absolument pas un problème, parce qu’il se prête à une quantité de possibilités de variations et d’innovations : c’est la quête par une sœur de son jumeau disparu sur une planète inexplorée, en l’occurrence Jupiter.

Le cadre est toujours ouvert lui aussi à l’écriture de romans originaux : le système solaire a été entièrement, ou presque puisque Jupiter reste inexplorée, colonisé ; les humains, modifiés suivant leur planète ou satellite d’origine, occupent différentes planètes et satellites. Deux entités politiques, les planètes centrales, de Mercure à Mars en passant par la Terre qui domine ce gouvernement, et les planètes et satellites extérieurs, Saturne, Uranus, Neptune, Triton... Une planète manque à l’appel, Vénus, entièrement détruite par une guerre de type « jihad butlerien » puisque c’est pour interdire les Intelligences Artificielles que les autres mondes ont exterminé les Vénusiens.

À défaut des astéroïdes, c’est sur un monde artificiel, l’Amas, créé en orbite autour de Jupiter, que se situe une zone plus ou moins hors-la-loi : la décharge des vaisseaux usagés, la prison des condamnés politiques et le repaire des aventuriers en tous genres, contrebandiers, ferrailleurs qui essayent de récupérer les restes des vaisseaux atterris sur Jupiter que les orages magnétiques de l’étoile avortée qu’est cette géante gazeuse renvoient dans l’espace par des « bursts » violents et meurtriers pour lesdits ferrailleurs.

C’est à un équipage de ferrailleurs que s’est associée notre héroïne, Kat, physicienne exclue de sa profession après un accident, en fuite, mais aussi à la recherche de son frère jumeau qui a disparu alors qu’il était parti explorer Jupiter. Elle va rencontrer des aides inattendues, des ennemis anciens et nouveaux et découvrir des secrets inattendus...

Alors pourquoi ai-je ces réticences face à ce roman, alors même que je le lis ?

D’abord à cause du titre, probablement imité d’un autre titre de roman « ado » ; alors même que celui-ci se veut adulte, l’héroïne a trente ans et non quinze. Mais le sujet du roman est bien distinct de la condition des habitants de l’Amas...

Ensuite parce qu’il donne l’impression de ne pas avoir été soumis à l’élimination des incohérences et autres scories indispensable. Mon professeur d’écriture aurait exigé qu’on le réduise de moitié : il y a trop d’explications ici ou là, en profitant de ce que l’héroïne est supposée ne rien savoir sur la société dans laquelle elle s’est introduite ; il y a trop de situations liées à ses imprudences, situations desquelles elle est tirée par l’arrivée miraculeuse de tel ou tel ami ; et il y a ici ou là telle incohérence qui fait bondir le lecteur, le « vide intersidéral » autour de Jupiter, le rejet « dans toute la galaxie » des IA... Les trouvailles « scientifiques » de l’héroïne font fouillis, des possibles interversions de personnages choquent, en bref il manque un retravail complet qui aurait donné un roman plus dense peut-être, mais plus cohérent.

De découverte en découverte, l’héroïne arrivera à un choix essentiel : sa quête ne va-t-elle pas être une catastrophe bien plus grave que l’accident qui l’a chassée des laboratoires ? Jusqu’où aller dans la recherche de la connaissance. Malgré les défauts d’écriture, ce livre reste un roman de spéculation, d’interrogation.

Les oubliés de l’amas de Floriane Soulas, Scrinéo, coll SF, 2021, 625 p., couverture de Germain Barthélémy, 21€, ISBN 978-2-36740-922-1