Nous mourrons de nous être tant haïs

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Achille est blessé en manifestant à Cherbourg contre le nucléaire. Aurore veut partir en Malaisie au secours des boat people. Jérôme rencontre l'ayatollah Khomeini à Neauphle-le-Château avant son retour triomphal en Iran. Abram tente de sauver les oiseaux englués dans le pétrole de l'Amoco Cadiz à Portsall. Sélène embarque pour la Norvège afin de se confronter à des chasseurs de phoques.En 2054, depuis la Nouvelle-Zélande, alors que la mort la menace, Auriline décide de se replonger dans l'histoire de sa famille. Sa mémoire remonte jusqu'à l'arrivée en France de son grand-père, après la Seconde Guerre mondiale.En repêchant des morceaux de vie éloignés dans l'espace et le temps, elle compose le tableau d'une nature humaine prédatrice et autodestructrice. Elle dresse aussi le portrait de résistants qui tentent, jusqu'au bout, d'empêcher la catastrophe s'écrivant sous nos yeux. En vain ?

 

J'avoue ne pas connaître Aymeric Caron, sa carrière télévisuelle ayant débuté à peu près au moment où j'ai cessé de regarder le petit écran. Après lecture de ce premier roman, je suis allée me renseigner sur lui sur Internet et deux choses m'ont frappée.

La première, c'est qu'il a mis de petits morceaux de lui et de son parcours dans chacun des personnages de la famille Richards.

La seconde, c'est qu'il aurait pu se contenter d'écrire un essai ou un pamphlet, que la critique aurait mollement applaudi par habitude et que personne ou presque n'aurait lu. Au lieu de ça, il a choisi la fiction et bien lui en a pris.

Car Nous mourrons de nous être tant haïs est un roman formidable, une sorte de Forrest Gump à la française retraçant l'historique du mouvement écolo depuis les années 60 jusqu'à un futur hélas bien trop proche (et diablement crédible de surcroît). En faisant s'entrecouper des tranches de vie des personnages et des évènements réels, Aymeric Caron dissèque avec brio ce qui nous a amenés à la situation actuelle : une planète à l'agonie dans l'indifférence de ceux qui tiennent les manettes.

Sans hésiter, il analyse l'échiquier géopolitique de chaque décennie et démontre comment cela a pu influer sur l'inertie et la non-intervention des gouvernements, chaque fois qu'une alerte écologiste a été lancée. De la sauvegarde des baleines au nucléaire, des marées noires aux réfugiés, de l'activisme au terrorisme, il passe tout à la moulinette dans une démonstration brillante et terrifiante. Il tente par la même occasion de comprendre les raisons de notre inaction et de notre aveuglement, une tâche humainement impossible !

Certes, le propos n'a rien de novateur, mais l'état de la Terre prouve qu'on ne le répète pas assez, puisque rien ne change, rien n'est fait. Quand cesserons-nous cette éternelle fuite en avant, laissant derrière nous un sillage sanglant d'animaux, de végétaux et d'humains décimés ?

Modestement, Aymeric Caron choisit de s'effacer derrière un final de science-fiction. À nous, lecteurs, de tirer les conclusions qui s'imposent et de choisir une explication à cet acharnement à nous auto-détruire. Pas de happy end hollywoodien, comment cela pourrait-il être possible ?

C'est très bien écrit, on se laisse emporter par la plume de cette fresque amère et percutante. Aussi est-il aisé de lui pardonner certains passages un peu trop appuyés ou manquant un peu de nuances.

Si vous ne devez lire qu'un seul livre en 2022, que ce soit celui-là ! (Il sort le 13 janvier prochain)

 

Nous mourrons de nous être tant haïs d'Aymeric Caron, chez Robert Laffont, ISBN 978-2221254714, 21 €

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