Nolan's Batman : Batman Begins - The Dark Knight - The Dark Knight Rises

Réalisateur: 


La trilogie « Dark Knight » de Christopher Nolan est sans doute la plus grande création cinématographique de tous les temps. Rares sont les films qui peuvent se mesurer à une œuvre d’une telle ampleur (près de huit heures de film d’une cohérence narrative parfaite et d’une force visuelle qui nous tiennent en haleine de la première à la dernière seconde).

_ Jamais le cinéma n’a abouti à une telle harmonie, fusion achevée entre tous les arts, dramaturgie au cordeau, images d’une poésie noire (Ah ! Gotham sous la neige), dialogues de haute volée (savourez les répliques shakespeariennes de Michael Caine), écriture méticuleuse jusque dans les moindres détails (la psychologie du personnage de Batman est d’une profondeur qui n’a d’égale que celle des fondations de son château), interprétation haut de gamme (Christian Bale, Michael Caine et Gary Oldman en tête), musique d’outre tombe aux envolées crépusculaires.


Chris Nolan et ses deux coscénaristes ont sorti Batman des comics et des gaudrioles filmiques précédentes. Ils l’ont épuré pour en faire un héros atrocement réaliste, plus noir que ne l’aurait rêvé Frank Miller, avec ses limites, ses failles et ses implications dans notre monde contemporain.

Batman est né d’une série de traumatismes, d’une chute dans une caverne à chauve-souris, de l’assassinat de ses parents, de la culpabilité et de l’impossibilité de les venger. La chauve-souris sera le symbole à la fois de la peur que Bruce Wayne veut susciter chez ses ennemis, mais aussi de la victoire qu’il a remportée sur sa propre peur.

La mutation du héros passera par la plongée dans les basses couches de la société comme le fit Siddhârta Gautama (Gothama ?) pour mieux comprendre les criminels et partager les souffrances du peuple qu’il devra protéger. Elle passera aussi par l’initiation au combat, psychologique et physique, sous l’autorité d’un grand maître qui se révèlera plus extrémiste que l’élève au point de devenir son principal ennemi. Elle passera enfin par la mise au point de la panoplie et de l’armement du super héros, grâce aux moyens dont dispose le département recherche et développements de la firme de son père.


Batman peut alors commencer : « Batman Begins »

Ses premiers pas seront maladroits.

Jusqu’à la consécration.

Puis viendra la chute du Chevalier Noir : « The Dark Knight »

Puis le sacrifice : « The Dark Knight Rises »

Le spectateur non plus n’en ressortira pas indemne.

Pour bien parler de la trilogie nolanienne, il faudrait la longueur d’une thèse.


Il faudrait se pencher sur les thématiques abordées : le bien et le mal dont les frontières sont mouvantes et parfois floues, le pouvoir de la finance, les illusions de la révolution, les dangers du progrès scientifique, la peur surtout qui est au centre de cette œuvre comme entrave ou comme arme, comme faiblesse ou comme force, et les limites du héros, de l’individu hors-norme qui doit s’effacer devant le peuple qui lui préfèrera toujours un représentant « normal » !

Il faudrait étudier le scénario qui atteint un niveau de complexité auquel seul le scénariste de « Inception » (Christopher Nolan lui-même) allié à Jonathan Nolan et David S. Goyer pouvait accéder. Un scénario original doté d’une progression dramatique à la fois implacable et inattendue, de personnages qui ne restent jamais au stade du stéréotype, d’une métaphore sur notre monde et même d’un mythe nouveau, celui du puits dont on ne s’évade qu’avec la peur.

Il faudrait s’arrêter sur chaque image. Sur celle de Bruce Wayne dans la grotte, enveloppé par des centaines de chauves-souris et par les notes de musique de Hans Zimmer (et James Newton Howard). Sur celle de Batman fuyant en moto à la fin du deuxième opus, la cape flottant dans son dos comme si la Batpod crachait des flammes noires. Sur le gros plan des yeux de Christian Bale derrière son masque (un regard qui vaut des dizaines de millions de dollars) partant larguer la bombe au large de Gotham.


Il faudrait décortiquer chaque scène que Nolan a gravée dans notre esprit, que ce soit celle du combat contre les ninjas de Ra’s al Ghul, de l’attaque du Joker contre le fourgon transportant Double Face ou de l’attaque par Bane d’un avion en plein ciel.

Il faudrait disséquer tous ces personnages réalistes, pourtant tirés de comics et issus de la Fantasy ! A commencer par le Joker, caractérisé en quelques secondes avec le tour fulgurant de la disparition du crayon ! Heath Ledger, qui l’incarne, inspire la peur. Il est sale, fou, déjanté. Regardez bien la scène où il fait sauter l’hôpital : ce type est passé de l’autre côté du miroir. A croire qu’il ne s’agit pas du même acteur qui jouait dans « Le secret de Brokeback Mountain ». Ledger mourra peu de temps après pour avoir avalé antidépresseurs, analgésiques et anxiolytiques. Golden Globe, BATFA et Oscar lui seront remis à titre posthume.
Les méchants de « Dark Knight » nous touchent comme chez Hitchcock et font de l’ombre aux gentils. De Double Face à Scarecrow en passant par Catwoman, ils sont ambigus. Ce ne sont plus des archétypes déshumanisés et rigolards, fourbissant des punchlines à la Mr Freeze. Quant aux personnages secondaires, le majordome Alfred Pennyworth, le lieutenant Jim Gordon (devenu commissaire) ou Lucius Fox (devenu DG de Wayne Enterprise), ils sont magnifiquement incarnés par des acteurs habitués à jouer les premiers rôles.


Il faudrait enfin parler de la noirceur de la trilogie. Du jamais vu pour un blockbuster ! Rarement une œuvre n’aura été aussi sombre. Il faut aller chercher dans la peinture et dans la période noire de Goya pour trouver un équivalent. Au point que la seule erreur artistique de la trilogie, à savoir le casting féminin désastreux, sert cette noirceur. Face à une Katie Holmes avec sa bouche de travers et ses yeux de merlan fris, face à une Maggy Gyllenhaal complètement tarte, face à une Marion Cotillard sous Prozac et incapable d’afficher une expression, Bruce Wayne n’a aucun espoir de voir un rayon de soleil illuminer son masque. Ces femmes fades et éteintes le renvoient à son inexorable solitude.


The Dark Knight ends.