Leçons du monde fluctuant
C’est le premier livre de Jérôme que je lis, et personnellement je suis déçu. Ce roman est écrit suivant les recettes standard du steampunk :
mettre en scène un personnage connu, ici Charles Lutwidge Dodgson (vrai nom de Lewis Carroll), qui, dans ce monde alternatif, n’a jamais écrit de romans ou de contes, mais seulement des traités de cours de mathématiques ;
une histoire alternative où la Reine Victoria se veut Rectrice d’une Angleterre où l’instruction passe pour essentielle et où des examens annuels vérifient le niveau des connaissances de tous ;
autre variante de l’histoire : nous avons une colonie dans laquelle a été établi par les indigènes un contact avec l’au-delà sur lequel veut aussi régner Victoria. Un savant fou a imaginé un procédé de conquête de cet au-delà dont il supprime les « habitants légitimes », c.à.d. les fantômes des morts qui n’ont pas achevé leur migration vers le ciel ou l’enfer.
Sur ces bases, le roman déroule un scénario grand-guignolesque autour de la rencontre de Charles Dodgson avec une jeune indigène rebelle et morte quand ses grand-mères l’ont excisée, qui vont bouleverser le statu quo de cet au-delà, et défendre ses habitants contre les serviteurs du savant fou.
Ce scénario manque de solidité et de fil conducteur ; les personnages manquent d’épaisseur ; bref je n’ai pas trouvé d’idée sous-jacente au roman. C’est vrai que le steampunk se veut essentiellement parodique, et n’a généralement pas d’intention spéculative. Mais approfondir un peu plus le caractère des personnages, et bien sûr en particulier justifier le choix du personnage central par l’utilisation de ses traits majeurs communs aux deux réalités, notre histoire et ce monde alternatif, me paraît s’imposer pour faire d’un roman de steampunk plus qu’une farce parodique sans intérêt. Dommage.
Jérôme Noirez, Leçons du monde fluctuant, Couverture : Benjamin Carré, Lunes d’encre (Denoël)