NEMO 2018

Je n’avais plus assisté à une convention de SF depuis 2014, elle aussi à Amiens. C’est donc avec un immense plaisir que j’ai retrouvé cette atmosphère unique, d’autant plus qu’elle était, cette fois, couplée avec l’Eurocon, groupant donc les amateurs de SF de tous les pays européens. La seule Eurocon à laquelle j’avais participé était celle de Bruxelles, en 1978, où j’ai eu la chance d’obtenir un autographe de Van Vogt (!) et d’assister au triomphe d’Henri Vernes, primé pour Le Cycle d’Ananké. Plus de 400 inscrits, à Amiens, dont bon nombre de participants belges, néerlandais, espagnols, britanniques, irlandais, mais aussi hongrois, baltes, ukrainiens ou russes. Beau succès public donc, parfaitement orchestré par Pierre Gévart.

 

La convention se tenait dans les locaux du pôle universitaire d’Amiens : un vaste hall d’entrée servant, comme toujours, d’emplacement de stands pour les présentations et ventes de livres, BD, illustrations, revues ou même T-shirts et casquettes. Une cafétéria, bien sûr. Puis cinq amphithéâtres, un grand et quatre moins grands, où les amateurs de SF remplaçaient les juristes habituels pour d’autres cours, tous aussi doctes, mais d’un autre genre. Les repas, le banquet et la vente aux enchères du samedi soir avaient lieu dans la cantine des étudiants.

 

Toutes les interventions de l’Eurocon se déroulaient en anglais. Les thèmes, fort divers, abordaient la SF africaine, le steampunk, la montée de la fantasy indienne, l’influence de Jules Vernes sur la littérature hongroise, les exoplanètes, la SF portugaise et des interviews d’auteurs tels que Sofia Samatar, Gillian Pollack, Aliette de Bodard ou Sviatoslav Loguinov. Sans oublier la présentation de la prochaine Worldcon à Dublin (15-19/08/2019).

 

Le grand amphithéâtre accueillait la pièce de théâtre Carthage encore de Lagarce, le jeudi, celle de Pierre Gévart, Good bye, Mr Verne, le vendredi, et enfin la proclamation des prix du samedi. Quant aux exposés, ils se donnaient en simultané, dans les amphis A, B, C, et D et il fallait choisir, parfois avec douleur, suivant ses affinités. Voici ce que j’ai suivi.

 

Le jeudi 19, une belle table ronde autour de Laurent Genefort : « Comment écrire de la SF en 2018 ? », un exposé brillant de Natacha Vas-Deyres : « L’Homme et la fourmi dans la protoSF », principalement axé sur le cinéma, et enfin un autre, plus sérieux, de Raphaël Granier de Cassagnac, écrivain SF mais aussi chercheur en physique des particules au CRNS, qui se demandait comment concilier science et écriture. Costaud, mais passionnant.

 

Le vendredi 20 débutait par un hommage à Alain Dartevelle, écrivain décédé le 6 décembre 2017, et pilier de la revue Galaxies en tant que responsable BD. Quelques amis, émus, lurent ensemble sa nouvelle, Seul ce soir, parue dans le numéro spécial de la revue consacré à la convention d’Amiens. Ensuite, Joseph Altairac et Guy Costes sont venus présenter leur gigantesque Encyclopédie de la conjoncture rationnelle francophone (tous les francophones, y compris le Luxembourg, la Roumanie ou Madagascar), un ouvrage en deux tomes de plus de 1 200 pages chacun, à paraître sous coffret en septembre 2018, aux Editions Belles Lettres (Encrage), dans le sillage de l’œuvre monumentale de Pierre Versins. Là, il faudra se précipiter. En fin d’après-midi, belle rencontre entre le vétéran Philippe Curval et l’auteur mauritanien Moussa Ould Ebnou, poursuivant cette exploration de l’imaginaire africain. La SF est-elle une langue universelle ? Certes, telle est sa vocation, répondit Curval - pour autant qu’elle ne soit pas enserrée par les traditions ou la religion, répondit Ould Ebnou.

 

Le samedi 21 fut chargé. La journée a commencé par un intéressant débat, sous la direction de Ketty Steward, très active lors de cette convention, sur la place des personnages féminins dans la littérature de science-fiction, place fragile, souvent handicapée, et mise au niveau du plus petit dénominateur commun de l’humanité. Furent aussi traitées les thématiques de la maltraitance des femmes, ainsi que celle des transgenres, et de leur difficulté à se situer tant dans la littérature que dans la société de nos jours. Simultanément avait lieu la présentation des conventions nationales française de 2019 et de 2020. La première, à L’Isle-sur-la-Sorgue (Avignon), et la seconde à Orléans, celle-ci préparée par ces mêmes « Orléanautes », responsables de la réussite de la convention de Semoy en 2012.

Peu de précisions encore sur les thèmes ou les auteurs invités. Les sites web sont en construction, mais il faudra faire vite : pour le moment, le prix d’inscription est de 40 euros. Ces deux présentations ont réuni le gratin du fandom français, tout heureux de parler de ce qu’il aime par-dessus tout.

Jean-Marc Deschamps, en uniforme rutilant de capitaine Nemo, nous entretint sur les innovations techniques de l’auteur de Robur le Conquérant. Quant à Daniel Compère, il a su parfaitement cerner le génie de Jules Vernes autour de trois thèmes : le voyage, le progrès et l’extraordinaire : une heure d’analyse pertinente et rigoureuse. Dans le grand amphithéâtre se déroula alors la remise des différents prix littéraires, dont l’essentiel prix Rosny Aîné :

  • roman : Toxoplasma, de David Calvo (La Volte)
  • nouvelle : Vert Céladon de Loïc Henry (Galaxies 49)

 

Un prix spécial, et bien mérité, fut aussi décerné à Raymond Milési, pour son infatigable dévouement à la cause du fandom francophone.

Le soir, banquet traditionnel, puis vente aux enchères, bien prise en mains par Pascal Thomas, qui succède ainsi au regretté Georges Pierru.

Le lendemain, adieu la SF : avec mon épouse, j’ai passé une belle heure magique en barque, en sillonnant les fameux hortillonages, un ensemble de canaux enchanteurs autour de la Somme, et puis retour en Belgique.

 

A l’an prochain, en Avignon !

 

Un dernier mot : si vous voulez continuer les périples des conventions, au-delà de la Worldcon de Dublin (www.dublin2019.com), il existe une candidature pour fixer une première Wordlcon en France : elle aurait lieu du 2 au 6 août 2023 à Nice. Renseignements sur www.worldconinfrance.org.

 

Amiens, 19-22 juillet 2018