Mr. Nobody

Trois vies et une seule mort

Le vieil homme et l’enfant

En 2036, le dernier représentant mortel d’une humanité qui, grâce aux énormes progrès de la science, a réussi à accéder à l’immortalité, a atteint l’âge de 118 ans et n’a plus que quelques heures à vivre. Avant de rendre son dernier soupir, il se souvient de la vie qu’il a eue et de celles qu’il aurait pu avoir s’il avait fait d’autres choix.


Parallèlement, un petit garçon de 7 ans dont les parents se séparent se retrouve sur un quai de gare, confronté à un choix cornélien : rester en Angleterre avec son père ou partir vivre à l’étranger avec sa mère. Une multitude de vies possibles découlent de la décision qu’il va devoir prendre. Incapable de se décider, il se construit plusieurs vies, réelles ou fantasmées, avec trois femmes différentes : Anna, Élise et Jeanne. Tant qu’il n’a pas choisi, tout reste encore possible car toutes les vies méritent d’être vécues. Le vieillard et l’enfant ne sont, en réalité, qu’un seul et même homme : Nemo Nobody.

Séquences et conséquences

Jaco Van Dormael a mis sept ans (de réflexion) à écrire ce scénario (sorte de variation sur le même thème avec 12 versions potentielles de Nemo, à divers âges de ses différentes vies) qui élabore pour son principal protagoniste une multitude de vies possibles en fonction des choix qu’il opère tout au long de sa très longue vie. Il fait sans cesse se croiser le regard de Nemo, enfant, sur son avenir hypothétique et de Nemo, devenu un vieillard à l’article de la mort se remémorant ses vies passées, sans que le spectateur ne sache jamais quelle est la vraie vie du héros. Nemo voyage en quelque sorte dans le temps entre plusieurs de ses existences sans jamais en choisir définitivement une.

Un homme, trois femmes et de multiples possibilités : c’est ainsi que dans chacune de ses vies évoquées, les deux membres de son couple vivent un amour inconditionnel et fusionnel (celui qu’il forme avec Anna) tandis que dans les deux autres versions, l’un des deux se désintéresse de son partenaire (Nemo aime vraiment Elise mais elle n’y arrive pas, Jeanne aime Nemo mais ce n’est pas réciproque).

Mr. Nobody est la démonstration de la multiplicité et de la complexité des choix incessants qu’on doit prendre au quotidien à chaque instant de notre vie, qu’ils soient anodins ou vitaux. En effet, un choix entre deux alternatives mène à d’autres bifurcations possédant une arborescence qui engendre, au fil du temps, une multiplicité de bien d’autres possibilités différentes. Par ailleurs, chaque choix découle d’une série de causes et engendre systématiquement toutes sortes de conséquences dont on n’a pas forcément conscience. La narration fonctionne ici en arborescence, chaque choix en entraînant un nouveau ce qui déclenche des conséquences en cascades suivant le principe de l’effet papillon.

Les mondes de Nemo

Alliant tout à la fois le drame intimiste, les histoires d’amour et le film de SF, Mr. Nobody navigue en permanence entre réalité et fiction tout en cultivant également à certains moments le surréalisme. Jaco Van Dormael a pris le parti de nous raconter les diverses vies de Nemo en les différenciant visuellement aussi bien dans la manière de les filmer que dans le choix des codes couleurs qui les symbolisent (le rouge pour Anna, le bleu pour Élise, le jaune pour Jeanne et le blanc pour les scènes se déroulant dans le futur).

Cette réflexion philosophique et existentialiste sur la vie, l’amour, le doute et la mort nous est racontée sans faire appel au moindre repère spatio-temporel dans la mesure où Nemo, vieillard à l’agonie, relate à son interlocuteur ses souvenirs tels qu’ils lui reviennent en mémoire donc sans tenir compte de l’ordre chronologique dans lesquels se sont déroulés les évènements.

En abusant de multiples flash-back qui nous montrent les diverses vies du héros, Mr. Nobody a la fâcheuse tendance de trop se disperser au risque de perdre le spectateur avec une multitude de va-et-vient dans les trois vies hypothétiques de Nemo. On regrettera également que le thème du dernier mortel vivant dans un monde désormais entièrement peuplé d’immortels n’ait pas été plus exploité.

Mr. Nobody

Réalisation : Jaco Van Dormael

Avec : Jared Leto, Sarah Polley, Diane Kruger, Linh-Dan Pham, Rhys Ifans, Natasha Little, Toby Regbo, Juno Temple

Sortie le 13 janvier 2010

Durée : 2 h 18