Morwenna

Auteur / Scénariste: 
Traducteur: 

Ce curieux roman qui mélange l’aventure d’une adolescente qui croit aux fées et à la magie et se voit à cause de cela menacée par sa propre mère, et une longue promenade dans le thésaurus de la science-fiction, avec des réflexions assez intéressantes sur tous les livres que l’héroïne parvient à lire, n’a-t-il pas été fortement desservi auprès de la majorité des lecteurs, tous ceux dont la culture SF préalable était faible ou moyenne, par une traduction qui ne leur fournissait pas un minimum d’explications sur les nombreux titres cités ? J’ai reconnu et lu la plupart des livres évoqués et, sauf exceptions (pour la Ballade de Beta 2, cité sans nom, que Morwenna considère comme sans intérêt, et quelques rares autres titres), partage les opinions et interprétations de Morwenna sur ces livres. Certains rappels détaillés vous inciteront, je l’espère, à aller chercher et lire ces œuvres. Même si certaines, par exemple Triton, de nouveau Delany, ne sont plus disponibles en français. Mais combien de lecteurs ne reconnaîtront pas les livres cités, d’autant plus que les titres sont généralement donnés sans référence à l’auteur, et ne trouveront les nombreuses réflexions sur le contenu des œuvres digressions inutiles ? Voire, comme dans une critique que j’ai lue, des rallonges ennuyeuses... Tout un pan important du livre et l’évocation des bibliothèques et de leur nécessité, sont alors perdus.

J’ai peur que le succès qu’aurait mérité ce livre n’ait été compromis par cette insuffisance de l’adaptation du livre aux lecteurs visés, qui n’aurait pas dû se limiter aux amateurs convaincus et expérimentés de SF. Cette crainte est corroborée par le fait que l’héroïne, Morwenna, exprime, vis-à-vis du roman (non traduit) Number of the Beast de Heinlein qui comporte le même type de promenade à travers les univers classiques, le même sentiment de rejet des allusions qu’elle ne comprend pas faute d’avoir lu les titres en question.

Sachant que la culture de base du lecteur français est souvent faible, bien plus que dans les fandoms anglo-saxons, le non rajout de notes, fussent-elles limitées aux noms des auteurs, me paraît une omission dérangeante. Je me serais senti obligé de rajouter un index des titres et auteurs cités en fin de volume.

 

Ceci étant, comme dans le livre cité de Heinlein qui débouche sur une reprise de l’Histoire du Futur, la promenade dans la variété des univers de la SF n’est que le deuxième sujet du livre, le premier étant ici le passage à travers l’adolescence de l’héroïne et l’acquisition de la maturité nécessaire pour le reste de ses jours. Roman de passage, thème encore une fois renouvelé, traité d’une façon assez originale et non comme une simple routine. Parce que ce traitement s’entremêle d’une part avec une réflexion sur ce que pourrait être une magie conforme aux légendes galloises, compatible avec la vision des non-croyants à qui elle resterait invisible ; et d’autre part avec l’importance particulière que prend la lecture, qui ne se limite pas à la SF et à la fantasy, dans la formation de la personnalité et de la maturité de Morwenna.

 

Apprécier ce roman de passage et toutes les réflexions sur la vie qu’il comporte, en plus de celles sur la littérature, c’est l’essentiel et, éventuellement, tant pis pour les détails dont j’ai reproché qu’ils puissent être perdus si cette qualité principale du livre est comprise. Rien que ce seul thème justifie le Hugo du roman.

 

Mais, comme Morwenna promet de le faire pour les allusions qu’elle n’a pas bien comprises dans Number of the Beast, recherchez tous les romans que vous ne connaissez pas et, éventuellement, ajoutez-les à vos lectures à venir. Ils en valent la peine. Ne serait-ce que pour bien représenter une période de la SF, les livres appréciés à l’époque du roman (1979-1980).

 

Morwenna, de Jo Walton traduit par Luc Carissimo, Folio SF n°549, 2016, 432 p., couverture de Sam Van Offen, 8€20, ISBN 978-2-07-046930-7 

Type: 

Ajouter un commentaire