Mort peut danser (La)

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La mort peut danser, c'est d'abord le titre qui interpelle dans le roman de Jean-Marc Ligny. Cette référence non dissimulée au groupe culte Dead can dance. Pourtant, il ne s'agit pas d'une biographie mais d'une œuvre aussi foisonnante qu'inattendue à la lisière de l'historique et du fantastique.

 

Dès la première page, le style nous surprend et nous entraîne : rapide, saccadé, étonnant mais néanmoins soutenu, riche. Une écriture moderne destinée à rendre le texte vivant, comme atemporel. L'emploi du présent de narration ancre d'autant plus le récit dans la réalité. Aussi plongeons-nous au cœur de l'intrigue, haletants, impatients de connaître le dénouement. Nous embarquons aux côtés des héros pour un voyage littéraire entre Europe et Australie, moyen-âge et vingtième siècle. Une escapade au cours de laquelle Bran et Alyz, jeune couple de musiciens, découvrent l'Irlande en même temps que le succès.

 

Très vite Alyz est gagnée par un étrange engouement pour cette terre de légende. Un engouement presque mystique. Et, au fur et à mesure que son intérêt grandit pour l'histoire de sa nouvelle patrie, une voix s'élève en elle, se mêle à la sienne. Celle de Forgaill, poétesse et prophétesse celte, brûlée vive par l'envahisseur normand.

Par les yeux de cette banshee, la chanteuse entrevoit l'Irlande du onzième siècle, les guerres et les rites païens. Les faits d'armes comme les croyances.

Et, par les yeux d'Alyz, témoin des siècles à venir, la devineresse apprend le destin des siens. La magicienne entend aussi dans ses songes les sonorités envoûtantes de Dead can dance. Une mélopée déchirante qui se dessine en filigrane derrière les mots telle une partition, car c'est bien de Liza Gerrard dont il est question sous l'anagramme d'Alyz. D'ailleurs Ligny n'hésite pas à mêler réalité et fiction pour conter l'épopée fabuleuse de ce groupe mythique.

En effet, le roman n'est pas qualifié d'historique uniquement parce qu'il atteste des connaissances de l'auteur sur l'histoire médiévale mais aussi parce qu'il dresse avec brio le portrait d'une génération et d'une époque, les années quatre-vingt. Une culture musicale qui se traduit par des références au label For I die, ou au groupe Cocteau Twins.

Si Jean-Marc Ligny aime la musique, notamment la musique underground, c'est sans doute aussi pour la dimension de liberté qu'elle confère.

C'est peut-être au nom de cette liberté qu'il a voulu témoigner de l'indépendance des femmes celtes avant les tabous et les interdits imposés par le catholicisme. Quand elles étaient l'égal de l'homme, quand elles étaient prophètes ou déesses. Quand elles étaient autorisées à boire et à jouir de leur sexualité comme elles l'entendaient. Des droits qui furent tous sacrifiés à la religion malgré le combat de Forgaill.

Pourtant si le roman compte deux figures de femmes fortes, le texte est loin de ne s'adresser qu'au public féminin. Foisonnant de connaissances sur le onzième siècle et la mythologie celte, il s'adresse aux médiévistes comme aux amateurs de fantastique et aux mélomanes.

Paru aux éditions Denoel en 1994 puis chez folio dix ans plus tard, cet ouvrage n'est certes pas une nouveauté mais il reste une œuvre passionnante qui atteste du talent de Jean-Marc Ligny.

Auteur d'une quarantaine de romans et de plusieurs séries comme Les semeurs de mirages et Les fabricants de rêves, l'écrivain aguerri n'a d'ailleurs rien à envier à ses confrères d'outre-Atlantique, injustement plus encensés. La mort peut danser est tout simplement une preuve que la littérature fantastique française compte aussi ses trésors.

La mort peut danser par Jean-Marc Ligny, Folio

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