Moorcock chez Filigranes et Elric en BD

Ce vendredi 24 mai, Michael Moorcock était présent à Bruxelles chez Filigranes pour la sortie de la bande dessinée Elric, tirée de son cycle sur le champion éternel. C’était l’occasion pour l’auteur anglais de rencontrer son public francophone lors de la sortie de la BD et de la réédition d’Elric en intégrale chez Pocket. Entouré par les quatre auteurs de la version BD (Julien Blondel, Didier Poli, Robin Recht, Jean Bastide), Michael Moorcock s’est gentiment prêté à une séance de dédicace pendant laquelle chacun pouvait directement lui poser des questions.


Je n’ai pas pour habitude de rechercher les dédicaces, mais depuis au moins 30 ans, Michael Moorcock m’a marqué profondément à travers les cycles de son champion éternel et de son épée buveuse de sang et de vie. Je garde un excellent souvenir de chacun de ses livres. Le dernier en date était « Les buveurs d’âmes » en collaboration avec Fabrice Colin. Un livre dont j’aurais aimé voir une suite.

C’était l’occasion de demander à Michael Moorcock si une suite verrait le jour. La réponse a été négative, car son grand âge ne lui permet plus d’écrire au même rythme qu’avant. Par contre, lorsque j’ai abordé la réédition du cycle Elric chez Pocket, il m’a confirmé que celle-ci suivait l’ordre chronologique et non pas l’ordre de parution précédemment suivi par Pocket. Pour ce premier tome, on a donc droit à : Elric des dragons, La forteresse de la perle, Les navigateurs sur les mers du destin. Évidemment, certains lecteurs auraient aimé voir Stormbringer comme deuxième titre.


C’était un moment trop court. Mais le vieil homme m’a ému par sa simplicité et sa gentillesse. Son grand âge ne lui permettait pas de se déplacer facilement. Par contre, il répondait aux questions dans la langue de Shakespeare avec beaucoup de sagesse et de gentillesse, encadré par des traducteurs de chez Filigranes. Pendant la dédicace, j’étais heureux de discuter avec Michael Moorcock, qui a vraiment conditionné l’image que j’ai de la fantasy (tout comme Roger Zelazny avec le cycle des princes d’ambre). Un grand monsieur de la fantasy, qui mérite qu’on le mette à l’honneur avec des rééditions ou des adaptations de ses livres. À coup sûr un moment que je ne pouvais pas rater.

Michael Moorcock nous a expliqué qu’à 18 ans, il a créé Elric et qu’à 21 ans il l’avait tué. Quand il s’est rendu compte de l’importance que son personnage avait, il a décidé d’écrire les aventures de l’albinos entre le moment où il quitte Melniboné et le moment où il meurt. C’est la chute de l’empire romain, qui lui a donné envie d’imaginer Melniboné. En fait, c’est la fin d’un empire qui est le point commun entre notre histoire et celle d’Elric.


Le seul reproche que je fais au cycle, c’est que cela manque de personnage féminin. J’aurais aimé voir une Cymoril plus présente. Par contre, la découverte d’Arioch, un des dieux du chaos, va vraiment conditionner le futur du champion éternel et rendre ce cycle incontournable en fantasy.

Alors qu’il existe déjà des adaptations d’Elric en bande dessinée (Druillet entre autres), voilà qu’une équipe composée de Julien Blondel, Didier Poli, Robin Recht et Jean Bastide, se lance dans l’aventure. Un scénariste, deux dessinateurs et un coloriste. Quatre inconscients, dira-t-on, qui n’ont pas nécessairement des styles qui se complètent, vont s’attaquer à l’adaptation du premier livre du champion éternel, c’est-à-dire « Elric des dragons ». Ce premier tome s’appelle « Le trône de rubis ». À travers un dessin, sombre et des décors dignes d’un lointain passé, ils donnent une seconde vie à Elric. Pas de fioritures dans cette BD qui colle parfaitement au livre de Michael Moorcock. Il y a bien quelques libertés qui ont été prises, mais la BD respecte l’état d’esprit que l’auteur a créé. Lire cette BD lorsqu’on a déjà lu le cycle, c’est enfin voir Elric de Melniboné. Ils n’ont pas fait du flamboyant, mais du grandiose, ce qui est encore mieux. On aurait aimé voir Stormbringer, mais pour cela il faudra attendre le deuxième tome de ce qui devrait être un cycle en BD.


Les quatre auteurs ont fait un excellent travail de recherche pour restituer l’ambiance des romans de Michael Moorcock. Ils se sont inspirés de notre histoire pour recréer Melniboné. C’est un coup d’essai qui est en réalité un coup de maitre, et sans aucun doute la meilleure adaptation du champion éternel. Ce premier tome est accompagné de 16 pages d’illustrations qui montrent la genèse d’Elric en BD. Un détail intéressant : différentes versions de Stormbringer y sont dessinées et annoncent un tome deux tout aussi passionnant. C’est une excellente adaptation d’Elric.

Un petit mot sur la réédition du cycle Elric chez Pocket. Réédition qui coïncide avec la BD, qui reprend quelques pages de cette dernière en fin d’ouvrage. En 600 pages, Pocket nous propose les trois premiers livres du cycle. Cette réédition devrait comprendre trois tomes reprenant les neuf livres qui composent le cycle d’Elric.


Michael Moorcock a écrit quelques-unes des plus belles pages de fantasy avec son héros Elric, ainsi qu’avec ses incarnations dans le multivers, que sont Hawkmoon, Corum et Erekosë. On lui doit entre autres « Gloriana ou la reine inassouvie », qui à mon humble avis est son meilleur livre. Mais c’est son champion éternel et son épée qui marqueront à jamais le lecteur. C’est une fantasy sombre, mais d’une efficacité redoutable. Cette sortie BD donne envie de relire l’entièreté du cycle. À conseiller, à consommer, à visualiser chaque fois que c’est possible. C’est excellent.


Elric, 1. Le trone de rubis, Blondel & Poli & Recht & Bastide, Glénat, 2013, 64 pages

Elric, intégrale, Michael Moorcock, 602 pages, Pocket, 2013

Type: