Meurtres en majuscules

Et dire qu’Hercule Poirot voulait prendre des vacances pour reposer ses petites cellules grises en surchauffe ! Pour cela, au lieu de prendre le large, il choisit de se réfugier incognito dans une pension londonienne. Et voici que l’aventure frappe à sa porte, alors qu’il souhaitait se mettre au vert.

C’est le 6 août 1975 qu’Hercule Poirot meurt, après une dernière enquête. Agatha Christie couche sur papier la mort de son personnage le plus célèbre quelques mois seulement avant de s’éteindre à son tour, en laissant un héritage littéraire sans égal, avec des chiffres de vente mondiaux qui se comptent en… milliards. Si la distinguée Lady du crime a largement influencé des milliers d’autres auteurs, tant en littérature qu’au cinéma et à la télévision, personne n’avait encore eu le courage de se glisser dans les pantoufles de la petit dame pour offrir à l’un ou l’autre de ses personnages fétiches, une nouvelle aventure.

C’est aujourd’hui chose faite, avec ce « Meurtre en Majuscules », roman publié mondialement et du au talent de Sophie Hannah, jeune auteure d’une petite quarantaine d’années.

Alors ? Qu’en est-il donc de cette nouvelle aventure du belge le plus connu à l’étranger après Tintin et Stromae ?

Le style d’abord ? Enlevé, vif, mais avec assez de tournures à l’ancienne pour ne pas basculer dans un modernisme de mauvais aloi. L’idée est bien ici de situer cette histoire avant la mort de Poirot et non pas de se lancer dans un « reboot » à la Sherlock ! Certains passages flirtent avec un maniérisme un peu forcé, mais dans l’ensemble, on retrouve les touches d’humour à froid et l’observation piquante de la « bonne société » anglaise de l’entre deux guerre.

L’histoire ? En « vacances », Hercule Poirot est abordé par une jeune fille effrayée. Quelqu’un en veut à sa vie. Mais elle supplie le détective, si son assassin parvenait à ses fins, de ne pas mener d’enquête. Cette mort, elle la mérite !

Interloqué, Poirot sait que penser de cette demande… jusqu’à ce qu’un triple meurtre commis dans un hôtel de luxe l’oblige à réveiller ses « petites cellules grises ». Par la magie de la littérature, il s’avère rapidement que les trois corps retrouvés avec un bouton de manchette personnalisé glissé en bouche ont un rapport avec la jeune femme en détresse… Et c’est peut-être là le seul reproche que l’on peut faire à Sophie Hannah. Son acharnement à vouloir, au final, que TOUTES les pièces du puzzle s’assemblent pour former une image cohérente. Refusant les « fausses pistes », elle finit par tordre son histoire dans tous les sens… jusqu’aux limites de l’invraisemblance… Une envie sans doute de « bien faire », qui se reflète aussi dans son traitement, ponctuel, d’Hercule Poirot, proche de la caricature.

Bref, pour une première expérience, cette nouvelle aventure d’Hercule Poirot réserve son lot de plaisir et de surprise, mais on devine que l’écriture de Sophie Hannah doit encore mûrir, comme son sens de la structure, pour venir chatouiller le rigoureux génie de Dame Agatha Christie.

Meurtres en Majuscules par Sophie Hannah, Le Masque Edition