Fille de papier (La)
La réflexion sur l’écriture, la lecture, la création, l’auteur, les lecteurs… Bref « Le Livre » est-il un exercice imposé pour tout écrivain qui se respecte ? Je laisserai ce sujet, complexe et passionnant, aux bons d’un soins d’un joyeux thésard, ou d’une jeune universitaire forcément séduisante, pour me concentrer sur ce qui devait arriver : un livre de Guillaume Musso qui aborde cette fascinante thématique des relations entre un auteur et son univers… réel tout comme fictionnel.
Auteur de la génération « post-moderne », celle qui s’interroge sur les codes, qui mêle allègrement les genres, joue avec les formes et s’autorise un paradigme multimédia, Guillaume Musso se devait inévitablement un jour d’interroger la forme livresque et son influence sur le réel. On ne peut pas, comme lui, être à ce point populaire ET accessible, sans se poser un jour la question de l’impact que peut avoir la forme écrite sur le public… mais aussi sur l’auteur. A ce propos, le héros de son nouveau roman, Tom Boyd, nous offre une démonstration digne de celle de Doc Brown dans Retour vers le Futur II, lorsqu’il explique, de façon limpide, les soudaines transformations du présent à un Marty McFly totalement perdu. Tom (et Guillaume par la même occasion, la frontière entre l’auteur et son héros n’ayant jamais été aussi fine depuis la sortie de « Et après… ») nous explique que la création d’un imaginaire littéraire est le résultat d’une association entre l’auteur, le livre… et le lecteur. Belle manière, appuyée sur les références citées à Sarte ou Uberto Ecco, de renvoyer quelque peu à leurs études les ronchons de tous bords qui balaient souvent le succès populaire d’un revers de main, l’associant un peu rapidement à un acte « productif » plutôt que « créatif ».
C’est là le message, diffus mais évident, qui se cache sous les couvertures de cette nouvelle pépite de la littérature d’aujourd’ hui. Mais si « message » il y a… La Fille de Papier est avant tout une comédie-romantique, saupoudrée de fantastique, un road-novel, un joli suspense ou encore un plaisir gourmand pour amateur de références modernes. Un livre de Guillaume Musso quoi ! Mais un excellent Musso.
L’histoire d’abord : celle de Tom Boyd, auteur de best-seller, brisé par une peine de cœur et devenu incapable d’écrire une seule ligne. Son monde de souffrance et d’abandon va se trouver bousculer par l’arrivée de Billie… littéralement échappée des pages de son dernier roman. Il n’en faudra pas plus pour que se déclenche la « mécanique » Musso, celle qui vous oblige à rester auprès des personnes et à découvrir comment ils vont se sortir des situations parfois classiques, parfois retorses, parfois hilarantes, dans lesquelles l’auteur prend un malin plaisir à les plonger. La force de Guillaume Musso réside aussi dans ce talent d’écriture, qui lui permet d’utiliser des figures imposées, des images qui flirtent parfois avec le cliché… mais d’y accrocher un clin d’œil, un léger retournement, ou un éclairage inattendu qui paraît évident… mais auquel personne n’avait pensé avant lui !
Plus largement, l’univers Musso est toujours aussi agréable à visiter, avec ses règles, ses décors, ses changements de point de vue… Et cette fluidité dans la narration, signe d’une maîtrise de plus en plus grande de l’écriture.
Certes, « La Fille de Papier » ne parviendra pas à convaincre les réfractaires… Qui pointeront du doigt les tics d’écriture, le côté très « serendipity » de certaines situations et le recours parfois facile aux raccourcis… Mais si finalement c’était ça aussi, Guillaume Musso : un contrat avec le lecteur, où chacun accepte les règles du jeu, où le dragon peut évidemment être terrassé d’un seul coup d’épée, où la gente dame porte toujours une robe diaphane doucement éclairée par le soleil couchant.
Guillaume Musso, La fille de papier, Editions XO