Spin State

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Dans le futur que nous décrit Chris Moriarty avec « Spin State », son premier roman (auquel elle a donné une suite intitulée « Spin Control » en 2006), l’humanité s’est exilée dans l’espace après avoir complètement ravagé son berceau, la planète Terre. L’espèce humaine - désormais couramment modifiée (améliorée ?) à l’aide d’implants en tous genres, d’assemblages génétiques, de « wetwares », de connexions directes au « flux spinien » (une sorte d’Internet instantané permettant de communiquer d’un monde à l’autre) – se trouve bien seule dans ce vaste univers. A l’exception des Intelligences Artificielle qu’elle a elle-même engendrées, aucun trace de vie extraterrestre n’a été décelée dans le cosmos. Les humains continuent donc à faire ce qu’ils font le mieux : s’en prendre continuellement les uns aux autres. Une lutte sauvage oppose ainsi une nouvelle O.N.U. de l’ère spatiale aux Ligues qui défient son autorité, à son pourtour. Le franchissement des vastes espaces séparant les diverses planètes colonisées par l’homme dépend quant à lui complètement de la technologie du « transport Bose-Einstein » - qui est elle-même pieds et poings liée à l’extraction d’un minerai aux capacités remarquables – les « condensats » - uniquement disponible sur la colonie minière du monde de Compson.

Quand le commandant Catherine Li est envoyée en mission sur cette planète, qui se trouve aussi être celle de sa naissance, elle n’imagine pas qu’elle s’apprête à mettre le doigt dans un engrenage qui pourrait bien déstabiliser le galaxie tout entière. Au centre d’un vaste jeu de pouvoirs - tour à tour manipulée, soutenue, informée, malmenée, utilisée par les multiples joueurs en présence (ONU, mineurs, agents des Ligues, etc.) – elle va néanmoins peu à peu faire la lumière sur un accident mystérieux (un meurtre ?) qui s’est produit au fond d’une galerie située sous la principale ville de Compson, « Shantytown » la bien nommée (i.e. bidonville). Sharifi, une célèbre physicienne, semblait en effet sur le point d’élaborer en ce lieu un produit à même de se substituer aux incontournables condensats Bose-Einstein, ce qui aurait eu pour conséquence de faire vaciller le subtil équilibre des puissances élaboré à coup de conflits meurtriers.

Flanquée d’un assesseur débutant extrêmement désireux de faire ses preuves, pouvant toujours compter sur l’aide indéfectible de Cohen - une IA avec laquelle elle a peu à peu développé une relation d’ordre sentimental - Li dénoue un à un les fils de cet embrouillamini qui la mènera progressivement vers les tenants et les aboutissants de cette vaste partie d’échecs cosmique. Parviendra-t-elle à s’émanciper de sa condition de simple pion afin d’influer sur le cours des événements selon ses propres désirs ? Quels étaient les véritables objectifs de Sharifi en venant en ce lieu ? Le monde de Compson n’est-il pas davantage que ce qu’il semble être ?

Autant de questions auxquelles Chris Moriarty donne de fort intéressantes réponses au fil des pages de son épais roman, très « hard science » dans ses développements. On peut regretter le fait que l’intrigue semble parfois effectuer de longs surplaces prolongés, car les éléments qui la composent valent, eux, le détour. Il ne s’agit d’ailleurs pas tant de lacunes stylistiques que d’une construction défaillante, qui traîne un rien en longueur. Cela dit, en dépit de cette légère réserve, on ne saurait que conseiller « Spin State » aux amateurs de récits fouillés, scientifiquement crédibles, emplis de personnages bénéficiant d’une réelle épaisseur psychologique. On se surprend même à éprouver quelque chose pour l’histoire d’amour improbable qui unit Li et Cohen, deux êtres pas si dissemblables que ça au final.

Et les révélations relatives au monde de Compson laissent augurer d’un second volume riche de promesses, dont on attendra la parution en français avec une impatience non feinte.

Chris Moriarty, Spin State, traduit de l’anglais (américain) par Mikael Cabon, illustré par Stephan Martinière, 540 p., Bragelonne

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