Fille de l'alchimiste (La)

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L’action de ce roman du prolifique auteur allemand Kai Meyer, dont la rédaction remonte déjà à 1998, se situe à la charnière du XIXème et du XXème siècle, et se déroule essentiellement au nord de la Prusse, dans l’ancienne Autriche-Hongrie, ainsi qu’en Géorgie. Il s’agit là de territoires rarement explorés par la science-fiction anglo-saxonne. Le premier plaisir de « La Fille de l’Alchimiste » découle par conséquent du choix des lieux visités par les divers personnages, typiques du monde germanique, et de l’ambiance gentiment décadente ici dépeinte.


L’intrigue proprement dite nous entraîne en premier lieu dans une petite île de la mer Baltique qui, apprend-t-on, a servi de modèle à Böcklin pour son célèbre tableau « L’Île des Morts ». Un vaste château, bâti sur cet îlot, abrite la famille d’un alchimiste misanthrope, Nestor Nepomuk Institoris, qui vit reclus au sommet d’une de ses tours. C’est dans ce laboratoire juché à distance de la vie moderne qu’il entretient un feu perpétuel sous son Athanor tout en prenant soin d’un jardin où il espère faire pousser une herbe qui le rendra immortel !

Son ennemi juré, le terrible Lysander, dont le seul nom suffit à faire frémir d’effroi les plus puissants, tapi dans son repaire situé sous les fondations du palais impérial à Vienne, ne tarde pourtant pas à lancer son meilleur assassin aux trousses de Nestor. Le tueur en question se nomme Gillian. C’est un hermaphrodite à la beauté troublante, qui s’acquitte de sa mission avec célérité et professionnalisme - jusqu’au moment où il rencontre Aura Institoris, la fille de l’alchimiste ( !), dont il tombe amoureux.

Aura doit bientôt s’en aller au cœur des Alpes, dans une école des plus strictes qui va se révéler bien dangereuse pour ses pensionnaires. Un mystérieux vieillard semble en effet se repaître de la tendre chair de certaines jeunes filles présentes en ce lieu, ce que bien entendu aucun officier de police de la ville avoisinante ne veut envisager, mettant de tels racontars sur le compte de l’imagination débordante des adolescentes ici scolarisées.

Gillian, pour ce qui le concerne, doit prendre la fuite devant les sbires de Lysander pour avoir refusé d’accomplir jusqu’à sa conclusion logique la mission qui lui était confiée. Il se retrouve ainsi en France, acteur au Théâtre du Grand Guignol, misant sur le charisme particulier que lui confère son hermaphrodisme pour captiver le public assoiffé de divertissements transgressifs…

De nombreux autres fils tissent l’intrigue de ce roman dense et captivant. Le mystère lié aux recherches alchimiques de Nestor et de Lysander s’épaissit quand un certain Morgantus fait son apparition. Le récit prend alors une nouvelle dimension. On comprend soudain qui tire réellement les ficelles derrières les agissements des uns et des autres et quels sont les liens familiaux qui unissent cette brochette de personnages férus de secrets. Ceci confère un petit côté « L’Empire contre-attaque » au livre de Meyer, tout du moins pour ce qui concerne cet aspect du récit.

Pour le reste, « La Fille de l’Alchimiste » déroule la suite habituelle de références occultes liées au thème de l’alchimie, sans omettre bien entendu d’effectuer un crochet du côté de l’Ordre des Chevaliers des Templiers. On ne s’ennuie pas en parcourant les pages de ce roman, mais on aurait peut-être souhaité un peu plus d’originalité. Si les éléments fantastiques sont bien présents, l’auteur peine en revanche à bien traduire les sentiments de surprise et d’émerveillement qui devraient découler de leur mise à jour. La fin du récit paraît également un peu rapide par rapport au reste de l’œuvre.

Mais ne faisons pas la fine bouche : le plaisir de lecture est authentique et l’intrigue suffisamment mouvementée pour nous tenir en haleine jusqu’à la dernière page. Le cadre, les personnages, l’époque, tout concourt à la réussite de « La Fille de l’Alchimiste ». Il ne s’agit donc pas là d’une œuvre impérissable, certes, mais d’un très bon livre qu’on dévorera avec appétit, le soir, au coin du feu.

Kai Meyer, La Fille de l’Alchimiste, traduit de l’allemand par Françoise Périgaut, couverture de Marc Simonetti, 642 p., Livre de poche

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