L'invisibilité

Je commence ici une rubrique dans laquelle je vais revisiter les grands thèmes, pour ne pas dire les grands mythes de la science-fiction et du fantastique, avec à l’appui, des livres à lire ou à relire, ou des films à voir ou à revoir.

Pour commencer, j’ai choisi le thème de l’invisibilité.

J’ai le souvenir, au début des années 60, d’une série dont le générique nous plongeait directement au cœur du sujet. On voyait apparaître un homme en blouse blanche, manipulant une éprouvette, muni d’une grosse paire de lunettes noires, et surtout le visage couvert de bandelettes. Et tandis que s’écoulait une musique lancinante, inquiétante, apparaissait sur l’écran du téléviseur en noir et blanc de l’époque, le titre de la série : L’HOMME INVISIBLE.
Et c’était parti.
Cette série britannique créée par Ralph Smart, a été diffusée en France une première fois à partir du 6 octobre 1962, sur l’unique chaîne de la RTF.
Mais plus que les aventures du scientifique Peter Brady, devenu détective privé et travaillant pour les services secrets britanniques par la force des choses, ce qui nous passionnait, c’était qu’il fût invisible. Et l’on attendait avec impatience l’instant où il allait enlever ses bandelettes, nous permettant ainsi de voir flotter dans l’air, ses lunettes et son chapeau.

Dans la télé en noir et blanc, l’illusion était parfaite, et l’on ne voyait absolument pas les minces fils qui tenaient ces accessoires en l’air. C’étaient les effets spéciaux de l’époque, rudimentaires certes, un brin kitsch, mais tellement merveilleux.
Cette série allait connaître plus tard des rediffusions comme des remakes, mais pour moi, elle reste le must en la matière.

Mais l’invisibilité n’avait pas commencé avec le Peter Brady de la télé, à qui Tim Turner donnait sa voix. Non, déjà, Jules Vernes, le précurseur, avait commis un roman « Le secret de Wilhem Storitz » sur le thème de l’invisibilité.
On était alors loin de Peter Brady, sorte de justicier des temps modernes, puisque dans le roman de Vernes, l’homme invisible se servait de ce qui était pour lui un pouvoir, pour se venger d’une déconfiture amoureuse. Et cet homme invisible connaît une triste fin, tout comme celui de Herbert George Wells, autre maître de la SF du 19ème siècle.

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L’intérêt du roman de Wells, est qu’il ne se limite pas aux « avantages » que pourraient conférer l’invisibilité, mais également aux nombreux inconvénients qu’aurait à surmonter un individu qui en aurait percé les secrets.
Beaucoup de « prédictions » de Vernes ont vu le jour : on a voyagé dans l’espace, sous la mer, on a atteint la lune, mais personne n’est encore parvenu à se rendre invisible. Et ce n’est pas les explications de Griffin, l’homme invisible de Wells, qui contribueront à permettre une telle réalisation. On a d’ailleurs reproché à l’écrivain d’être trop flou dans ses explications sur l’invisibilité.

Mais il ne faut pas confondre science-fiction avec science tout court.
Un écrivain, même oeuvrant dans les littératures de l’imaginaire, ne peut quand même pas se substituer aux scientifiques, et découvrir ce qui reste pour eux, une énigme. Et si l’on se réfère au message de l’écrivain britannique, l’invisibilité ne pourrait que conduire à la perte d’un individu.

Prenons cela pour acquis, et ne regrettons pas que l’invisibilité telle qu’elle est conçue chez Jules Vernes ou H.G. Wells, demeure à l’état de mythe.

Mais après tout, elle existe peut-être bien d’une autre façon. Par exemple, lorsque nous communiquons via internet avec des personnes que nous ne voyons pas, et qui ne nous voient pas davantage. Nous sommes tous des invisibles dans un monde de plus en plus virtuel.

J’exagère ? À voir.

En tout cas, cela pourrait donner lieu à d’autres romans, d’autres films, mais pour l’instant, je vous recommande tout particulièrement (à lire ou à relire) : « Le secret de « Wilhem Storitz » par Jules Vernes (toutes éditions disponibles). « L’homme invisible » par Herbert George Wells (id).

Et à voir ou à revoir :
En DVD, le film de James Whale, « L’homme invisible » sorti en 1933.

 

Patrick S. VAST - octobre 2006

Commentaires

Mais il y a bien longtemps que ce thème nous hante et nous colle à la peau. Depuis l’invention du téléphone, que faisons nous si non d’être invisibles ? Dans le foetus n’étions nous pas invisibles autrefois ? Quand nous écoutions la radio, les autres ceux derrière le poste n’étaient-ils pas invisibles ?
Ne sommes nous pas invisibles à nous mêmes lorsque nous essayons de nous voir comme foetus ? Dans l’enfance ?
Ne sommes nous pas invisibles et faisons partie du décor lorsque les gens sont habitués à nous voir quotidiennement ?

C’est certain. Mais disons que dans le cas de Wells ou de Peter Brady, toute la fascination vient du fait que l’invisibilité a pour origine une substance ou un process. C’est d’ailleurs la même chose dans le cas du dédoublement de personnalité mis en scène dans le roman de Stevenson. Les personnages de savants à la fois visionnaires et très inquiétants ont toujours exercé un attrait chez les amateurs de littératures de l’imaginaire.