Liens de sang
C’est l’histoire de la redécouverte du passé de sa famille et d’une ancêtre esclave par une jeune femme noire californienne du vingtième siècle. Sans aucun doute ce roman serait-il bien différent si écrit aujourd’hui car, en même temps que les réflexions profondes sur les fondements de la cruauté de certains et de la soumission des autres, il comporte en sous-entendu un espoir aujourd’hui disparu de la compréhension universelle, remplacé par la recherche de réparation ou de revanche.
Dana, l’héroïne du roman, se voit rappelée dans le passé pour sauver, à plusieurs reprises, la vie d’un ancêtre dont elle connaissait le nom sans savoir qu’il était le propriétaire esclavagiste blanc de son aïeule Alice. Elle va découvrir au cours de ses multiples séjours dans la plantation du père de Rufus, puis de Rufus, les réalités de l’esclavage, du racisme et du sexisme américains. Les personnages de Dana, de son mari blanc Kevin, qui sera entraîné dans ce passé, et de Rufus sont loin d’être des archétypes et ont droit à des études psychologiques assez approfondies. Sans doute Alice est-elle moins profondément étudiée. Plus qu’un raciste, Rufus est avant tout un égocentrique profond, qui méprise tout le monde et obligatoirement encore plus les noirs. Son « amour » pour Alice est totalement possessif, il ne lui accorde en fin de compte pas plus de tendresse qu’à un jouet. Dana, qui possède la force née de la connaissance de ce qui n’est pour les autres qu’un futur lointain, passera parmi eux pour une « négresse blanche ». Mais c’est cette connaissance, la possibilité de réfléchir à ses propres réactions et à celles des autres, qui lui permettra de survivre et, finalement, de retourner définitivement au « présent » de 1976.
Un livre qu’il faut lire, même si l’histoire récente en a quelque peu aggravé le sujet...
Liens de sang, d’Octavia E. Butler, traduction de Nadine Gassié, réactualisée par Jessica Shapiro, Au Diable Vauvert, 2021, 468 p., 22€, ISBN 979-10-307-0408-2