Les voyages dans le temps

Il existe indéniablement un point commun entre le thème des voyages dans le temps, et celui de l’invisibilité, à savoir que tous deux n’ont pas à ce jour connu de réalisation. Malgré certaines théories, et l’avènement de la physique quantique permettant d’avancer des hypothèses, l’Homme ne sait pas encore maîtriser ce domaine merveilleux qu’est l’espace-temps. Pourtant, cela constitue un vieux rêve, et le domaine de la science-fiction n’a pas manqué de le nourrir. Ainsi, nombreux sont les romans ou nouvelles laissant défiler un tas de moyens et machines permettant de retourner vers le passé, ou au contraire de gagner les futurs les plus lointains. Mais fidèle à l’esprit de cette rubrique, je vais sélectionner quelques ouvrages qui font références en la matière.

Et je vais commencer par l’incontournable Maître Wells, encore lui ! Le roman « La Machine à explorer le temps » datant de 1895, est en effet une réussite du genre. Si, selon ce que l’on rapporte, la démarche de Wells visait à l’origine une critique de la société victorienne, si ce récit n’était pas exempt de connotations politiques, il demeure surtout un parfait ouvrage d’anticipation, avec la description d’une société futuriste divisée en deux camps : les Eloïs et les Morlocks.

 

Dans le film de George Pal, inspiré du roman et sorti en 1960, ces deux groupes apparaissent très clairement. Les Eloïs étant décrits comme des espèces de hippies/babas cool, et les Morlocks comme d’horribles monstres avides de dévorer les Eloïs. Et c’est un thème récurrent qui revient alors comme dans le roman : l’exploitation d’un groupe par un autre, jusqu’à son absorption au sens le plus littéral du terme, préfigurant ainsi le « Soleil vert » de Richard Fleischer, lui-même inspiré de « Make Room » de Harry Harrison, où les cadavres sont recyclés en nourriture.

Mais si les œuvres anglo-saxonnes abondent en matière de voyages dans le temps, n’oublions pas René Barjavel, et son « Voyageur imprudent ». L’un des grands intérêts de ce roman où Pierre Saint-Menoux, le personnage principal, est doté d’un scaphandre à voyager dans le temps, est qu’il pose le problème ô combien passionnant des paradoxes temporels. En effet, Saint-Menoux en vient à tuer son ancêtre, rendant ainsi totalement paradoxale son existence. L’ancêtre ayant été tué, je ne puis exister ; mais je ne puis qu’exister puisque j’ai pu tuer mon ancêtre. Et l’on peut aller très loin ainsi ; imaginer qu’en remontant le temps, on pourrait éviter le déclenchement des guerres qui ont eu lieu, et de bien d’autres drames. Mais refaire l’Histoire relève surtout de l’Uchronie, qui fera l’objet d’un prochain thème.

 

Et si je devais choisir un ouvrage qui est pour moi le plus marquant en matière de voyages dans le temps, je désignerais sans hésiter une BD, celle du génial Edgar P. Jacobs, « Le Piège diabolique ». Découverte en épisodes dans les pages du journal Tintin, cette BD m’a toujours fait grande impression. Ainsi notre cher professeur Mortimer, délaisse-t-il son ami Blake, pour tomber dans le piège de l’affreux Miloch, qui l’envoie effectuer des voyages dans le temps, sans espoir de retour dans le présent. À bord de son « chronoscaphe », version moderne de la machine à hélice imaginée par Wells, Mortimer remonte jusqu’aux temps préhistoriques, et après un passage par l’époque médiévale, atteint l’année 5060, où notre pauvre Terre ne connaît pas un destin meilleur que celui prévu par Wells. Mais Mortimer contribuera à ce que les choses s’arrangent, et grâce à sa sagacité, parviendra même à regagner son époque, en dépit du piège diabolique imaginé par Miloch. Comme chez Wells, la machine à voyager dans le temps reste sur place, et c’est le lieu de départ qui se métamorphose au fil des changements d’époques.

Bien sûr, ces merveilleux raconteurs d’histoires que sont Wells, Barjavel, Jacobs et bien d’autres encore, n’ont pas fourni une explication rationnelle, permettant réellement de voyager dans l’espace-temps. Mais comme pour l’invisibilité, je dirai qu’il faut laisser les imaginatifs imaginer, que leur domaine est celui du merveilleux, où l’irrationnel a tout à fait droit de cité.

 

Faute de pouvoir emprunter un appareil nous permettant des petites balades dans le temps, il reste le travail des futurologues. Je me souviens qu’au début des années 60, dans l’hebdomadaire Bayard, j’avais découvert avec passion, un dessin montrant ce que serait une ville en 2000. Evidemment, en 1960, l’an 2000, paraissait encore loin, et justement les futurologues s’en donnaient à cœur joie. Et sur le dessin on voyait des habitations en plexiglas, et surtout des voitures se déplaçant dans les airs. Nous sommes en 2006, les voitures empruntent toujours les routes, et les habitations sont encore majoritairement en brique.

Alors que sera l’année 5000 ? Ou alors, vivait-on à l’époque médiévale comme nous l’ont enseigné les historiens ?

L’Homme étant à la fois d’une nature sceptique et curieuse, il est bien certain que l’on souhaiterait qu’on l’invente, cette sacrée machine à effectuer des voyages dans le temps.

Je recommande tout particulièrement :

- « La Machine à explorer le temps », roman de Herbert George Wells (toutes éditions disponibles).
- « Le Voyageur imprudent », roman de René Barjavel (Folio)
- « Le Piège diabolique », BD de Edgar P. Jacobs (Les éditions Blake et Mortimer, Bruxelles).
- le DVD « La Machine à explorer le temps », film de George Pal (1960) d’après H.G. Wells.

Octobre 2006