Poissons-chats du Mississippi (Les)

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Journaliste indépendant d’origine britannique, voyageur infatigable - sa biographie précise même qu’il aurait revendiqué 19 adresses en 25 ans -, Richard Grant tombe sous le charme d’une vieille demeure coloniale lors d’un voyage dans le Mississippi, du côté de la ville de Pluto. Lui, qui demeure à New York dans un appartement ridiculement petit en raison des prix exorbitants, se trouve propriétaire d’une immense bâtisse qui prend l’eau, au terrain parcouru d’alligators, de tatous, de serpents et d'autres joyeuses bestioles, dans l’Etat le plus pauvre des Etats-Unis, et peut-être le plus illettré et le plus violent. Mais, au fil des pages et des anecdotes, lui, le journaliste bourlingueur va, selon sa propre expression, tordre le cou à un certain nombre de préjugés concernant cet Etat et sa population. Au hasard des déplacements et des rencontres, il tombe sur de truculents personnages, de l’éleveur de poissons-chats au vieux bluesman, de l’homme politique excentrique à l’acteur Morgan Freeman dans son club de golfeurs, qui lui donne le vrai sens de la vie : « Le sens de la vie pour chaque organisme de cette planète, y compris nous, c’est de procréer et mourir. C’est tout. Alors autant apprécier le reste parce que ça n’a vraiment aucune importance ». Au détour d’une petite ville, Grant croise le meilleur fabriquant de sauce du Delta, un fabriquant de sous-vêtements de très grande taille et sa « pièce de résistance », un slip kangourou de deux mètres-quatre-vingts de tour de taille. Sa compagne et lui, plutôt d’un naturel végétarien, découvrent le plaisir de la chasse (j’entends déjà certaines dents grincer), les rencontres impromptues autour d’un verre et surtout, cette réalité culturelle et économique qui fait du Mississippi un état terriblement ancré dans son passé colonialiste, où les Noirs ont forcément moins de droits que les Bblancs et ne se côtoient pas sur la même terrasse de maison, le tout sur un certain fond de fatalisme. La corruption comme partout ailleurs y fait rage, mais Grant n’hésite pas à citer l’espoir que peuvent susciter certains projets, éducatifs par exemple, assortis à une mixité sociale bienvenue.

Jamais donneur de leçon, jamais réellement critique, Richard Grant pose un oeil curieux et éclairé du coureur d’aventures sur les habitants du Delta et leurs us et coutumes, faisant d’eux des êtres attachants. Et c’est avec les notes de John Lee Hooker, d’Albert King, de Howlin’wolf ou de Muddy Waters que l’on tourne les pages, entre bière bien fraiche et poulet frit. J’avoue avoir un faible pour le titre anglais par rapport au titre français : Dispatches from Pluto: lost and found in the Mississippi Delta donne bien le ton de cette aventure dont on ressort avec un regard neuf et surtout cette furieuse envie de passer son sac à dos pour partir sur les routes.

Je remercie les Editions Hoëbeke et leur collection Etonnants Voyageurs pour leur confiance.

Les poissons-chats du Mississippi - Richard Grant - Editions Hoëbeke, 03/19, 24€

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