Les manipulations mentales
Descriptif : Sommes-nous sous influence ?
Les manipulations mentales : vaste et grave sujet. En effet, des individus pourraient-ils être sous influence ? Et surtout, d’autres pourraient-ils exercer un pouvoir qui les rende maîtres d’autrui ?
En 1932, Fritz Lang, dans son film « Le testament du Dr Mabuse » répond par l’affirmative.
Ce premier film parlant de la série est pour le moins éloquent en la matière. Enfermé dans un asile psychiatrique, le Dr Mabuse parvient à diriger un gang de malfaiteurs grâce à ses pouvoirs hypnotiques. Mais en fait, ce film tourné durant la république de Weimar, et surtout la montée du nazisme, a des connotations politiques certaines. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que Goebbels l’a interdit ; il y reconnaissait tous les ingrédients de la formation à laquelle il appartenait, et de la propagande dont il s’est fait un artisan actif, avant d’ailleurs de la développer à l’échelon quasiment industriel. Mabuse mettant sous influences autrui, c’est la machine nazie et Hitler qui plaçaient sous la leur le peuple allemand. En tout cas, ce personnage, imaginé par l’écrivain luxembourgeois Norbert Jacques, sert-il indirectement une cause juste, mais qui n’a malheureusement pas pu empêcher l’horreur de se produire.
L’hypnose est également à l’ordre du jour dans le chef-d’œuvre d’Edgar P. Jacobs, « La marque jaune » parue en 1956. Septimus y a eu recours pour mettre en sa possession dans un premier temps Olrik. Mais ensuite, il passe à quelque chose de beaucoup plus sophistiqué, en l’occurrence, le « Télécéphaloscope ». Cette machine diabolique permet de mettre n’importe qui sous son emprise, grâce à « l’onde méga », un concept dont Septimus fournit la clé dans la BD, et qui lui a surtout permis de lancer dans Londres une créature terrifiante et maléfique, dont l’esthétique est empruntée à Lang, référence Mabuse, mais aussi « M le maudit ». Le M de couleur jaune que trace Olrik, devenu le parfait esclave de Septimus, l’atteste. Mais Jacobs reprendra ce principe de la manipulation mentale, et de la mise sous influence dans « Le piège diabolique » lorsque Focas subit une véritable lobotomie.
J’ai encore un souvenir relatif à mon cher Tony Sextant, où il affrontait dans un épisode, un savant malfaisant qui lui, plaçait ses victimes sous une espèce de casque de coiffeur à la mode des années 50. Une fois la séance terminée, il faisait ce qu’il voulait de ses patients. Était-ce un trait d’humour de Ribéra ? Mais les victimes étaient toutes entièrement chauves. Peut-être un effet secondaire du « casque de coiffeur à décerveler ».
En 1981, dans « Alerte à l’hypnose » de K.-H. Scheer, c’est un peu une synthèse roman/BD/cinéma à laquelle on a droit, avec l’idée qu’un savant s’est emparé de l’héritage des Martiens, et menace de réduire l’humanité entière en esclavage, par l’hypnose. Ce thriller S-F marque là la parfaite synthèse de l’art d’un Norbert Jacques, d’un Fritz Lang, ou d’un Edgar P. Jacobs.
Mais dans notre quotidien, ne sommes-nous pas sous influence ? Ne somme-nous pas, à petites doses, peut-être manipulés ? Agissons-nous toujours en parfaite connaissance de cause ? Tous les moyens pour pénétrer l’esprit humain et le faire agir d’une façon déterminée sont utilisés par la pub. La TV nous bombarde d’une multitudes d’infos, et que reste-t-il au bout du compte de notre sens critique ? Bien plus qu’auparavant, notre vigilance doit demeurer à son niveau d’alerte maximum. On n’essaie pas encore de nous transformer en « créature » du Dr Septimus, mais ne recherche-t-on pas, à des fins, par exemple, commerciales, un certain assouplissement de notre esprit ?
Les manipulations mentales doivent-elles être considérées comme appartenant au monde de la S-F, ou à notre quotidien ?
Une fois encore, les écrivains de l’imaginaire ont la part belle pour faire le distinguo, et servir une cause utile.
Pour ce thème :
Le DVD du « Testament du Docteur Mabuse » de Fritz Lang - 1932.
La BD « La marque jaune » d’Edgar P. Jacobs - 1956 - Éditions Blake et Mortimer.
« Alerte à l’hypnose » de Karl-Herbert Scheer - 1981 - Fleuve noir.
Décembre 2006