Les éditions Griffes d'Encre : le petit éditeur qui monte, qui monte

Phenix : Pouvez-vous nous présenter l’équipe de Griffe d’Encre ? Comment fonctionnez-vous ?

Griffe d’Encre : Le noyau de l’équipe est constitué par Menolly et Magali qui assurent l’ensemble des fonctions nécessaires au bon fonctionnement de la structure.

Pour faire simple : Menolly dirige la collection Novella et s’occupe de tout l’aspect technique (correction, maquette, impression). Quant à Magali, elle a en charge les Anthologies ainsi que l’aspect plus administratif et commercial (comptabilité, contact libraires, dédicaces…). Enfin, Magali et Menolly dirigent ensemble la collection Roman.

Michaël Fontayne et Karim Berrouka s’occupent des Recueils, et Magali Villeneuve (créatrice de notre charte graphique et de la mascotte) reprendra bientôt la gestion des maquettes couverture.

Tout le monde met la main à la pâte en ce qui concerne les salons.

N’oublions pas les lecteurs et correcteurs qui nous aident, de façon bénévole également. Et bien entendu les auteurs, illustrateurs et traducteurs : sans eux, pas de bouquins ;)

Phenix : Est-ce que l’expérience de Parchemins & Traverses vous a aidés dans cette nouvelle aventure ?

Menolly : Oui, bien sûr. À de multiples points de vue, que ce soit pour le travail éditorial en lui-même ou la mise en page. J’ai encore du boulot pour me perfectionner, mais Parchemins & Traverses et aussi 5e Saison (maintenant Mille Saisons) m’ont permis de pas mal « déblayer » le terrain.

Dans un registre moins technique, mon travail chez P&T m’a également permis de nouer des liens avec pas mal de monde du milieu de l’édition, que ce soit dans les salons, sur les forums, ou lors du travail avec les auteurs et illustrateurs des anthologies. Et comme Magali, de son côté, connaissait également beaucoup de monde dans la SFFF, nous ne partions pas complètement démunies.

Phenix : Avez-vous l’ambition de toucher à tous les genres de l’imaginaire (SF, Fantasy, Fantastique) ?

Griffe d’Encre : Oui et non. ;)

Notre ligne éditoriale touche aux 3 genres que tu cites, mais avec une restriction importante : rester proche du réel. Le fantastique y occupe donc une place de choix ; nous publions aussi pas mal de SF, mais pluôt de type anticipation (Expéron, Au nord-nord-ouest d’Éden, La Vieille Anglaise et le continent...), que space op (même si Jouvence a l’air d’en être un) ; quant à la fantasy, elle représente une part assez réduite dans notre catalogue (quelques nouvelles dans les anthologies pour le moment, mais nous allons sortir une novella de dark fantasy cet automne (La Répulsion de Karst Olenmyl), et notre 2e roman (Lemashtu) pourrait être qualifié de fantasy uchronique) et surtout, nous nous tenons volontairement éloignés de l’heroïc fantasy.

Maintenant il peut arriver que des coups de cœur nous poussent à faire des incursions dans un des genres sus-cités (en particulier le space-opera). Mais cela restera l’exception. Ainsi, Loar, de Loïc Henry, que nous avons dans nos tiroirs depuis le tout début, et qui ne sortira qu’en 2010, car nous voulons bien asseoir d’abord la collection Roman dans le côté proche de la réalité.

Phenix : Vous avez lancé une collection de novellas, un format peu courant en France. Quelles sont vos motivations ?

Menolly : C’était effectivement peu courant à l’époque où nous en avons eu l’idée (mais on en voit de plus en plus chez les jeunes maisons d’édition).

Nos motivations à l’origine, c’était notre amour du format. Magali et moi avons écrit à 4 mains une novella lorsque nous nous sommes rencontrées, et nous n’avons jamais trouvé où l’envoyer. Du coup, quand nous avons créé cette maison d’édition, après quelques semaines de cogitation sur les différentes collections que nous allions présenter, nous nous sommes dit : et si on en faisait une pour ce format ? La novella n’est pas juste une longue nouvelle ou un court roman : elle a un rythme particulier. Certaines histoires n’ont de sens qu’en novella. Et je trouve ce format particulièrement « honnête », en tout cas pour le moment, étant donné qu’il y a encore très peu de débouchés pour ce genre de textes. Je veux dire par là que si un auteur a écrit une novella en sachant qu’il allait devoir la ranger ensuite dans un tiroir car personne n’en voudrait, c’est que l’histoire était adaptée à ce format. Elle n’a pas été amputée pour en faire une nouvelle, ni délayée pour en faire un roman.

Et curieusement (ou pas), cela se ressent dans le pourcentage de sélection des novellas. Il est bien plus élevé que pour les nouvelles ou les romans. Et encore, je refuse de très bons textes car ils ne collent pas à la ligne.

Phenix : Les livres que vous présentez sont de magnifiques objets (couverture, mise en page, marque-page, mascotte). C’est par volonté de vous démarquer ou par amour du livre ?

Griffe d’Encre : Les deux, je suppose. Avec l’amour du livre à l’origine. On voulait de beaux objets, on rêvait d’une bibliothèque remplie de nos livres, qui soit belle.

On a passé un week-end entier à passer en revue tous les bouquins à notre disposition, de plein d’éditeurs différents, à noter ce qu’on aimait et n’aimait pas dans la présentation, pour aboutir à une synthèse de ce qu’on voulait pour les nôtres. Nous avons aussi souhaité que soit mis en valeur le travail des illustrateurs, d’où l’insertion de rough à la fin de l’ouvrage.

À partir de là, Magali Villeneuve a fait un travail formidable pour nous proposer une charte graphique et un logo, et petit à petit nous avons bâti notre propre univers, notamment grâce à la mascotte qui vit au gré de nos livres, de notre site, et qui grandit petit à petit. « La Grifouille », comme on la surnomme affectueusement sur notre forum, est devenu un personnage à part entière. En fait, la star, c’est elle. Et elle le sait bien.

Phenix : Comment sélectionnez-vous vos illustrateurs ?

Griffe d’Encre : Alors, déjà un premier point : pour le moment, même si nous payons nos illustrateurs, nous n’avons pas les moyens de nous aligner sur les prix du marché. Nous ne cherchons donc pas de nouveaux illustrateurs à l’heure actuelle.

À la base, nous avions une petite équipe de gens connus grâce à Parchemins & Traverses et qui étaient d’accord avec nos conditions (forfait et contraintes de la charte graphique).

Sont venus se rajouter quelques personnes rencontrées lors de salons (e.g. Maeva Pierre – couverture de « Ouvre-toi ! ») ou sur des forums (e.g. Alain Valet, couverture de « La Porte », connu grâce aux Songes du Crépuscule).

Nous recevons aussi régulièrement des candidatures. Toute l’équipe donne son avis, et en général, si un directeur de collection est intéressé par le travail d’un illustrateur, nous répondons positivement (mais prudemment en disant tout de go que nous ne payons pas beaucoup à l’heure actuelle. Certains illustrateurs vont nous dire ok, faites-moi signe quand vous aurez plus de moyens, et nous gardons leurs noms pour plus tard ; d’autres vont se déclarer intéressés tout de suite, malgré la faible rémunération).

Deux points importants : primo, nous avons veillé dès le début à ce que notre charte graphique nous permette d’accueillir la plus grande variété possible de styles. Ce qui est le cas, il n’y a qu’à comparer par exemple les couvertures de Ouvre-toi !, En quête, La Porte et Expéron pour s’en rendre compte. Deuzio, notre fonctionnement en interne ne demande pas que toute l’équipe soit convaincue par un illustrateur ou une illustration. C’est au directeur de la collection de décider. Nous n’aimons pas forcément tous toutes les couvertures griffées, mais elles ont toutes leur public.

Phenix : Les contes Myalgiques de N. Dau a reçu le prix de la Nouvelle aux Imaginales 2008, alors que La Porte de K. Berrouka était nominé dans la catégorie Nouvelle. Est-ce pour vous une reconnaissance du bien-fondé de votre démarche ?

Griffe d’Encre : C’est une reconnaissance du milieu pro. On s’en était déjà rendu compte à plusieurs reprises, mais ces 2 nominations et ce prix nous l’ont confirmé : Griffe d’Encre est pris au sérieux, pas seulement par les lecteurs, mais aussi par les éditeurs, les libraires, etc.
C’est très encourageant ! (Mais ça nous met la pression !).

Phenix : Est-ce qu’un développement comme celui de Bragelonne vous fait rêver ?

Griffe d’Encre : Oui et non (encore ! ;)).

Oui parce qu’ils sont partis de pas grand-chose en 2000 (3 romans la première année) et on voit où ils en sont maintenant (101 sorties en 2008, création de Milady, etc). Cela montre que malgré la morosité du secteur, il peut y avoir quand même de belles réussites.

En revanche, on ne vise pas un développement comparable. On ne se voit pas sortir 100 livres par an. Arriver à 20 ou 30 parutions par an, c’est le maximum auquel on pense. On en est déjà à 10 en 2008, on en a 11 ou 12 de prévues en 2009. Après, c’est surtout les tirages qu’il va falloir augmenter si l’on veut pouvoir vivre de cette activité un jour (NB : toute l’équipe est bénévole à l’heure actuelle).

Phenix : Enfin, quels sont vos projets à venir ?

Griffe d’Encre : D’autres publications, bien sûr ; des salons (au moins 6 entre septembre et décembre). Signer en 2009 avec un diffuseur/distributeur pour toute la France (depuis le 1er juillet, nous sommes en contrat avec la Générale du livre pour la distribution sur l’Île de France).
Ah, et ouvrir une 5e collection d’ici un an ou deux si tout va bien. :)

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