Amochés (Les)
Abdel Ramdankétif, la soixantaine, passionné de lecture, vit en ermite dans un petit village abandonné par ses habitants, entre son bois à couper pour l’hiver et ses centaines de livres en tous genres. Il est d’autant plus seul que la femme qui partageait sa vie l’a quitté du jour au lendemain, le laissant à ses interrogations et son mal-être. Un matin, alors qu’il tarde à se lever, il est témoin d’un évènement fantastique : de l’eau s’écoule des miroirs, l’ensemble de la population de la ville proche semble avoir disparu, un ronronnement incessant envahit l’atmosphère, le soleil parait à jamais figé dans le ciel à son zénith. La suite va le plonger dans un tel délire qu’il va finir par croire qu’il perd la raison, tant les éléments sembleront se liguer contre lui. jusqu’à l’explication finale, aussi folle que tous les évènements passés.
Bienvenue chez les Amochés de Nan Aurousseau ! Il y a un an, j’avais participé à un concours sur Babelio afin de découvrir le précédent ouvrage de l’auteur, Des coccinelles dans les noyaux de cerise, petit roman à l’humour très noir mettant déjà en scène des « ratés » de la vie. Babelio m’ayant offert cette nouvelle opportunité de lire son dernier opus, j’ai aussitôt sauté sur l’occasion, et je les remercie, ainsi que les Editions Buchet-Chastel pour leur confiance. Et j’ai éprouvé un plaisir aussi vif qu’avec les Coccinelles…
En découvrant les premières pages du roman, j’ai eu l’impression de m’offrir une relecture du roman de Matheson, version gouaille campagnarde. Ayant moi-même écrit un roman que l’on qualifie habituellement de post-apovalyptique où la population disparait sans laisser de traces, j’était curieux de savoir comment l’auteur allait traiter ce sujet. mais ça aurait été trop simple pour Aurousseau. Malin, l’auteur plante son décor de ville fantôme, n’y laissant qu’un personnage improbable, Roger, le serveur qui pue des pieds (!) (son rôle est primordial dans la suite du roman), un barman décidé à ne jamais bouger tant que la clientèle ne réapparaîtra pas, puis deux jumelles, Sandra et Laure, méfiantes à son endroit, avec qui il décide finalement de faire un bout chemin pour tenter de comprendre ce qui a pu se produire. Alors que l’on se demande jusqu’où leur pas les mèneront, Nan Aurousseau effectue un brusque retour en arrière, fait revenir les habitants sans explication initialement et verse son personnage principal dans une histoire kafkaïenne. Après la légende, nous voici dans Le procès. Mais un procès raconté par un homme simple, dont l’érudition tient à sa passion des livres, qui voit en eux la réponse à toutes les questions qu’il pourrait se poser et doté d’une gouaille digne d’un Fréderic Dard ou d’un Albert Simonin. Les acteurs de Nan Aurousseau ne sont jamais des héros, ou alors ordinaires, de ceux que l’on croise au hasard d’une rue et qui disparaissent happés par le vent du destin. Eux-mêmes l’ignorent. Et le final, simple mais tout autant incroyable que tous les avatars subis par Ramdankétif, trouve son explication dans une affaire sordide au sein d’une famille malsaine, et la présence de la mauvaise personne au mauvais endroit. Les « Amochés » du titre prennent tout leur sens…
Après Des coccinelles sur des noyaux de cerise, j’ai retrouvé avec bonheur un auteur qui sait construire une véritable histoire, simple mais solide, et la mener jusqu’au bout en bluffant son lecteur. Quelques petites longueurs lors des considérations philosophiques du protagoniste principal alourdissent parfois le style, mais ce n’est qu’un petit détail bien peu gênant en définitive !
Les amochés - Nan Aurousseau - Buchet-Chastel - jan 19, 18 €