Cherokee (Le)

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Nick Corey, un shérif du genre atypique, traine sa misère et sa non existence dans la minuscule ville de Panguitch, perdue dans l’Utah. Un homme fracassé par la guerre qui n’aspire qu’à la tranquillité. Une nuit, il assiste à l’atterrissage d’un avion chasseur Sabre, sans pilote. Il a à peine le temps d’en informer les autorités que la région est envahie par l’armée et le FBI. En pleine Guerre froide, on craint un coup des communistes, voire des martiens… Corey, lui, mène en parallèle une enquête sur la découverte d’une voiture abandonnée. Il le sent, il le sait, celui qui a assassiné sauvagement ses parents adoptifs il y a longtemps et l’a fait condamner à la prison, est de retour et le nargue, le poussant à un macabre jeu de piste. Dans ce imbroglio, Nick Corey s’aperçoit non sans trouble qu’il est peu à peu en train de tomber amoureux de l’agent responsable du FBI, et que ce sentiment est réciproque…

 

Voilà un polar d’excellent cru ! Passée la première surprise d’une écriture au passé composé, un peu déroutante je le confesse moi qui suis plutôt passé simple ou présent, l’auteur déroule une histoire sèche, crue, noire, ou plutôt deux histoires en une seule : d’un côté cette traque de l’avion volé et de l’autre celle de l’assassin des parents de Nick Corey, surnommé le Dindon pour sa tendance à glousser. Le shérif traumatisé - il voit régulièrement les choses en noir et blanc, une idée originale - est sur tous les fronts. Avare de gestes, avare de mots, mal à l’aise avec les personnes qui l’entourent, qu’il s’obstine à appeler m’sieur ou m’dame et non pas par leurs prénoms comme ils le lui demandent. Son histoire d’amour avec le flic du FBI a un côté touchant, à la façon d’un Brokeback Moutain, la peur de l’interdit durant ces années de chasse aux sorcières, l’envie de tout quitter pour aller vivre sa vie à cheval.

En dehors du temps employé qui finit par donner au roman un déroulement presque hypnotique, la seule gène éprouvée durant la lecture concerne les longues introspections de Nick Corey à la recherche de preuves, et où on le voit fouiner partout avec un calme presque surréaliste. La répétition incessante de phrases du type : l’enquêteur doit faire ceci, l’enquêteur doit penser cela, le travail de l’enquêteur est de faire… alourdit un peu le texte, même si l’on s’imagine que ces propos sont issus de la tête de Corey en  pleine cogitation.

L’explication du vol de l’avion posée et l’enquête résolue, on retrouvera Nick Corey toujours sur la piste du Dindon, une ultime fois serait-on tenté de dire. Une fin douce-amère, le constat d’un échec ? Au lecteur de se faire sa propre idée. Peut-être l’incapacité du shérif à mener une existence normale, ou plutôt une interdiction presque morale qui explique la dernière scène, qu’on imagine en fondu au noir sur quelques notes tristes d’harmonica.

Grand prix de littérature policière 2019 et Prix Mystère de la critique 2020 assurément mérités !

Je remercie les éditions Folio pour leur confiance.

 

Richard Morgiève - Le Cherokee - Editions Folio Policier - Octobre 2020

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