Cité perdue du Dieu Singe (La)

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On connait surtout Douglas Preston pour son duo avec Lincoln Child et leur improbable inspecteur de police Aloysius Pendergast. Mais Preston est aussi un collaborateur régulier du New Yorker et du National Geographic. A ce titre, il a été amené à participer à une expédition aux confins du Honduras, dans une région appelée la Mosquitia. Zone de 83.000 mètres carrés en plein milieu de la jungle, totalement hostile et hermétique, celle-ci est le berceau d’une multitude d’histoires et de légendes, parmi lesquelles l'existence d’une civilisation inconnue, non maya, regroupée dans une cité perdue du Dieu Singe ou Cité Blanche évoquée par Cortès. Plusieurs explorateurs au cours du passé s’y sont risqués, parfois au péril de leur vie, atteignant parfois des ruines inconnues et des ébauches de construction, mais sans jamais obtenir de preuve formelle d’une ville disparue. Et ce, pendant trois quart de siècle.

Lorsque Douglas Preston commence son récit après avoir rappelé ce préambule, l’exploration archéologique a été révolutionnée par un instrument appelé le Lidar, qui correspond à une télédétection par laser depuis un appareil en vol. Parcourant de long en large la jungle hondurienne, le Lidar rapporte des centaines de clichés de ce qu’il parait être des construction enfouies sous la terre. Il semble donc bien exister une immense cité sous les arbres.

Construit tout autant comme un roman d’aventure à la Rider Haggard que comme un reportage journalistique fouillé, le livre de Douglas Preston s’attarde sur les lourds et couteux préparatifs que nécessite une telle expédition pour si peu de temps passés dans la jungle, les conditions d’hygiène et de salubrité quasi inexistantes (les membres de l’expédition vivent sous la pluie, dans la boue, en proie aux piqures d’insectes en tout genre et menacés par les serpents fer-de-lance). Passés les premières chapitres concernant la découverte de l’existence de la cité, l’auteur « démystifie » également l’archéologie en mettant en évidence tout le travail en amont, le temps passé à localiser les fouilles et à les identifier in situ, à les raccrocher à une civilisation quelconque. Les autorités honduriennes enthousiastes n’hésitent pas à prêter leur concours pour ce qu’elles qualifient de découverte essentielle de leur passé. Par la voix de plusieurs membres de l’équipe, Preston déplore également les pillages des ces lieux historiques, la revente de d’objets d’art à vil prix parfois, mais aussi la destruction de la forêt par des éleveurs cherchant sans cesse à étendre leurs terres pour faire paître leur bétail. En s’interrogeant sur la disparition de cette civilisation, il dénonce l’exploitation effroyable des locaux réduits à l’esclavage par les Espagnols à l’époque, le véritable génocide que provoqueront les Européens en apportant avec eux des maladies inconnues des autochtones, comme la variole et la rougeole. Des chiffres qui font froid dans le dos, puisque l’auteur estime que l’effondrement démographique entre les guerres, l’esclavage et en majorité la maladie est situé à 95%… Un missionnaire estimait quant à lui que seuls 3% de la population côtière de la région avaient survécu… A l’époque où aujourd’hui certains s’élèvent contre la vaccination, ces chiffres font réfléchir.

Plus cocasse, à l’heure où on ne cesse de vouloir modifier le langage actuel et supprimer de notre vocabulaire certains mots jugés racistes ou blasphématoires (de façon parfois aussi ridicule que vaine), Douglas Preston évoque la controverse que leur expédition a suscité : « des éléments rhétoriques représentant des attitudes ethnocentriques obsolètes et choquantes qui allaient à l’encontre du souci d’inclusion et de multivocalité » (fin de citation). En gros, on leur reprochait une terminologie condescendante à la Indiana Jones, et comme l’explique Preston, il devenait difficile de trouver un équivalant à civilisation, perdu, découverte…

Le roman se termine sur un souvenir dont se seraient bien passé les membres de l’équipe : la contamination par la leishmaniose qui en laissera plus d’un sévèrement diminué… Et aussi, l’exaltation de la découverte retombée, une certaine forme de tristesse de la part de l’auteur que ces découvertes archéologiques soient de plus en plus rares.

La cité perdue du Dieu Singe se lit comme un véritable roman d’aventure. Comme un Gheerbrandt, un Monfreid ou un Fawcett et, malgré tous les danger et les difficultés, on se prend à rêver, la dernière page tournée, à enfiler ses bottes, à prendre son sac à dos et à prendre le premier avion en partance pour ces derniers lieux inexplorés.

je remercie les Editions J’ai Lu pour leur confiance.

La cité perdue du Dieu Singe - Douglas Preston -Editions J’ai Lu - mars 2020, 8,90 €

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