La chair des vivants a-t-elle meilleur goût que celle des morts ?(3)
Nous sommes arrivés à la conclusion, avec le deuxième article de cette série, que les zombies ne se nourrissent pas de la chair des vivants du fait de la valeur nutritive de cette dernière.
Serait-ce alors l’effroi qui nous saisit à leur vue qui les motive dans leurs intentions prédatrices ? Notre peur serait-elle contre-productive en ce sens qu’elle les activerait, qu’elle les mettrait en branle et les jetterait à nos trousses ? La capacité de l’espèce humaine à connaître la peur (capacité dont les zombies semblent bien dépourvus) enclencherait-elle la course-poursuite à nos dépens ? Cette tendance qui caractérise notre espèce (parmi tant d’autres espèces animales, il faut le dire - et à la différence des espèces végétales, qui elles ne sont pas sujettes au règne des émotions), cette propention à être terrifié par le sort qu’on lui réserve serait-elle la cause de notre perte ?
Si tel était le cas, il serait facile pour les zombies de repérer les individus frappés par cette émotion. La peur modifie en effet notre expression faciale de manière frappante : nos yeux s’écarquillent (ils anticipent ainsi ce qui risque d’advenir), nos pupilles se dilatent (afin de laisser entrer davantage de lumière), nos lèvres supérieures s’élèvent... De plus, nous nous mettons à suer en abondance (afin de conserver le corps au frais en cas de fuite), nos muscles se bandent (en préparation du combat à venir), nos battements de coeur s’accélèrent (afin de mieux irriguer nos membres en sang chaud)... Autant d’indications utiles aux prédateurs en tous genres partis en quête de notre chair.
La peur d’être dévoré vivant est très certainement une des plus fondamentales, une des plus ancestrales qui soit. Elle remonte à l’époque où nous étions encore la proie permanente des nombreux prédateurs qui écument la surface de la Terre. L’époque où nous devions lutter en permanence afin de ne pas être transformés en simples victuailles. Depuis, grâce à notre maîtrise toujours plus grande de la technologie, nous nous sommes progressivement affranchis de cet âge crépusculaire. La technologie, la civilisations, nous ont permis de pacifier notre environnement. Du moins, en ce qui concerne les dangers représentés par les animaux - l’être humain conserve en effet une très nette tendance à vouloir le trépas de son prochain, pour une kyrielle de raisons plus futiles les unes que les autres.
Il n’en reste pas moins que les instincts nous ayant permis de réchapper à cette période (parmi lesquels "la peur" a forcément joué un rôle capital dans la préservation de l’espèce) sont toujours enfouis quelque part en nous. Ils reviennent à la surface dès que nous sommes confrontés à un quelconque danger pour notre intégrité physique.
Les zombies sont-ils attirés par l’effroi que nous exsudons, de la même façon que certains animaux ne sont sensés attaquer que dans l’éventualité où ils sentent la crainte s’emparer de la personne qui leur fait face ?
Il doit pourtant bien exister des humains pour lesquels le zombie n’est pas plus terrifiant qu’un simple problème technique à résoudre. Voire un certains nombres pour lesquels c’est tout l’inverse qui se produit : plutôt qu’objet de crainte, le zombie engendre chez eux une stimulation "positive", une décharge d’adrénaline transformant leur traque des morts-vivants en amusement ludique. La peur que l’on éprouve semble en effet varier grandement selon le degré d’importance que l’on confère à sa propre personne. Des individus oublieux d’eux-mêmes sont par conséquent moins susceptibles de connaître cette émotion avec autant d’intensité que le commun des mortels.
Nous ne sommes pas tous égaux devant la peur.
Les zombies, quant à eux, ne semblent pas faire de différence. Nous sommes tous, héroïques ou couards, ragoûtants à leurs yeux. Confrontés aux membres de notre espèce, ils ne font pas de manières. Un bifteck est un bifteck est un bifteck (pour paraphraser Gertrude Stein).
Il semblerait donc que ce ne soit pas en quête de notre peur que ces hordes en décomposition se soient lancées. Et puis, après tout, si tel était le cas, pourquoi ignoreraient-ils la peur issue des espèces animales "inférieures" ? Les chiens, les chevaux, les oiseaux sont tout autant sujets à cette émotion que nous le sommes. Alors : pourquoi nous et pas eux ?
Pour conclure sur ce thème de la peur, citons le Zombie Survival Guide de Max Brooks (oui, le fils de Mel) : " they feel no fear, why should you ?".
La prochaine fois, nous nous pencherons au chevet de "l’âme" de nos semblables, afin de déterminer si la réponse à nos interrogations se trouve du côté de cette hypothétique entité immatérielle...