La chair des vivants a-t-elle meilleur goût que celle des morts ?(2)
Après avoir posé avec le premier article de cette série les grandes lignes de notre réflexion – i.e. pour quelle raison les zombies préfèrent-ils la chair des vivants à celle de leurs congénères morts-vivants ? - penchons-nous maintenant sur la question que nous abordions en conclusion : les zombies se nourrissent-ils de la chair des vivants du fait de sa valeur nutritive ?
Mais diantre, que possèdent donc les vivants dont les morts sont dépourvus ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la réponse n’est probablement pas à chercher du côté de la valeur nutritive de leurs entrailles.
Après tout, les protéines animales contenues dans de la viande (fraîchement) morte ou dans « de la viande vivante » (nous, en somme) sont sensiblement de même valeur. On pourrait à la rigueur objecter qu’en pourrissant, la chair perd de sa comestibilité, de sa richesse en nutriments. Mais les zombies sont légion à n’avoir connu le trépas que de fraîche date. Leurs semblables, placés devant une alternative où ils devraient choisir de se lancer soit sur ces néo-zombies évoqués ci-dessus, soit sur un toujours-vivant, n’hésiteraient jamais : leur préférence irait systématiquement du côté de la variété en bonne santé de l’homo sapiens sapiens.
Les zombies, en effet, ne dévorent pas pour se nourrir, pour assouvir leur faim (qui est insatiable), mais pour ingurgiter, pour avaler.
Dans les films où ils tiennent le haut de l’affiche, nous pouvons toujours visualiser la phase d’ingestion de la nourriture. En revanche, tout le processus qui s’ensuit habituellement chez des êtres humains normalement constitués, est évacué. Les zombies sont-ils sujets aux indigestions ? aux vomissements ? (c’est Emile Cioran qui disait : « on voudrait parfois être cannibale, moins pour le plaisir de dévorer tel ou tel, que pour celui de le vomir »).
Et au fait, qu’en est-il de la défécation ? Les zombies ont-ils des envies pressantes ? Sont-ils constipés ? (bon, je m’arrête là)
Autant de points qui sont passés sous silence.
Si l’on en croit les multiples œuvres qui les dépeignent, ce qui tracasse les morts-vivants est fort simple. Leur seule obsession consiste à mordre à pleines dents dans notre graisse et dans nos muscles. Plutôt que la digestion (i.e. l’ensemble des transformations que subissent les aliments dans le tube digestif avant d’être assimilés), c’est la manducation qui les attire (i.e. l’ensemble des opérations de la nutrition qui précèdent ladite digestion – mastication, insalivation, etc.). Et c’est d’une manducation masticatrice dont il s’agit. Les zombies, en effet, ne gobent pas leur nourriture. Ils la déchiquètent avant de la déglutir.
Après l’avoir avalée, une fois descendue dans le tube digestif par le gosier, elle ne paraît plus comporter le moindre intérêt à leurs yeux.
Ce n’est donc pas la valeur nutritive des aliments que les morts-vivants pourchassent. Les repas qu’ils absorbent ne permettent pas à leurs organismes de se régénérer. Ils ne permettent pas même de freiner le processus de décomposition qui les frappe. Leurs corps se putréfient de manière implacable, jusqu’à tomber en lambeaux. Les zombies ne sont donc pas éternels dans le trépas. Le fait qu’ils aient de surcroît abandonné toute espèce d’hygiène corporelle ne fait rien pour améliorer cette situation, bien au contraire.
Pour le coup, on peut affirmer qu’ils ne mangent pas pour « vivre », mais qu’ils « vivent » (je mets des guillemets, car techniquement, ils sont quand même morts…) pour manger.
Les morts-vivants continueront à errer en quête de nourriture qu’ils festoient ou non. Ce ne sont donc pas des estomacs sur pattes, mais bien plutôt d’affreuses machines à mordre. Des sortes de pièges à loups humains, porteurs d’une contagion qu’ils répandent par la même occasion (bien que ce soit de manière involontaire, un sorte de dommage collatéral).
Si la réponse à notre question fondamentale n’est pas à trouver du côté de la valeur nutritive de notre chair, serait-ce alors de la peur qui nous frappe à leur vue dont ils se repaissent ? C’est ce que nous tenterons d’analyser avec le prochain article de cette série…