LAGUERRE Philippe 01 - LE ROY Philip 08
La question la plus évidente… Ou pas. Pourquoi Marilyn ?
P. Laguerre : Au départ je voulais écrire une histoire sur New York. Ville dont je suis tombé amoureux. J’ai réfléchi, réfléchi et un jour je suis tombé sur un livre de photos d’une blonde à Manhattan. Ce livre captivant, écrit par Adrien Gombeaud, combine des textes et des photos, il raconte une semaine de mars 1955 au cours de laquelle elle tenta de se forger une nouvelle image dans une autre ville que Los Angeles.
Elle a alors 28 ans, vient de divorcer de Joe DiMaggio, est en conflit avec les studios de la Fox, et ne supporte plus son personnage de décérébrée sexy. Elle a quitté Los Angeles l’artificielle pour New York l’intellectuelle, et aussi les cours de théâtre de Lee Strasberg à l’Actor’s Studio. Elle accepte d’être suivie par Ed Feingersh pour montrer Marilyn telle que vous ne l’avez jamais vue, l’actrice comprend le profit qu’elle pourra en tirer dans sa bataille contre la Fox : on la verrait en femme d’affaires qui travaille dur à la tête de sa société de production, aussi bien qu’en personne cultivée qui fréquente les artistes de Manhattan. Elle accepte.Fin mars 1955 donc, Ed Feingersh suit Marilyn dans le métro, au théâtre, dans sa chambre d’hôtel, au kiosque à journaux, au café... Les photos, d’un naturel et d’une grâce sidérants, allant bien au-delà de la seule opération de communication, seront publiées dans le numéro estival de Redbook. Puis oubliées. Jusqu’à ce qu’un collectionneur déniche les négatifs, en 1987.Quand j’ai vu les photos, je suis resté béat : pour moi Marilyn est New York, ce sont deux mythes universels et immortels. Dans n’importe quel coin de la planète, on connait le visage de Marilyn, et on rêve d’aller à New York. Je me suis dit « j’ai trouvé le lieu et le personnage » ; j’avais l’idée générale à savoir Marilyn Monroe est vivante et elle habite New York. Ensuite il a suffi que je rajoute : « et elle connait le secret de Kennedy » pour avoir l’intrigue.Et plus j’ai avancé dans l’écriture, plus j’ai appris à connaître Marilyn.
Philip Le Roy : Parce que Marilyn, c’est le mythe, le mystère, la fantasme, la manipulation, le meurtre, la beauté, la bonté, les arts (le cinéma bien sûr mais aussi la musique, la danse, la poésie, le dessin). Parce que Marilyn est à la fois dans le cœur des cinéphiles et au cœur du pouvoir. Parce qu’elle est l’héroïne d’une Amérique elle aussi mythique, celle des années ‘50 et ‘60, où tout est encore possible. Parce que l’énigme de sa disparition n’a jamais été résolue. Nous avons là tous les ingrédients du thriller ! Un vrai bonheur pour un auteur du genre comme moi, qui en plus est amoureux de Marilyn Monroe depuis quarante ans.
Philip Le Roy, pourquoi avoir choisi la Côté Ouest et le désert comme décor de votre aventure ?
Le désert me paraissait évident pour situer la seconde vie de Marilyn. Un univers de lumière où les feux des projecteurs sont remplacés par ceux du soleil. Où il n’est plus question pour la star d’irradier mais au contraire de fusionner avec les éléments. Le désert est aussi l’endroit où Marilyn pouvait rencontrer les seules personnes qui puissent vraiment lui venir en aide.
Philippe Laguerre, pourquoi avoir choisi New York et un décor urbain pour votre aventure ?
Fin novembre 2010, mon fils me dit : « tu fais quoi pour le réveillon », je lui dis « rien », il me répond « pourquoi on le ferait pas à New York ». Je lui dis « pourquoi pas ». J’avoue que New York ne m’avait jamais tenté, j’étais plus un amateur des vieilles villes comme Athènes, Vienne, Madrid, Rome, Prague. Mais bon, un réveillon à New York. Après un long trajet, nous sommes arrivés le lendemain d’une tempête de neige, beaucoup de monde, peu de taxi, on prend le métro, pas terrible. Et puis on sort à l’angle de la 470e et de la 8e avenue face à l’immeuble du New York Times : je suis resté béat devant cet immeuble. On a posé rapidement les valises et direction Times Square. Du bruit, du monde, de la lumière, des pubs, des voitures, des magasins, tout ce qui ne m’attirait pas et je suis tombé amoureux de cette ville. Ensuite ce fut un tourbillon d’images, de sons, j’étais sous le charme. En plus j’avais l’impression d’être déjà venu dans cette ville (films, romans, séries télé). Et depuis je suis toujours amoureux de cette ville, j’y suis revenu et j’ai toujours eu ce coup de foudre. Et il a fallu que j’écrive sur New York. Le premier texte a été Manhattan Ghost pour accompagner les photos de mon fils, une nouvelle avec des fantômes et puis cela a été Manhattan Marilyn. New York est devenu une obsession, là j’essaye d’écrire un roman ailleurs, mais je sais que je reviendrai à New York, dans un roman et dans ma vie.
Pourquoi, Marilyn a-t-elle survécu, dans un roman comme dans l’autre ?
P. Laguerre : Quand j’ai fait des recherches sur la « mort » de Marilyn, j’ai lu les nombreuses hypothèses, mais aucune ne parlait de sa « survie », aucun auteur ne mettait en doute sa mort. Il y a toutes les théories sur sa mort, mais personne n’a pensé qu’elle pouvait être vivante et en étudiant les derniers mois, je me suis pris au jeu et j’ai imaginé qu’elle aurait mis en scène sa mort pour vivre enfin. Elle n’attendait plus rien du cinéma, elle savait qu’elle ne serait pas l’épouse de Kennedy, alors j’ai imaginé cette sortie, après que Kennedy lui ait confié sur l’oreiller un secret. J’ai repris les théories du complot. Et puis je ne peux pas croire à la mort de Marilyn en 1962... D’ailleurs je n’y crois pas.
P. Le Roy : Non mais c’est qu’il nous spolierait nos romans, lui ! Plus sérieusement, cette hypothèse est le résultat des investigations que j’ai menées pendant des années avant de me décider à écrire Marilyn X. Il s’agit de la seule hypothèse qui n’ait jamais été étudiée. Pourtant de nombreux témoignages et de nombreux indices étayent la théorie que Marilyn aurait pu survivre à la fameuse nuit du 5 août 1962.
Pourquoi, l’un comme l’autre, avez-vous voulu « réhabiliter » Marilyn, pour en bâtir une version moins « actrice écervelée/icone » ?
P. Laguerre : Parce ce que c’est la réalité. Tout simplement. On connait tous le visage de Marilyn par Andy Warhol, les photos avec la jupe qui se soulève. Marilyn est un mythe universel, on se souvient d’elle alors qu’elle n’a tourné que peu de films, et encore je ne sais pas si on se souvient de tous ses films et pourtant... Et quand on regarde sa vie, c’est une vie passionnante, noire, dure, triste, elle n’était pas une « blonde » au contraire... Pour un auteur, Marilyn est un personnage idéal, elle a tout pour elle. Hollywood, la mafia, les Kennedy, le pouvoir sur les hommes. C’est amusant mais dans les deux livres le point commun est la chanson d’anniversaire à John Kennedy, j’ai regardé un nombre incalculable de fois la vidéo, et encore one ne voit pas grand-chose, mais la chanson, toute simple, prend un relief particulier avec elle. Quand on lit ses textes, on se rend compte que derrière cette blonde se cachait une Femme. Même en regardant certaines photos, on ne voit pas l’actrice qui joue, mais une femme qui vit.
P. Le Roy : Rétablir une vérité qui n’est pas celle que l’on croit, n’est-ce pas le propre du thriller ? Quand en plus cette vérité touche à mon icône, ce désir de transparence s’accompagne d’une inévitable envie de réhabilitation doublée d’une forte émotion. C’est la première fois que la lecture de mon propre manuscrit m’arrache des larmes ! Parce qu’on touche au vrai et à l’humain dans ce qu’il a de plus noble. Pour argumenter, je n’ai pas hésité à passer Marilyn au crible des huit formes d’intelligence selon Howard Gardner. Le résultat est sans appel.
Philippe Laguerre, qu’est-ce que vous a plus dans le roman de Philippe Le Roy ?
Sa vision de Marilyn, vu par quelqu’un d’autre, par une autre personne et aussi sa vision sur Marilyn. Une histoire qui tuent la « route », un scénario en béton, on est pris dans ce journal et on râle qu’une partie soit brûlée. Et la vision de Marilyn par des Français. Mais surtout ce cahier, l’idée est géniale pour découvrir Marilyn. Et le fait que Marilyn a disparu dans le désert. C’est amusant parce que moi je l’ai fait disparaitre dans une grande ville, je la voyais plus à New York que dans le désert et après avoir lu le livre de Philip, je me suis rendu compte qu’il avait peut-être raison. Et tout dans son histoire est logique. Et puis il y a Marilyn... De toute façon je suis fan depuis Pour adulte seulement et j’ai adoré entre autres La porte du messie et je ne dis pas cela parce qu’il est là, mais parce que c’est vrai. Et pourtant c’est un Toulousain et moi un Ariégeois.
Philip Le Roy, qu’avez-vous appris à propos de Marilyn, dans le roman de Philippe Laguerre ?
J’ai eu le même plaisir à lire Manhattan Marilyn que celui que j’ai éprouvé à lire l’immense René Barjavel, comme Le grand secret. J’adore les romans uchroniques qui intègrent des évènements et des personnages historiques réels dans une histoire imaginaire. C’est là où l’on voit le vrai pouvoir de l’écrivain. Ce qui est intéressant avec nos deux romans, c’est qu’ils sont complémentaires sans qu’on se soit concertés. Tandis que j’ai mis mon imaginaire au service de la vérité sur Marilyn, à la fois en me glissant dans sa peau et en utilisant le plus de personnages réels et d’événements avérés, Philippe Laguerre, lui, s’est servi de Marilyn pour emmener son imaginaire très loin. Son intrigue contient de superbes idées narratives. Une bonne histoire est ce qui importe le plus dans un roman. Et celle de Philippe est excellente.
Philippe Laguerre, qu’avez-vous appris, à propos de Marilyn, dans le roman de Philippe Le Roy ?
Le passage a XXX, un passage très dur que je ne dévoilerais pas mais qui m’a laissé cloué sur le fauteuil. Et aussi sa vision de la disparition de Marilyn, son scénario, idem, sa playlist, aussi, j’aurais dû en mettre une... Mais ce qui est fort dans Marilyn X c’est que ce n’est pas une biographie de Marilyn, ni une biographie romancé, c’est une vision inhabituelle de Marilyn inhabituelle, on voit une Marilyn que l’on ne connait pas. On est surpris à chaque passage du journal et on découvre petit à petit la vraie Marilyn, cela donne une force au roman. Le lecteur est à la place du personnage, le lecteur lit les cahiers et veut savoir la suite. Philip prend le lecteur par... et ne le lâche plus, on ne peut pas abandonner le livre pour aller manger et encore moins dormir.Ah si j’ai appris aussi l’exposition de photos en France, je l’avais zappé...
Philip Le Roy, qu’auriez-vous modifié dans le roman de Philippe Laguerre ? (soyez honnête, nous sommes entre amis, toute langue de bois sera sévèrement punie !)
Sous la menace, donc, j’avoue que j’aurais modifié la couverture du livre qui me touche peu et ne m’évoque rien. Dans le roman, j’aurais décrit une Marilyn moins effacée. Mais du coup, elle aurait risqué de s’emparer du premier rôle comme elle savait si bien le faire et aurait éclipsé la véritable héroïne de Manhattan Marilyn. Ici, priorité à l’intrigue. Et comme on le sait, l’intrigue c’est sacré !
Philippe Laguerre, qu’auriez-vous modifié dans le roman de Philip Le Roy (soyez honnête, nous sommes entre amis, toute langue de bois sera sévèrement punie !) ?
Là, tu es dur. La tranche du livre peut-être, je ne suis pas fan du jaune Et en cherchant bien, peut-être plus de dialogues, de détails avec les autochtones (surtout les Indiens, j’ai bien aimé le changement de la roue), mais franchement c’est peanuts....
L’un comme l’autre, quelle est l’idée que l’autre a exploitée dans son roman que vous auriez aimé avoir imaginée ?
P. Laguerre : Plusieurs. Le cahier de souvenirs. Moi j’ai fait parler Marilyn, je l’ai présentée, j’avoue que la scène sur le pont de Brooklyn entre Marilyn et l’héroïne, je l’ai visualisée quand j’étais sur ce pont, j’avais le film devant moi. Je voulais montrer Marilyn aujourd’hui et je me rends compte que le cahier possède plus de force, car on ne voit pas Marilyn mais elle est en nous. Et bien entendu qui a écrit les cahiers. Mais l’idée que j’aurais aimé imaginer et qui ne m’est même pas venue, je ne peux pas la dire, lisez le Marilyn X jusqu’à la fin et vous comprendrez...
P. Le Roy : La photo de Marilyn dans le métro avec le type derrière qui lit Life magazine. Je n’en dis pas plus pour ne rien dévoiler sur cette idée géniale. J’aime aussi le secret qui lie Marilyn à Kennedy et qui renvoie à une théorie du complot que j’affectionne particulièrement.
A quand un prochain roman en commun avec Marilyn comme grande héroïne ?
P. Laguerre : Chiche... Mais bon je pense que le planning de Philip doit être overbooké jusqu’en 2018. Mais j’attendrais.
P. Le Roy : Marilyn est un sujet inépuisable. Comme je le disais dans ma première réponse, elle a tout d’une héroïne de thriller. Et en plus elle est réelle. Compte tenu des zones d’ombres qui entourent sa vie et sa mort, les écrivains peuvent prolonger l’histoire par leur imagination. Comme Philippe et moi l’avons montré avec nos deux romans, Marilyn Monroe est un genre littéraire à elle toute seule. On pourrait appeler ce genre le « Sugar Thriller ». Un oxymore qui fait référence au nom du personnage de Marilyn dans Some like it hot mais aussi à tout le bien que cette femme extraordinaire irradiait sur un monde dominé par le mal. Il n’y aura peut-être pas un prochain roman en commun car je suis incapable d’en écrire un à quatre mains, mais nous pourrions diriger à nous deux une collection « Sugar Thriller » !
Critique de Manhattan Marilyn
Critique de Marilyn X
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