Giebel Karine 01

Auteur / Scénariste: 

©Photo FB de Karine Giebel

 

Au sujet de Ce que tu as fait de moi 

 

Comment s’approprie-t-on un thème comme la passion pour en faire un roman aussi fort ?

C’est un thème que j’avais envie d’aborder depuis longtemps, j’ai y donc songé pendant plusieurs années avant de me lancer. Mon point de départ pour cette réflexion : même si aujourd’hui le mot a tendance à être employé différemment, d’un point de vue éthymologique, passion signifie souffrance. La passion, c’est autre chose que l’amour… C’est un égarement, une aliénation. On parle de crime passionnel, pas de crime amoureux. Je voulais donc décrire une passion, une vraie, qui, tel un incendie, brûlait tout sur son passage…

Ensuite, et comme souvent, j’ai fait confiance à mon instinct et à mon envie de « disséquer » l’âme humaine.

 

Comment se déroule le processus d’écriture pour en arriver à un déroulement aussi bouleversant ?

Je n’ai pas fait de plan, je n’en fais jamais. La seule chose dont j’étais certaine en démarrant l’écriture, c’était que je voulais une narration bien particulière : une double confession, un double interrogatoire. Ensuite, j’ai décidé que mon histoire se déroulerait dans le milieu de la police car il m’a semblé que cela apporterait un plus à mon roman. Puis je me suis lancée à l’aventure, j’ai créé mes personnages, je me les suis « appropriés » au fil des pages. Je crois que l’important, dans ce genre de roman, c’est d’être au plus près de ses héros, d’aller au plus profond de leurs sentiments et de leur psychologie. Bref, d’avoir le plus d’empathie possible pour eux.

Pour que le lecteur puisse ressentir des émotions, il faut d’abord que l’auteur les vive pendant l’écriture… Et ce fut le cas !

 

As-tu fait des recherches pour écrire ce livre ?

Mes seules recherches ont concerné la police, le quotidien d’une brigade des stupéfiants. J’ai eu la chance d’être conseillée par Eric Arella, Directeur interrégional de la Police judiciaire de Marseille et ses conseils ont été particulièrement précieux.

 

Comme dans Meurtres pour rédemption ou Toutes blessent, la dernière tue tu vas très loin vers le côté obscur de l’être humain. Comment fait-on pour aller aussi profond dans l’âme humaine ?

L’âme humaine, c’est la matière première la plus importante dans tous mes romans. C’est pour l’explorer que j’écris. Difficile de t’expliquer « comment je fais » car comme je l’ai écrit plus haut, je fais confiance à mon instinct. Je pense que j’ai beaucoup d’empathie pour les autres, que je préfère nettement écouter que parler, que j’essaie toujours de percevoir ce qu’il y a au fond de l’autre. Et cela me sert dans mon écriture. J’essaie également de me glisser dans la peau de mes personnages, comme le feraient une comédienne ou un comédien. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est passionnant !

 

On dit toujours que la réalité dépasse la fiction. Tu as entendu des histoires encore pires que ce que tu nous décris ?

On a tous entendu un jour ou l’autre une histoire de passion ou de crime passionnel… Et oui, je pense que la réalité dépasse bien souvent la fiction ! Mais je ne me suis inspirée d’aucune histoire vraie.

 

Tu nous présentes des personnages forts, courageux, sombres, mais aussi très « humains » au fond. Comment prépares-tu tes « héros » de papier ? Fiche précise ou aucune idée de la manière dont tout cela va se développer ?

Je ne les prépare pas. Quand je les « fabrique », ils sont flous, ils ne sont que des esquisses. Et, au fil des pages, ils prennent de l’épaisseur, de la profondeur. C’est comme s’ils devenaient vivants !

 

Ton personnage féminin, une fois encore, est le personnage central de ton histoire. La femme est-elle plus forte que l’homme ?

Pour ma part, je trouve que dans ce roman, les deux personnages sont aussi importants l’un que l’autre. Ils se partagent l’histoire et Richard a autant de place que Laëtitia. C’est vraiment un « duo », deux voix qui s’expriment, qui se mêlent ou se heurtent. Mais chaque lecteur va – sans doute – ressentir plus d’empathie pour l’un ou l’autre des deux personnages principaux.

Ta question est délicate, difficile d’y répondre… Je ne sais pas si les femmes sont plus fortes que les hommes, je pense que cela dépend de ce qu’on entend par « force » …  Toutefois, j’ai tendance à croire que les femmes font preuve de plus de courage que les hommes dans nombre de situations.  

 

Ce roman nous parle aussi de la place de la femme dans notre société. Quelle est ta position à ce sujet ?

J’ai écrit beaucoup de lignes sur ce sujet. Beaucoup de nouvelles et certains romans. Les violences faites aux femmes, les difficultés rencontrées par les femmes, leurs combats… Je crois qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à la fameuse égalité dont on nous parle si souvent. Un chemin long et difficile dont j’ignore où il nous mènera. Dans notre société occidentale, il existe encore beaucoup d’inégalités mais ce n’est « « rien » comparé à ce qui se passe dans de nombreuses parties du globe où la situation est dramatique pour les femmes…

 

Tu as écris deux romans puissants d’affilée. Tu me disais qu’il te fallait à chaque fois une période de repos entre deux « gros » livres. Or il y a eu Toutes blessent, le dernière tue l’an dernier qui est un chef-d’œuvre et puis tu nous sors celui-ci. Tu as changé ta manière d’écrire ? Tu n’as plus besoin de souffler ?

Non, je n’ai rien changé du tout ! Mais Ce que tu as fait de moi grandissait dans mon esprit depuis fort longtemps, cette histoire germait en moi et ne demandait qu’à être couchée sur le papier. Ça fait une bonne dizaine d’années que j’écris ce roman dans ma tête, en fait.

 

Tes projets au ciné ?

Difficile d’évoquer les projets d’adaptation lorsqu’ils ne sont pas encore très avancés car tout peut arriver et bon nombre de projets audiovisuels ne vont malheureusement pas au bout. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y a 3 projets en cours (pour la télé ou le cinéma) et je croise les doigts pour qu’ils avancent et donnent vie à de beaux films ou de belles séries !

 

Tes projets tout court ?

Je suis en train d’écrire une nouvelle en collaboration avec Barbara Abel pour un recueil qui paraîtra en 2020 chez Belfond. Et je réfléchis au thème de mon prochain roman…

 

Ceci sort un peu du cadre du roman et de la littérature, mais que penses-tu du réchauffement climatique ? Te sens-tu concernée ?

Je me sens plus que concernée. J’ai toujours eu la « fibre écologique », je me suis intéressée à ces sujets dès mon enfance alors qu’on en parlait encore très peu. Et je ne suis pas spécialement optimiste sur ce sujet… Notre maison brûle et on ne fait pas grand-chose pour l’empêcher de partir en fumée.

 

Questions « Passion »

Passion aux choses sérieuses (désolé…), mais l’écriture c’est une passion ? Une nécessité ? Un métier ? Un boulet ?

Au sens “moderne” du terme, oui, l’écriture est une passion. On ne peut pas vivre sans respirer. Je ne peux pas vivre sans écrire. Mais si l’écriture m’apporte beaucoup, elle est aussi parfois source de souffrance.

 

Peut-on vivre uniquement de passion ?

Je ne crois pas…

 

Dans notre monde moderne, la passion, c’est pas un peu désuet ?

Tant que les hommes existeront, la passion existera.

 

Pour quelle folle passion as-tu le plus d’indulgence ?

La passion amoureuse.

 

La passion « destructrice » n’est-elle pas un mythe tricoté par de vrais malades de violence ?

Vous avez 4 heures pour y répondre !!

 

Ta citation préférée sur la passion?

J’aime bien celle-ci : « Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu » (Chamfort)

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