Anamnèse de Lady Stare

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S’il était encore nécessaire de prouver de manière irréfutable que la science-fiction n’est pas une littérature « de genre » ou un « genre littéraire », mais un MODE d’écriture littéraire (élargissement des règles et introduction de règles supplémentaires), ce roman, après Cleer dont la qualification de « fantasy corporate » n’était pas davantage un classement dans une forme existante, en serait une preuve que ne peuvent ignorer que les illettrés, au nombre desquels tous les académiciens et critiques établis qui nient la science-fiction. Et il est tout à fait inutile de faire appel à un prétendu « transgenre » pour lui reconnaître les qualités littéraires incontestables de cette œuvre, c’est de la pure science-fiction, puisqu’il s’agit d’une anticipation, d’un récit post-apocalyptique, avec en plus des extraterrestres qui vivent parmi nous, les Elohim.

Donc, dans ce monde futur où existent ces Elohim, surhumains, la catastrophe révélatrice (l’Apocalypse, ici rebaptisée à l’aide du terme japonais équivalent de Satori, éveil spirituel) a eu lieu : un attentat commis à l’aide d’une « bombe iconique » à Islamabad a déclenché une pandémie qui a atteint, bien au-delà des ethnies visées, la totalité de l’humanité, a fait disparaître les trois quarts de la population par destruction complète de leurs capacités mentales et perdure à cause de « porteurs lents » qui ont la maladie et peuvent la transmettre par simple contact visuel, mais survivent néanmoins.

Alors les survivants non infectés essayent de reconstruire un monde nouveau. Un monde doté de technologies encore plus développées, de la possibilité de départ vers d’autres mondes, mais toujours soumis à la menace des « porteurs sains », qui vivent en sauvages à l’extérieur des cités protégées par gardes et technologies et aussi à la menace d’une répétition de la catastrophe. Aussi, soupçonnant que le procès des responsables de l’attentat n’a pas permis de refermer la boîte de Pandore qu’ils avaient ouverte, et que certains ont pu s’échapper, un petit groupe de traqueurs qui s’intitulent Vergiss mein nicht ou Mémoire, revisite les rapports, revoit les témoins, à la recherche d’une « muse » du groupe de savants et de militaires qui ont préparé l’attentat. Probablement une « Elohim » qui est apparu sous différents noms, tous plus significatifs, Kirsten Lie l’artiste, Nomen Rosae l’avatar informatique, Hypasie la servante...

Cette quête nous est contée à travers les témoignages, parfois mensongers, parfois évolutifs au fur et à mesure des questions posées par les chercheurs, des différents acteurs. Et comme les récits se répartissent entre la préparation du Satori et les différentes rencontres avec l’Elohim recherchée, sur une période qui va jusqu’à cette traque 53 ans après le Satori, comme les différents récits sont écrits de manière différente suivant la personnalité du narrateur, et comme les sous-entendus, ou le choix des termes, jouent un rôle important dans le roman, nous avons un roman difficile et exigeant. Et qui constitue un nouveau sommet de la littérature (en mode SF)...

Mais nous étions prévenus dès le titre : qu’est-ce donc que cette anamnèse ou absence d’amnésie (le dictionnaire veut rendre le terme équivalent à mémoire, mais la double négation demanderait plutôt à traduire « absence de refus de la mémoire ») ? Et ce refus de l’oubli est bien indispensable, sous peine que celle qui a ouvert la boîte de Pandore ne recommence...

Anamnèse de Lady Stare, par L. L. Kloetzer, Denoël Lunes d’encre, 2013, 455p., illustration Stéphane Perger, 21,5€, ISBN 978-2-207-11571-8

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Commentaires

Je suis en train de lire le livre et pour le moment je partage tout à fait votre avis.

Mais cependant, attention au contre-sens probable : le préfixe ana- vient du grec ancien ἀνά, ana (« à nouveau, encore », « en haut de, sur », « à travers »). Ce n’est donc a priori pas un an- privatif. Bref, ça change peut-être votre vision du titre !

Par ailleurs, anamnèse a une signification précise, en médecine et en psychologie entre autres. Cela désigne l’historique du patient et de sa maladie.