Algernon, Charlie et moi

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Plus que la « trajectoire d’un écrivain », ce livre est l’histoire d’une hantise. Comment le désir de Daniel Keyes de devenir un écrivain s’est mué en une obsession autour de son premier texte important, cette nouvelle merveilleuse devenue ensuite roman, film, etc. Au point de faire apparaître l’auteur comme un monomaniaque, puisque ses souvenirs semblent tourner exclusivement autour de la création, des réécritures (passage au roman, film) et du succès de cette nouvelle qui a rendu Daniel Keyes célèbre : Des Fleurs pour Algernon. D’enlever en apparence toute empathie à son récit quand il raconte ses expériences d’études médicales et de soins sur un navire et la mort d’un marin : ce qui compte pour le récit, c’est que cette mort n’ait pas eu de suites judiciaires pour lui.

Ses souvenirs de carrière d’enseignant tournent, également, autour de Charlie. Je veux croire que c’est la rédaction de ce texte qui a réduit, de manière si sensible, les qualités humaines dont je ne peux croire qu’il soit dépourvu, qui le fait apparaître comme un égocentrique obsédé par son succès et une part somme toute limitée de son oeuvre. Rien qu’en français, on trouve d’autres livres qui prouvent que Daniel Keyes n’est pas resté l’homme d’un seul livre. Sa carrière d’auteur de science-fiction est, ici, résumée comme si elle avait eu comme seul effet la création de ce « magnum opus » qu’est le doublet nouvelle-roman Des feurs pour Algernon. Colossus, sans être une oeuvre majeure, prouve le contraire. Les multiples vies de Billy Mulligan, oeuvre qui peut être classée comme limite entre le mainstream et la SF, prouve qu’il a su sortir du monde limité dans lequel il semble, dans cet essai biographique, enfermé.

Parce qu’il contient malgré tout un certain nombre d’informations intéressantes sur la genèse, puis l’évolution de « Charlie », cet essai est, à mon avis, une lecture incontournable. Avec la relecture de la nouvelle qui clôt le volume. Mais il ne faut pas limiter l’auteur à l’image qu’il y donne de lui-même : Daniel Keyes ne s’est certainement pas laissé entièrement bouffer par son oeuvre « unique » comme ce livre peut en donner l’impression.

Algernon, Charlie et moi par Daniel Keyes, traduit par Henry-Luc Planchat, J’ai lu Nouveaux millénaires, 16€, ISBN 9782290032442

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