KAAN Jess 01
Dis-nous quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?
Je suis Jess Kaan, un jeune auteur qui écrit dans les genres due fantastique, de la fantasy et de la SF ; néanmoins je suis plutôt branché « fantastique ».
A quel âge as-tu commencé à écrire ?
J’ai véritablement commencé à écrire vers 1998, ça fait 11 ans à peu près. J’ai commencé avant mais c’était moins régulier, moins sérieux.
J’avais envie de partager mon univers, mes histoires avec d’autres personnes. J’ai commencé en 1998 parce que j’ai eu un PC, tout simplement. Ecrire à la main dans des cahiers, c’est bien gentil mais, à la longue, c’est fatigant et ça fait mal au poignet ; j’en usais beaucoup pour peu de résultats. J’ai publié en 1999 dans le fanzine « Miniature » de Chris Bernard ; c’est là que j’ai réellement commencé et que j’ai eu envie de continuer. J’avais d’abord envoyé des nouvelles à différents supports, mais je me suis fait jeter parce que je ne connaissais pas la ligne éditoriale parce que j’habitais « en province » et je n’avais ainsi pas les informations dont d’autres disposaient. Après avoir obtenu la liste des fanzines par Raymond Milési, j’ai soumis la Grotte à « Miniature ». Ensuite, il y a eu Nestiveqnen qui a lancé « Jour de l’an 1000, 2000 et 3000 ».
Te souviens-tu encore de tes premiers textes ? Que sont-ils devenus ?
Les tout premiers textes, je les ai encore ; je suis d’ailleurs tombé dessus dernièrement. J’ai hésité entre l’autodafé et les cacher et j’ai finalement décidé de les cacher. Je pense que certains vont être retravaillés parce que les thèmes m’intéressent toujours mais au niveau stylistique, c’est à revoir.
Comment écris-tu ? Est-ce une profession pour toi ? Quelles sont tes autres passions ?
Ce n’est pas du tout une profession pour moi. J’ai un travail à côté, c’est plutôt une passion.
Je me rends compte que je n’ai pas un rythme assez régulier pour passer en professionnel.
Il faudrait que je publie davantage, que j’écrive beaucoup plus vite et que j’arrive à rester fixé dans mes projets ; ce qui n’est, malheureusement, pas toujours le cas parce que j’ai tendance à papillonner.
Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon toi, le rôle de l’auteur dans notre société ?
Parce que je n’ai pas l’oreille musicale, je dessine très mal et je ne suis pas sportif pour un sou. C’est aussi une façon de partager ses mots, ses histoires et les faire sortir. C’est tout un travail et quelque chose qui m’intéressait beaucoup en tout cas.
On peut dire que tu es un auteur de nouvelles, bien que tu aies publié un roman « Réfractaires » en 2007. Pourquoi autant de nouvelles ?
Les histoires courtes sont, selon moi, plus faciles à travailler ; elles sont liées à des thèmes donnés, ça relance les idées. J’ai donc plus de facilités à travailler, à remanier la nouvelle que le roman. La nouvelle, c’est vraiment le genre que j’aime. En plus, une nouvelle, ça se relit alors que le roman, c’est plus rare.
Tu voyages entre SF, Fantasy et Fantastique. Une préférence pour l’un de ces genres ?
Oui, le fantastique parce que c’est le détraquage de la réalité ; la réalité qui se dérobe d’un seul coup, les repères qui s’effondrent et montrent la personne dans ce qu’elle est véritablement. La fantasy et la SF n’ont pas cette notion de décalage qui existe dans le fantastique. Et, je ne suis pas un scientifique, à la base. J’aime assez lire la science-fiction mais c’est quand même vers le fantastique que je reviens ; l’irrationnel, c’est quelque chose qui me suit.
L’écologie notamment semble être un thème récurrent chez toi. Que penses-tu de l’avenir de notre bonne vieille terre ?
Mal engagé. On se demande comment l’être humain a su rester sur terre aussi longtemps, en faisant preuve d’autant d’incurie. Quand on va se promener par chez-moi, je vois les cannettes de bières, les déchets qui traînent par terre, autant de reflets du je-m’en-foutisme populaire. Et, à côté, on a les contingences économiques qui viennent prendre le dessus. Touchez pas à telle usine, c’est autant d’emplois… Tant pis pour les maladies qu’elles peuvent causer et les générations sacrifiées plus tard, on ne peut pas faire autrement. Lorsqu’on voit que la fonte des glaces suscite de l’enthousiasme dans les milieux économiques (ouverture de routes commerciales, exploitation de gisements énergétiques… ), on s’inquiète. Maintenant que j’ai un petit garçon, je vois bien que son avenir est plutôt sombre et que tôt ou tard, toutes ces dérives engendreront des conflits ; je ne suis pas très optimiste.
Je pense que tôt ou tard, la Terre va réagir ; on en voit déjà les premiers symptômes ; on a des maladies qui n’existaient pas avant, l’eau est de plus en plus mise en danger, les maladies sont de plus en plus liées à l’environnement, même si on nous dit que ce n’est pas vrai, qu’il faut x études pour corroborer l’évidence.
Est-ce que l’humain va réagir à temps ? je ne sais pas.
Solitude et folie apparaissent aussi régulièrement chez toi. Te considères-tu comme fou ? Quelle est ta dernière folie en date ?
Fou, je ne sais pas. C’est toujours une question de point de vue, à mon avis, on est toujours le fou d’un autre comme on peut être le con des autres. Je suis incapable de vous dire ma dernière folie en date.
Peux-tu nous parler du cycle de « Sukkalin », ton mini-cycle de nouvelles ?
A l’origine, je voulais exprimer une ambiance fin de siècle par des nouvelles mêlant sf et fantasy. Dans ces textes les humains se retrouvent confrontés à des « aspirants-dieux », qui étaient représentés par des sortes d’anges. Ceux-ci attaquent tandis que la terre se cherche. Une résistance est possible, mais ceux qui l’incarnent sont persécutés par les autorités car ils représentent la vision d’un nouveau monde qui balaie les valeurs du précédent. Sur les 7 nouvelles prévues, il n’y en a que trois d’écrites ; les autres sont en stand by parce que j’ai envie de passer à autre chose et que, pour l’instant, je n’ai pas d’autres idées pour les développer ; je pense que ça viendra un peu plus tard.
Et un petit mot sur Eidonius, le détective privé. Pas envie un jour d’en faire un roman ?
Il y a un roman qui sort l’année prochaine aux éditions Mille saisons.
Eidonius, c’est un peu mon alter ego parce qu’il est marrant, il se dope aux moules hallucinogènes, il est fainéant, il court devant ceux qui le poursuivent. C’est vraiment l’archétype du privé, comme dans les polars des années 50-60 mais dans un monde de fantasy, ce qui permet de faire passer certains petits messages, certaines piques contre notre société de consommation. L’année prochaine, on sortira un roman qui sera la suite des aventures de ce brave Eid. Je l’avais laissé sur Terre avec des hommes préhistoriques et le roman repart de ce point donné.
Penses-tu que le fantastique et l’horreur doivent passer par l’hémoglobine ?
Non, pas du tout. Je pense que le psychologique suffit. Pour moi, le gore, voir des boyaux et des tripes ne présente qu’un intérêt limité ou alors on s’adresse à un public assez limité. Une bonne oeuvre de fantastique ou d’horreur, que ce soit un film ou un roman, ça passe surtout par un sujet qui provoque le mal être. Mais montrer n’est pas l’essence de ces genres.
Ton roman « Réfractaires » nous conte l’invasion de la Terre par des extraterrestres. Pas vraiment original ! Pourquoi ce thème ?
L’invasion par les extraterrestres, c’est quelque chose qui permet de développer la réflexion sur l’art, la résistance, sur l’homme. Pour démontrer l’effondrement des valeurs humaines, une invasion me paraissait le plus approprié parce que c’est quelque chose de rapide et de perturbant. L’invasion de son espace par l’Autre. C’est surtout le contexte développé après qui m’intéresse et non l’invasion elle-même puisqu’elle a lieu en moins de 2 minutes et ne prend même pas une page dans le roman.
Comment pourrait-on qualifier les textes de Jess Kaan ?
J’espère qu’on peut dire « éclectique ». J’essaie de varier les genres, les ambiances ainsi que les personnages ; que ça aille de l’ouvrier à l’avocat, en passant par le journaliste, même si c’est une catégorie qui a souvent été utilisée. J’essaie de diversifier toutes ces histoires, en me rattachant cependant à l’actualité, à l’histoire. Il me faut un background.
Si je te dis :
Graham Masterton : Un maître mais pas dans toutes ses œuvres. « Magie Maya », par exemple, c’est largement en-dessous de sa production. A côté de cela, « Manitou », c’est vraiment le summum, tout comme « Le portrait du mal ». On est capable de rentrer rapidement dans cette histoire ; ce n’est pas non plus un style transcendant mais c’est de la très bonne littérature de gare. Avec Masterton, on sait le genre de livre que l’on va avoir et ce que l’on va trouver dedans ; Quelquefois, il y a des scènes de gore ou de sexe inutile mais c’est, avant tout, un grand auteur d’horreur.
Mélanie Fazi : Bonne styliste. Du fantastique plus… intimiste.
Philippe Ward : Mon grand gourou à moi. Très bon auteur du fantastique régional qui m’a donné de très bons conseils au début, à savoir faire ce que l’on connaît et non partir sur des choses que l’on ne connaît pas, sans avoir fait de recherches. Il m’a donné quelques trucs sur l’écriture. C’est vraiment quelqu’un que j’apprécie énormément. Avec « Rivière blanche », il a vraiment fait un très bon travail vis-à-vis des auteurs et vis-à-vis de cette littérature qu’il ne renie pas, lui. C’est un grand bonhomme.
Michel Pagel : j’en ai peu lu, donc je ne peux pas me prononcer.
Dean Koontz : Pareil que pour Graham Masterton ; tout dépend des livres, il y en a de très bons comme « La maison interdite » mais, à mon avis, c’est la traduction de Jean-Daniel Brèque qui fait beaucoup. A côté, il y a des livres qui sont beaucoup plus ‘alimentaires’.
Quels sont tes auteurs d’Imaginaire préférés ?
Koontz, Masterton, James Herbert, Lovecraft, Poe évidemment.
Maupassant et son « Horla ».
Quel est ton auteur de littérature générale préféré ?
Cesbron et… Daudet. Bizarrement. « Les lettres de mon moulin », c’est quelque chose que je relis périodiquement parce que c’est vraiment très bien écrit, que je rentre dedans avec plaisir. J’aime aussi Balzac. Beaucoup de livres m’ont marqué mais c’est difficile de citer un auteur. Ils sont humains et donc faillibles, je ne me focalise pas sur un auteur en me disant « quel génie », j’ai encore du sens critique.
Quel est ton roman d’Imaginaire préféré ?
« Dis moi qui tu hantes » de James Herbert parce que la révélation finale était vraiment très bien amenée.
Quel est ton roman hors Imaginaire préféré ?
Il y en a plusieurs, « Le parfum » de Suskind, « Le Père Goriot », j’ai beaucoup aimé l’ambiance. Par contre, Zola, bizarrement, ça ne passe pas. Balzac, c’est quelqu’un que j’apprécie et j’aime beaucoup quand il vient nous faire partager son époque.
Quel est ton film d’Imaginaire préféré ?
« Christine » ; « l’Antre de la folie » de John Carpenter.
Quel est ton film hors Imaginaire préféré ?
« Ludwig von B. » était vraiment un très bon film, c’était vraiment bien fait. J’aime bien également « Les incorruptibles », avec Kevin Costner, surtout la scène du berceau qui est vraiment un chef d’œuvre. C’est très manichéen mais on est rentre bien dedans, il y a une bonne adrénaline. Ce n’est pas un grand film mais c’est un film qui plaît.
Quel livre d’un autre auteur aurais-tu désiré avoir écrit, soit parce que tu es jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?
Je ne pourrais pas te répondre.
Quel est l’élément déclencheur qui fait naître tel ou tel roman, telle ou telle thématique... Ainsi Jonathan Littell a eu l’idée des Bienveillantes en voyant la photo d’une jeune russe martyrisée pendant la dernière guerre. As-tu des éléments déclencheurs, des faits, des objets... Une oeuvre d’art.... ?
Ca peut être n’importe quoi ; ça peut être un intitulé dans le journal, un fait divers, quelque chose que je vois, une musique, un paysage. A partir de là, une idée se développe. Par exemple, concernant le texte paru dans « Identités », c’est venu d’un souvenir, une fourmilière dans laquelle j’avais mis mon pied à l’âge de 6 ans et ça m’avait vraiment fait mal, je revois encore ma mère venir avec le tube de Tupic pour tuer ces pauvres fourmis qui n’avaient rien fait que défendre leur territoire.
Quels sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?
J’ai lu un très bon livre mais ce n’est pas du tout du fantastique. Ca s’appelle « La Guerre cachée » de Lawrence Wright. Celui-ci met en lumière la montée de l’islamisme, ça remet bien les choses au point, notamment sur certains points que les gens ne connaissent pas forcément. Ce livre m’a vraiment emballé.
J’avoue que je lis beaucoup de littérature de gare ; il y a encore eu des Masterton qui m’ont séduit, notamment « L’ombre du manitou ». Par contre, « Terreur » de Dan Simmons est un calvaire. Je reconnais qu’il est très bien écrit et qu’il y a beaucoup de recherches, pourtant je reste un peu en retrait et ai une impression de froid, depuis le début. Et cela n’a rien à voir avec le décor polaire ni une panne de chauffage, je précise
Quel est ton principal trait de caractère ?
J’ai un très mauvais caractère, je suis invivable.
Qu’est-ce qui t’énerve ?
Beaucoup de choses ; le manque de rigueur chez les autres, la bêtise et, surtout, la fausseté. La fausseté des gens me sidère parfois et me met très en colère.
Outre l’écriture, quels sont tes hobbies ?
C’est difficile de répondre. J’essaie de dessiner mais ce n’est vraiment pas terrible. Sinon, il y a l’informatique que j’essaie d’entretenir régulièrement même si je pourrais faire beaucoup mieux.
Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?
La diplomatie. Parfois, je ne suis pas assez diplomate et j’en paie les conséquences.
Quel est ton rêve de bonheur ?
Une terre saine pour mon fils plus tard. C’est peut-être classique, ça prêtera à rire les cons mais c’est vraiment mon rêve parce que le matin, quand on se lève et qu’on regarde l’actualité, on a vraiment très peur.
Par quoi es-tu fasciné ?
Par ce qui nous entoure. J’aime bien regarder ce qui nous entoure, voir l’évolution de notre monde ; ce sont des choses qui m’interpellent. La magie des mots également.
Tes héros dans la vie réelle ?
A part Philippe Ward ? (rires)
Les gens qui essaient de faire bouger les choses, qui se démènent, qui font leur possible pour faire évoluer le monde et dont on ne parle pas forcément à la télé.
Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais
Oui, tout à fait. Elle est même mieux que ce que j’espérais lorsque j’étais plus jeune. Je me suis réorienté petit à petit et avec les aléas de la vie, j’ai avancé et, finalement, elle est très bien ma vie.
Cite-nous 5 choses qui te plaisent.
Ma famille
Le coca
la verdure ; je suis fan des arbres et des forêts.
Les vieilles pierres, l’histoire.
Une bonne histoire
Cinq choses qui te déplaisent
la fausseté
l’intolérance et le politiquement correct
un paysage souillé, ça me déplaît vraiment.
le nivellement par le bas ou misère intellectuelle. Quand j’entends certains propos de mes élèves, ça me fait vraiment très peur.
l’argent érigé comme dogme suprême. C’est quelque chose dont on voit les limites aujourd’hui. Claquer, briller, acheter… Je ne dis pas qu’on doit être au pays des schtroumfs et être tous égaux mais il n’y a pas non plus que l’argent. Avoir, amasser, c’est quelque chose dont on se lasse très vite.
Last but not least une question classique : tes projets ?
Quelques nouvelles éparses dans différentes anthologies Les derniers jours d’Edgar Poe chez glyphe en novembre, Les sombres romantiques aux editions du Riez, le roman « Investigations avec un Triton » chez « Mille saisons » et ensuite, je vais reprendre mon roman de fantasy urbaine que j’ai travaillé mais qui est trop long et qui doit être revu sur plusieurs aspects.