Insolence des puissants (L')
Gauthier Chaslier est un jeune chirurgien dévoué. Un jour, deux hommes lui amènent un paysan gravement blessé, victime du seigneur local, le terrible Alcibiade de Cartier-Pansac. Il se voit alors contraint de l'amputer, le privant ainsi de son principal outil de travail, son avant-bras. Épris de justice, Gauthier se met alors en tête d'obtenir réparation pour son patient. Les Grands Jours d'Auvergne, fruits de la volonté du Roi de mettre de l'ordre dans la justice de certaines provinces du royaume, semblent être l'opportunité idéale pour y parvenir. Aidé de Madeleine, fille de l'apothicaire, il va tout tenter pour réunir des témoins et rassembler les preuves nécessaires.
Véronique Chauvy, romancière historique solide, a cette fois posé son clavier d'ordinateur en plein dans le "Grand Siècle" et le règne du Roi-Soleil.
Comme d'habitude, elle parvient à dénicher des moments de l'Histoire peu connus du grand public et de les présenter à travers une intrigue passionnante, aux personnages féminins forts et attachants. Ces "Grands Jours" voulus par le monarque, à la fois pour uniformiser la justice royale et mettre fin aux injustices les plus criantes, je n'en avais jamais entendu parler et je les ai découverts avec délice. Grâce à eux et à d'autres remarques disséminées au fil du roman, on découvre un Louis XIV soucieux de s'ériger en véritable souverain responsable, intelligent et s'intéressant durablement à son peuple et à son pays. On dévie largement de l'image d'Épinal du seul roi de Versailles et de ses fêtes fastueuses ! D'une certaine manière, Véronique Chauvy lui rend justice en rappelant qu'il était bien plus qu'un jouisseur amoral, comme pouvaient l'être nombre des autres souverains à travers l'Europe.
La bataille de Gauthier pour obtenir réparation au nom de son ancien patient nous entraîne dans les arcanes de ces "Grands Jours" et nous montre une France avide de se libérer définitivement du carcan de la féodalité et des seigneurs tout puissants, pour passer à une administration plus centrale et, par là même, plus impartiale et juste.
Comme dans chacun de ses romans, l'autrice nous offre un personnage féminin désireuse de se libérer des diktats idiots de son époque et d'aller vers plus de modernité : Madeleine, l'apothicaire passionnée. Elle lui adjoint d'autres femmes plus discrètes, mais qui savent manipuler dans l'ombre les hommes de leur entourage, que ce soit en utilisant leurs liens familiaux ou leurs appas.
C'est jubilatoire.
En conteuse hors pair, Véronique Chauvy sait hypnotiser son lectorat et elle distille les anecdotes et les faits historiques avec talent, on regrette même qu'il n'y en ait pas plus ! Car, quelle meilleure façon d'apprendre l'Histoire qu'en tournant les pages de ses romans au suspense savamment tricoté et aux personnages si attachants ? J'espère que dans ses prochains romans, elle nous offrira encore plus de moments d'Histoire.
Je n'ai eu qu'une envie en refermant le livre : me pencher plus avant sur le règne de Louis XIV. Qu'attendez-vous pour vous frotter à L'insolence des puissants ?
L'insolence des puissants de Véronique Chauvy, éditions De Borée, ISBN 978-2-81-293944-0, 21,40 €