Ils se marièrent et il y eut beaucoup de sang

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Au cœur de l’hiver 2017, quatre ans après les débats sur le projet de loi « Mariage pour Tous », plusieurs couples d’hommes sont retrouvés morts en petite couronne de Paris. Sur les scènes de crime, la signature marque les esprits : entre les corps des victimes sont retrouvés des triangles de tissu, roses comme le symbole de la persécution des homosexuels sous le IIIème Reich.Pour l’équipe de Maël Néraudeau et Yohann Folembray, lieutenants à la Section criminelle du SDPJ 94 et partenaires à la ville comme à la scène, le compte à rebours est lancé. Le mot d’ordre est sur toutes les lèvres, y compris celles de la presse : mettre la main sur l’assassin et enrayer la vague de folie meurtrière. Mais face à un criminel aussi obscur qu’imprévisible, les enquêteurs se retrouvent désarmés, et ce malgré l’appui d’un capitaine de la Brigade des crimes sériels de l’OCRVP venu se greffer à la section pour les assister. Le sadisme du meurtrier se révèle alors sans limite lorsque l’affaire prend un virage dramatique pour les deux coéquipiers et amants. Entre les plaies endormies qui se réveillent et la colère qui les déchire, affectant l’équilibre du groupe, le terrain est plus libre que jamais pour le Tueur au Triangle Rose, qui profite de la diversion pour passer à la vitesse supérieure et parachever son acte final…

En France, une agression homophobe se produit toutes les 33 heures.En France, en 2019, des hommes et des femmes sont insultés, roués de coups, brisés moralement et physiquement parce qu’ils se tiennent la main dans la rue.Entre la fiction et la réalité, entre haine institutionnalisée et passage à l’acte criminel, il n’y a plus qu’un pas et quelqu’un finira par le franchir.

 

J’ai lu ce livre dans le cadre du Prix des Auteurs Inconnus, catégorie littérature noire, pour lequel il faisait partie de mes cinq présélections. Rappelons que, pour effectuer nos choix, nous n’avons eu à notre disposition que la couverture, le synopsis et les dix premières pages de chacune des soixante-dix soumissions de cette année. J’avais beaucoup apprécié la couverture, sobre et attirante, ainsi que les tailles de police différentes du titre, bien que celui-ci me parut beaucoup trop long, à l’image de la quatrième. L’extrait m’avait bien plu et le suspense était déjà présent. Pour finir, le style s’avérait agréable, le vocabulaire recherché et l’ensemble rythmé. À l’issue de la lecture complète, mon avis n’a guère changé si ce n’est sur quelques détails.

Je ne suis décidément pas fan des titres trop longs, même s’ils sont parlants et bien choisis malgré tout (l’opposition entre « marièrent » et « sang », de même que le changement de taille de la police, annonce l’histoire d’amour mêlée au roman noir).

J’ai lu plusieurs chroniques parues sur ce livre afin de les confronter avec mon avis. J’en ai retenu que certains n’y avaient pas adhéré parce que la romance s’y avérait plus importante que l’enquête. Pour ma part, il ne s’agit pas d’une romance mais d’une histoire d’amour, d’une histoire de vie. Ceci dit, je peux comprendre : même en sachant que l’intrigue comportait une histoire d’amour, au vu de la quatrième je pensais plus avoir affaire à un policier. Je ne crains pas du tout le mélange des genres, mais le synopsis et la mention « thriller » sur la couverture peuvent prêter à confusion et amener certains lecteurs à être déstabilisés, voire déçus. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas un thriller ! Par certains côtés, c’est effectivement le cas. Mais c’est un mélange de thriller, policier et roman noir, comportant une histoire d’amour. D’autres ont soulevé des erreurs dans les comportements ou les façons de faire des policiers ; n’y connaissant pas grand-chose, et même pour ainsi dire rien, cela ne m’a posé aucun problème. Mais je conçois là aussi que l’on puisse être déçu ou énervé. En outre, je n’ai pas perçu l’ensemble des membres des forces de l’ordre décrits comme violents ou homophobes ; certains le sont et d’autres pas, comme partout et chez tout le monde. J’ai été élevée dans une grande largesse d’esprit, déjà au lycée je fréquentais des homosexuels et des lesbiennes, il y en a au sein de ma famille et parmi mes amis et cela ne m’a jamais posé problème, mais j’ai aussi, malheureusement, des personnes proches qui sont homophobes.

Une chose, par contre, m’a surprise, c’est que les deux protagonistes principaux, bien que mariés, travaillent dans la même brigade et soient, qui plus est, co-équipiers. De même que j’ai été étonnée que leur hiérarchie ne les ait pas tenus à l’écart de l’affaire quand celle-ci les a touchés de près. Hormis cela, le duo est atypique et sort des sentiers battus, il nous change un peu des sempiternels flics dépressifs ou borderline. Maël et Yohann sont plus qu’attachants, ils sont vrais, tangibles, avec une psychologie fouillée et toute une histoire. Les autres personnages sont crédibles également, ils ne sont absolument pas manichéens, les gentils ont aussi leurs failles et même le tueur possède une part de bonté en lui.

Ils se marièrent et il y eut beaucoup de sang est un roman à deux voix qui nous permet de découvrir chacun des policiers à travers le prisme des yeux de l’autre, ce qui est tout à fait intéressant pour notre appréhension de leur caractère. Le roman n’est pas dénué d’humour, ce qui m’a semblé couler de source dans la mesure où je suis Laurine Valenheler sur son mur régulièrement, aussi bien dans ses chroniques travaillées et argumentées que lors de ses interventions fines et souvent fort drôles.

Extrait : « Les vagins, c’est pas comme les Pokémon : on ne tombe pas dessus par hasard en se baladant dans les hautes herbes. Alors à moins que vous n’ayez trébuché sur un utérus sauvage l’engin à l’air… »

La plume de son auteure est pour moi l’une des deux grandes forces de ce roman : l’écriture est travaillée, le vocabulaire recherché. j’y ai trouvé malgré tout quelques coquilles, fautes de langue, répétitions et mots manquants mais rien de bien grave au vu de la qualité de l’ensemble et surtout de la vraie signature stylistique qu’il propose. C’est juste que, comme la policière qui l’a appréhendé avec ses yeux de flic et y a remarqué des défauts spécifiques, je n’arrive pas à lire sans me départir tout à fait de mon regard de correctrice et ne peut donc m’empêcher de relever les anomalies.

La deuxième grande force du roman, ou plutôt de l’auteure, c’est d’avoir su faire passer un message dans son roman. Ou peut-être d’avoir su élaborer un roman au sein de son message… Elle se sert d’une enquête et d’une histoire de vie pour illustrer son propos. Non ! Elle arrive à intégrer un roman dans sa plaidoirie sans être le moins du monde lourdingue comme cela peut vite tourner. Elle nous fait part de ses convictions et de son combat contre l’homophobie, évoque les deux « camps » avec leurs sentiments et leurs raisons. On sait clairement où se trouve son avis mais elle reste absolument modérée dans ses propos, prend parti mais ne part pas en live pour autant. Chapeau pour le tour de force !

Extrait (à propos de la manif contre le mariage pour tous) : « Tous parlaient de sexe au sens pornographique du terme, la notion d’amour était absente de leurs cris. Hommes et femmes déshumanisés, dépossédés de leurs qualités émotionnelles, réduits à leurs instincts primaires ».

Je ne peux assurément que vous conseiller ce livre qui comporte beaucoup de points positifs. Je crois avoir soulevé les détails (parce qu’à mon avis ce ne sont que des détails) qui pourraient en freiner certains. Tout dépend bien sûr de ce que l’on recherche dans une lecture…

Pour moi, le premier roman de cette jeune femme, qui a tout juste l’âge de mon fils, est une vraie réussite, tant au niveau de l’histoire que du style et du message qu’il transmet. Et au passage, bien que ce ne fût pas le but recherché, il m’a donné l’occasion d’écrire la plus longue chronique que j’aie jamais réalisée à ce jour. Il le méritait.

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Parue sur Beltane (lit en) secret

 

Ils se marièrent et il y eut beaucoup de sang de Laurine Valenheler, auto-édition, 16.90€ 

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