Hors sol

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L’idée du message venu de l’avenir est assez ancienne en littérature et s’attarder au fait que des fichiers enregistrés en 2103 ne le seraient presque certainement pas dans un format lisible en 2016 serait un refus de suspension d’incrédulité excessif.

Plus grave à mon avis est le fait que les différents récits qui se répondent pour donner une image-mosaïque de la vie en 40 AR ne donnent pas vraiment l’impression d’être des traductions de langues, donc de modes de pensée, différentes. Pour les textes supposés traduits de langues que je connais j’aurais aimé pouvoir imaginer le texte d’origine, et les idiotismes qui apparaîtraient même à travers une traduction. J’ai trop souvent eu la sensation de lire une pensée française, voire franchouillarde, dans des textes supposés traduits de l’anglais, de l’allemand, de l’hindi, de l’arabe ou du navaho...

 

Cela étant le roman n’en est pas moins passionnant, et l’aspect choral annoncé est présent.

Que nous raconte-t-il ? Que, alors que la pollution et le dérèglement climatique avaient, dans les années 2060, dépassé les limites du supportable, une organisation intergouvernementale aurait entrepris un projet d’émigration sur Mars d’un certain nombre, moins de 10.000 personnes, en grande partie tirées au sort dans une liste de gens sélectionnées parmi les locuteurs de certaines langues et non porteurs de maladies transmissibles. Certains des récits qui composent la mosaïque rappelleront donc l’histoire de cette sélection et du départ des « chibani », les gens emmenés. Le système comporte un Vaisseau Amiral dit N.ami dans lequel serait le personnel nécessaire à la migration, et deux jeux de nacelles entrainées par le N.ami, le Calice des riches, ceux qui ont acheté une place d’honneur, et la Corolle du reste de la population, répartie dans 360 nacelles dédiées chacune à une activité plus ou moins ludique puisqu’il n’y a plus de travail nécessaire, les machines se chargeant de toute la production et l’Hélimilice de l’organisation. Seulement le carburant nécessaire au voyage vers Mars ayant été détourné et détruit par ceux qui ne supportaient pas d’être abandonnés, toute l’expédition reste bloquée dans le ciel, dans l’attente d’un éventuel nouveau carburant...

Le roman est donc une suite d’images de la situation après quarante ans de dégradation de l’espoir et du mode de vie des survivants, derniers « chibanis » nés sur Terre et « auturanes » nés dans les nacelles...

Et, par le biais de l’anticipation, une satire des dérives actuelles, souvent rappelées...

Une vision avant tout humoristique, mais peut-être aussi un peu trop fataliste. Le pire n’est pas sûr, mais ce roman n’envisage que lui. Pour en rire, mais sans dire comment nous en prémunir... C’est un très bon exercice littéraire, pas une spéculation-réflexion et moins encore un plaidoyer pour la réponse nécessaire aux dangers.

 

Hors sol, de Pierre Alferi, Folio SF n°673, 2021, 401 p., couverture de Cyril Magnier, F8, ISBN 978-2-072-88281-4

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