Heartless
Philip Ridley (scénariste de L’enfant miroir (The Reflecting Skin) avec Viggo Mortensen et Lindsay Duncan) nous livre ici un petit bijou entre rêve et cauchemar malsain, un conte noir dans un quartier de Londres, aux images oscillants entre pénombres éclairées aux néons et jours glauques et brumeux.
Le héros a tout de l’anti-héros, marqué par une tâche de vin sur un côté du visage, Jamie (Jim Sturgess) est pâle et introverti. Entre un voisin cool en apparence mais qui voit le futur comme le royaume de l’horreur et un épicier rasé et stressé, amateur de gros calibres, Jamie voit « la terreur devenir très tendance » dans sa ville.
Heartless distille la peur goutte-à-goutte comme lorsque vous entrez lentement dans un cauchemar ; un malaise indéchiffrable, imprécis s’empare du spectateur qui ne ressent ni horreur ni terreur, juste la pression d’une violence sourde, prête à surgir.
La bande originale aux accents mélancoliques qui accompagne le héros dans son histoire est entrecoupée de cris étranges, sorte de croassements. Les citoyens commencent à se faire agresser violemment, leurs blessures ressemblent à celles que pourraient faire des griffes de bêtes sauvages...
Terrains vagues, murs tagués, passants frileux, la ville semble à l’abandon, les agresseurs aux masques de reptiles font preuve d’une bestialité sans nom qui coûte la vie à la mère du héros.
Une voix lui parle alors de son père et de choses que Jamie s’efforce d’oublier ; une voix grave qu’il rencontre à l’appartement 157 d’un grand immeuble désaffecté. L’homme, surnommé Papa B, par une fillette indienne aux habits dorés, lui propose de lui montrer que le monde a encore un sens. Joesph Mawle donne au personnage un côté imposant. Qui est-il ? On l’imagine aisément sorti de l’enfer pour incarner le Diable en personne, un démon, une créature sortie de l’imagination du héros.
Jamie se perd alors dans un dédale de promesses, de désirs, il rencontre Tia (Clémence Poésy) dans un monde qui semble voué à périr par le feu. Renoncera-t-il ou non à Dieu ? Exaucera-t-il la dernière volonté de sa mère ?
L’impression s’inscrit en nous, comme chez le héros, d’avoir respiré toute la folie du monde. On finit comme le voisin cool, on ne voit plus qu’une masse de chaos.
Contre toute attente, le film n’est pas destiné à accueillir une morale, il s’agit juste d’une métaphore qui se termine sans jugement de valeur, laissant le spectateur à lui-même et à ses propres sentiments, cherchant du sens à ce désordre, sans en avoir trouvé.
Heartless
Réalisé par Philip Ridley
Avec Jim Sturgess, Clémence Poésy, Noel Clarke
Durée : 1h54
Sortie : 5 juillet 2011