Nuit des saisons mortes (La)

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Inlassablement, Jacques Finné explore et défriche le fantastique féminin d’Outre-Manche. Voici à présent Violet Hunt (1862-1942), dont il faut absolument lire la fascinante biographie faisant l’objet de la riche postface. Père peintre, mère romancière, Hunt avait tout pour démarrer dans le monde artistique, d’autant plus que la famille baignait dans le milieu préraphaélite (Dante Gabriel Rossetti était un ami). Elle connut Bram Stoker aussi, ainsi qu’Oscar Wilde. Passant d’homme à homme, au passage contractant la syphilis, vivant tantôt à Londres tantôt à Paris, elle continue à fréquenter des auteurs célèbres tels Henry James, Somerset Maugham, Ezra Pound ou H.G.Wells. Puis c’est la rencontre de l’écrivain Ford Hermann Hueffer, l’’homme de sa vie’. Liaison terminée en 1917. Sans amis, sans enfants, elle terminera tristement sa vie, usée, épuisée. Elle laisse 23 romans et un grand nombre de nouvelles, dont les cinq ici publiées.

Le fantastique de cette femme exceptionnelle se rapproche de celui d’Henry James et, passées les descriptions introductives un peu longuettes, se révèle remarquable. Le Coche, par exemple, qui inaugure le recueil, décrit la course fantômatique d’une diligence des morts, et les dialogues entre défunts sont des plus piquants. La Nuit des Saisons Mortes et Le Télégramme se déroulent tous deux dans une ambiance onirique qui cultive admirablement l’ambiguité entre fantasme et réalité. Le premier des deux récits est très poétiquement écrit et l’atmosphère de fête renforce l’étrangeté de l’’aventure’. Quant au Télégramme, la raison du lecteur bascule, à l’instar de celle de l’héroïne, à la fin du texte, probablement autobiographique, et sans doute le plus réussi du volume. Si Le Baromètre me paraît moins attachant, parce que d’un fantastique trop expliqué, Le Témoin est assez intéressant : un animal peut-il trahir les auteurs d’un meurtre accompli sous ses yeux ? Ici encore un beau portrait de femme, comme dans Le Télégramme. Fantastique canonique donc, mais joliment amené, par touches feutrées. Angoisses, rêves et terreurs se conjuguent en un cocktail subtil comme seul les anglais peuvent le concocter. Merci à Jacques Finné pour sa brillante traduction (la lecture est très agréable) et surtout pour nous avoir fait découvrir cette dame inquiétante et qui, par son talent, témoigne via le fantastique d’une époque qu’elle vécut intensément.

Violet HUNT, La Nuit des Saisons Mortes, ill. de couverture Odilon Redon (L’Araignée souriante), 178 p., Librairie José Corti, coll. « Domaine romantique »

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