Souffle du temps (Le)
Avant tout connu pour sa série de romans de « La Forêt des Mythagos » et son travail au sein de la « fantasy mythique », Robert Holdstock s’est offert en 1981 un crochet par le domaine de la science-fiction pure avec « Le Souffle du Temps ». Cependant, l’auteur a là aussi adopté une démarche résolument éloignée de la « hard science » défendue par nombre de ses compères pour flirter avec un ton rappelant par moments celui de la « fantasy ». Plutôt qu’un inventaire de termes techniques savants, son roman constitue en effet davantage une réflexion poétique sur des notions telles que l’inéluctabilité de l’écoulement du temps, la nature de notre humanité, le hasard et la destinée...
L’action se déroule sur le monde de VanderZande (dit aussi « Kamélios ») - une planète a priori inhabitée, qui a pour caractéristique essentielle d’abriter des vallées balayées par les « vents du temps ». Ces vents sont en réalité des distorsions temporelles faisant s’échouer au petit bonheur la chance des épaves et des bâtiments venus d’autres âges au sein de l’époque fréquentée par les colons humains. Ces derniers s’empressent d’ailleurs d’aller explorer ces vestiges avant qu’une autre rafale venue de l’Outretemps ne les remporte aussitôt avec elle.
Léna Tanoway, Léo Faulcon et Kris Dojaan constituent le trio autour duquel s’agence l’essentiel du récit. Venus de la Cité d’Acier, gigantesque monstre de métal ayant la possibilité de se déplacer d’un lieu à l’autre en fonction des saisons, chevauchant leurs motos à travers les étendues désertiques de cette planète à la recherche d’artefacts extraterrestres, ils sont rapidement confrontés à la figure fantomatique (et polémique !) de Mark, le frère de Kris, emporté jadis par un vent du temps. Kris est, pour ce qui le concerne, absolument persuadé de pouvoir retrouver Mark, qu’il imagine surfant sur les vagues temporelles. Léo, amoureux de Léna, hésite à dévoiler les relations d’amitié qu’il entretenait avec Mark, dont il se reproche la disparition. Quant à l’individu responsable de leur unité, le commandant Ensavlion, il est pour sa part totalement obnubilé par la possibilité d’entrer en contact avec les entités à l’origine des mystérieux vents du temps...
Suite à une expédition qui tourne mal, Léo s’exile au sein d’une communauté de Modifiés – des êtres humains désireux de s’affranchir des contraintes technologiques pour vivre sur Kamélios, n’hésitant pas pour ce faire à intervenir sur leur propre code génétique. Au contact des ces êtres différents, Léo va découvrir une autre philosophie de l’existence qui va lui permettre d’effectuer son retour à la Cité d’Acier. Une fois revenu, il osera enfin s’aventurer en ce lieu duquel on ne revient jamais. Il osera enfin se laisser emporter par une rafale de vent du temps...
« Le Souffle du Temps » brasse ainsi tout un ensemble de thèmes extrêmement variés. Le récit hésite d’ailleurs souvent entre les diverses pistes qu’il trace, ce qui laisse parfois le lecteur dans l’incertitude quant au message que la narration est sensée délivrer. On ne sait pas toujours très bien si l’on doit s’attacher aux personnages, ou si le coeur du récit réside dans le mystère qui entoure les phénomènes temporels propres au monde de VanderZande. L’interlude au sein des Modifiés pose également plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
On aurait peut-être aimé que l’auteur développe une intrigue plus classique, faite d’actions et de rebondissements, d’objectifs clairs et bien définis. La rédaction d’une oeuvre désireuse d’aborder de tels thèmes philosophiques nécessite une aisance que Robert Holdstock ne semblait malheureusement pas détenir à l’époque de la parution de ce livre. L’ensemble n’est pas complètement dénué de qualités, loin s’en faut, mais il manque un zest d’énergie au récit qui ne se révèle au final jamais totalement captivant.
Il s’agit donc là d’un roman que les amateurs de l’auteur devront lire, ne serait-ce que parce qu’il dévoile un aspect différent de son talent de conteur, mais qui ne figurera peut-être pas en tête de liste des ouvrages à bouquiner pour les lecteurs étrangers à son univers.
Robert Holdstock, Le Souffle du Temps, traduit de l’anglais par Laurent Calluaud, 414 p., Folio SF