Triomphe de Dune (Le)

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Voici le dernier volet du cycle Dune, commencé par Frank Herbert et terminé par Brian Herbert et Kevin Anderson. Espérons qu’on n’ira pas plus loin dans ce cycle qui s’éloigne de plus en plus de l’idée originale de Frank Herbert.

 

Avant de parler du contenu du livre, je voudrais savoir pourquoi le titre est Le triomphe de Dune, alors que Sandworm of Dune est le titre anglo-saxon. Il était plus facile de traduire le titre en Les vers des sables de Dune. D’abord parce que ça correspond au titre d’origine, ensuite parce qu’on parle beaucoup de vers (pas toujours des sables, et pas toujours sur Dune), et pas vraiment de triomphe. De ce côté-là, on dirait que les deux auteurs sont abonnés aux titres français mal traduits. Cette année-ci sort Olium, un autre cycle qui s’appelle Hellhole (le trou de l’enfer) !

Les lecteurs de la première heure du cycle Dune se souviendront qu’il était impossible de déplacer un ver des sables ou de reproduire l’épice. Ici, on arrive à avoir des vers un peu partout dans la galaxie. Après l’épice, on a droit à l’ultra-épice des vers qui vivent dans l’eau. Cette soudaine multiplication des ressources animales rend l’épice presque inutile. Même remarque concernant les gholas, qui ne sont rien d’autre que des clones auxquels on doit raviver les souvenirs et la personnalité. Il y en a une profusion dans ce livre. Ce qui était parcimonieusement distillé par Frank Herbert est soudain bradé par les auteurs actuels. On est passé de l’artisanat à la grande distribution.

Dans la foulée, on pourrait appeler ce livre La guerre des clones ou Dune, mission impossible. Pourquoi ce dernier titre ? Car en lisant le livre, je fais le parallèle avec le film Mission impossible où tous les membres de l’équipe se font tuer, sauf le personnage principal. C’est un peu ce qui se passe dans ce Dune. On tue les habitants du chapitre, les navigateurs, les gholas, les révérendes-mères et les danseurs-visages. C’est un peu trop. Tout comme il y a trop de danseurs-visages dans les rouages de l’empire. Le dieu-empereur de Dune aurait-il été incapable de son vivant de voir le retour d’Omnius et de ses serviteurs les danseurs-visages ? Il devait être sourd et aveugle. En fait, non ! Avec Waff on découvrira ce que l’empereur-dieu avait vu dans son sentier doré. On est donc en présence de deux ennemis de l’humanité. Omnius et Erasmus, qui resurgissent après des millénaires, et Khrone, le chef des danseurs-visages qui sert ceux-ci mais qui a aussi ses propres plans.

Il y a beaucoup d’invraisemblances dans ce livre. Les sœurs demandent à Ix de leur fournir des copies des oblitérateurs. Elles paient en épice et ne voient rien venir. Désolé, mais dans notre civilisation du 21ème siècle, on impose des balises, des étapes à réaliser, et on paye par tranche en fonction du travail effectué. Les sœurs à notre époque seraient des vrais pigeons ! Difficile de croire que Murbella soit si facile à rouler sur le plan financier.

Autre invraisemblance. Les révérendes-mères entendent les voix de leurs ancêtres (c’est leur mémoire seconde), et il en est de même pour les gholas qui ont subi l’agonie de l’épice. Okay, pas de problème. Mais curieusement, le baron Vladimir Harkonnen entend la voix d’Alia qui n’est pas une ancêtre, mais sa petite-fille.

Un personnage lié aux navigateurs de la Guilde apparait dans ce livre. Il s’agit de l’Oracle, mystérieux et totalement inutile. Apparemment une femme qui aurait inventé le voyage dans l’espace et découvert l’usage de l’épice pour les navigateurs de la Guilde. Ce personnage fait de brèves apparitions dans l’histoire et vient sauver la situation au moment le plus critique. Un peu le septième de cavalerie qui vient sauver les cowboys des Indiens. Je n’ose pas dire le deus ex machina, car malgré ses moyens impressionnants, on se demande pourquoi elle n’a pas agi plus tôt (ce qui aurait évité de devoir lire les deux derniers livres du cycle). L’Oracle élimine trop facilement Omnius. Et hop, envolé !

Ceci dit, revenons à l’histoire. Sheanna et Duncan Idaho sont toujours en fuite à bord de l’Ithaque. Un quart de siècle s’est écoulé sans qu’Omnius arrive à leur mettre le grappin dessus. Mais il va y arriver ! Sur Chapitre, Murbella est confrontée à une peste qui décime tous les humains à l’exception des révérendes-mères qui sont capables de changer leur métabolisme pour combattre le virus. Faut-il préalablement qu’elles aient passé l’épreuve de l’agonie. Et certaines sœurs meurent avant d’avoir passé l’épreuve. Avec l’épice, Murbella fait construire par Ix une flotte de vaisseaux pour combattre les vaisseaux d’Omnius. Ils sont équipés d’oblitérateurs qui devraient décimer la flotte d’Omnius.

Jusque-là, Murbella et Sheanna s’en sortent plus ou moins bien. Mais tout d’un coup, le vaisseau de Sheanna et Duncan Idaho est capturé par Omnius grâce à la traitrise de danseurs-visages qui avaient pris les traits de personnes familières. Les vers des sables qui sont dans le vaisseau démasquent un danseur-visage, mais c’est déjà trop tard pour éviter de tomber dans le piège tendu par les danseurs-visages. Pour Murbella, les choses ne vont pas mieux. Sa belle flotte tombe en panne au moment où les forces d’Omnius s’approchent du chapitre. On s’attendait à tout, mais pas à une idée aussi simpliste. Disons que ces coups de théâtre n’en sont pas vraiment pour le lecteur.

Dans ce livre, on est confronté aux différents personnages qui se voient investis des pouvoirs de Kwisatz Haderach. C’est le cas du ghola Paul Atréide, celui de Paolo (une version de Paul éduqué par le baron Vladimir Harkonnen), Leto II qui était l’empereur-dieu de Dune, et d’un quatrième personnage, qui lui deviendra le Kwisatz Haderach ultime. Ce dernier n’est plus seulement le maitre des vers des sables, mais aussi celui des machines, une fois qu’Erasmus se range du côté du Kwisatz Haderach. Il est le pont entre les hommes et les robots. Celui qui a compris que rejeter les machines lors du Jihad Buthlérien a été une grossière erreur. Les différentes parties devaient cohabiter et non pas se faire la guerre.

Une scène intéressante, c’est Leto II qui redevient l’empereur-dieu sur Uchronie la planète des machines. Ou la scène où tous les danseurs-visages (qui sont des millions dans la galaxie) sont tués en une fraction de seconde par Erasmus.

À noter que prochainement on aura droit à un autre cycle des deux auteurs, qui se focalisera sur le Bene Gesserit, juste après le Jihad Buthlérien. Est-ce vraiment nécessaire ? J’attends de voir la traduction de Sisterhood of Dune, paru en anglais en 2012 (en espérant qu’on ne vas pas appeler ce livre le triomphe de ...).

Je sais, je n’ai pas été tendre avec ce nième volume de Dune. C’est rare de ma part. Mais je pense que c’est justifié par les invraisemblances et par les faiblesses de l’histoire. Malgré toutes les invraisemblances rencontrées, j’ai été jusqu’au bout. Je voulais savoir comment cela se termine. Ce triomphe de Dune n’est vraiment réservé qu’à ceux qui ont lu le tome précédent. Donc à ceux qui ont (presque) tout lu du cycle Dune. Le livre n’est pas mauvais. Il n’est simplement pas à la hauteur du Dune de Frank Herbert. Pour les autres, lisez d’abord le Dune de Frank Herbert

A noter la belle couverture de Pascal Casolari.

Le triomphe de Dune de Brian Herbert & Kevin J. Anderson, Pocket, 638 page, 2012, illustration de Pascal Casolari

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