Dernier Evangile (Le)
Jack Howard, le protagoniste central de ce roman d’aventures archéologiques de David Gibbins (lui même universitaire à Cambridge et docteur en archéologie), n’a rien d’un Indiana Jones moderne. Pas de panoplie avec lasso et sourire charmeur en coin pour ce scientifique britannique, que l’on retrouve ici dans le troisième volet de ses exploits. Après avoir retrouvé la trace du fameux continent englouti décrit par Platon dans « Atlantis », mis la main sur le trésor des Croisades dans « Le Chandelier d’Or », il s’attaque ici à l’épave du navire de saint Paul, l’homme qui a contribué à répandre le Christianisme hors de son berceau d’origine, au Proche-Orient...
C’est aux abords de Pompéi - à Herculanum, pour être précis, une autre ville ensevelie lors de la fameuse éruption du mont Vésuve, en 79 après J.C. – que tout s’enclenche. Jack et ses compagnons découvrent un document qui les incite à penser que Claude, l’Empereur romain ayant régné de l’an 10 à l’an 54, n’est pas mort empoisonné comme on le pensait jusqu’ici. Il aurait en fait simulé son trépas afin de prendre sa retraite, loin des machinations de la Cour, afin de se consacrer pleinement à la rédaction de ses mémoires en compagnie de Pline l’Ancien.
Encore plus stupéfiant, Claude aurait rencontré, lors d’un séjour en Palestine effectué quelques décennies auparavant, un charpentier du nom de Jésus ! Impressionné par son enseignement, il lui aurait fait rédiger un Evangile qu’il s’est empressé de cacher. Il va de soi que pareille découverte promettrait de révolutionner la conception que des générations et des générations se sont faites de la parole du Christ, jusqu’ici seulement transmise par d’autres auteurs, jamais directement par le principal intéressé. Le fait de mettre à jour un document écrit de sa propre main, de revenir ainsi à la source de sa sagesse, a donc de quoi faire saliver notre archéologue de choc.
Mais tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. Des forces obscures au sein de la Curie romaine – le « concilium ecclesiasticum sancta Paula » - veillent à ce que ce secret ne s’ébruite pas. Car c’est tout l’édifice sur lequel se sont bâtis deux millénaires de Christianisme qui pourrait s’effriter dans l’éventualité où cet Evangile remonterait à la surface. Et tous les moyens sont bons pour empêcher pareille éventualité - y compris la violence physique la plus sordide, digne des pratiques de la Mafia napolitaine...
Il en faut toutefois davantage pour décourager notre héros, qui s’élance avec entrain sur la piste du très convoité manuscrit. Il commence par un peu de plongée sous-marine dans les égouts de Rome, avant de s’envoler pour Londres et la cathédrale Saint-Paul. Là, il exhume la tombe de Boadicée, la fameuse reine bretonne ayant mené la révolte contre l’envahisseur venu d’Italie. La petite équipe flanquant Jack quitte ensuite les brumes britanniques pour le soleil éclatant de la Californie, remontant consciencieusement le fil devant les mener, ils l’espèrent tous, à l’Evangile de Jésus de Nazareth...
On ne peut pas s’empêcher, à la lecture de ce roman, plutôt divertissant au demeurant, de penser au célebrissime « Da Vinci Code » de Dan Brown. Même jeu de piste à travers les âges et les lieux, mêmes agissements machiavéliques d’individus néfastes noyautant de l’intérieur l’Eglise Catholique elle-même, même plaisir à découvrir un passé revisité, réagencé par la grâce d’une narration enlevée... Cette ressemblance est peut-être d’ailleurs ce qui constitue également la limite essentielle de ce « Dernier Evangile » : on a par instants la sensation que l’auteur se contente de dérouler une recette à succès, que l’on aurait souhaitée plus créative.
Ces réserves énoncées, il faut toutefois reconnaître à David Gibbins une solide connaissance de son propos (mais après tout, c’est son métier !) et d’indéniables qualités littéraires. Le roman se lit d’une traite et, chose non négligeable, on apprend au passage tout un ensemble de faits historiques qui nous aident à mieux cerner cette période de l’Antiquité. Avis donc aux amateurs de vieilles pierres et de mystères enfouis dans les gouffres du Temps !
David GIBBINS, Le Dernier Evangile, traduit de l’anglais par Anne-Carole Grillot, 412 p., First Editions