GENEFORT Laurent 01
Heureux de te lancer dans une saga de fantasy "pour adultes" ?
Eh bien, j’avais déjà fait un diptyque avec « Les Eres de Wethrïn » pour les éditions Octobre, donc ce n’est pas vraiment une découverte pour moi. Ce qui l’est, c’est le registre : plus sombre, plus violent, plus marqué par le destin. Cela fait pas mal d’années que je voulais ce genre de rupture - ce qui ne m’empêchera pas de poursuivre les aventures d’Alaet, dès que l’occasion se présentera.
Jusqu’à aujourd’hui, si je me trompe, tu me corriges, tu avais plutôt abordé la SF "pure" par le biais de la littérature "adulte" et gardé le fantasy pour tes productions "jeunes".
Tout à fait exact.
Cette idée de fantasy adulte, elle te trottait dans la tête ? Où c’est les dingues de chez Bragelonne qui te l’ont proposée ?
J’avais proposé « Les Eres de Wethrïn » à Stéphane Marsan avant Octobre, mais il n’avait pas été séduit par l’idée. Par la suite, j’ai lu le manga « Berserk » de Kentaro Miura et ça a été le déclic pour « Les Hordes », la vraie madeleine de Proust ! En fait, j’avais envie d’écrire de l’authentique dark fantasy, sans fioritures, depuis pas mal d’années. J’ai donc confié le manuscrit à Bragelonne, sans savoir à quoi m’attendre. Ils ont d’ailleurs été assez surpris... et finalement, m’ont répondu favorablement.
Dans les premières pages du roman, on pourrait se croire dans un univers médiéval-fantastique "bien de chez nous", soit des temps terriens reculés et ignorés... Mais ensuite, tu effectues un glissement, à la fois riche et intéressant vers ce que tu manies toujours avec autant de talent : un monde "différent", avec un biotope influencé par des "entités" végétales venues d’un lointain passé... Quand t’es venue l’idée de ce glissement ? Dès les origines du projet ?
Oui, c’en a été le fondement. J’ai néanmoins été plus discret qu’à l’accoutumée sur les caractéristiques de ce monde, j’ai tâché de rester centré au maximum sur les protagonistes alors que j’aime à m’éparpiller, d’ordinaire. Dans la fantasy japonaise, on trouve beaucoup cette dualité d’univers (le monde des hommes, le monde des démons) qui cohabitent plus ou moins pacifiquement.
J’ai imaginé ces univers comme des objets massifs en collision lente. Dans le premier volume, on ne distingue que des failles. Au fur et à mesure de la progression de la trilogie, les failles vont s’agrandir et l’espace se gauchir...
L’influence incontournable, c’est Moorcock... Un maître pour toi ?
Bravo, tu es le premier à avoir vu l’influence, qui est réelle. Moorcock est en effet un maître pour moi, un peu trop oublié à mon goût alors qu’il est consubstantiel à l’histoire du genre.
Je suis le premier à te parler de l’influence de Moorcock sur l’Ascension ? Attends, c’est un trait d’humour ? Ou le barbu le plus doué de la fantasy britannique est a ce point oublié par les critiques et les lecteurs ?
C’est vrai. Il te suffit d’aller consulter les critiques de « L’Ascension » un peu partout, et le forum des lecteurs Bragelonne.
Intéressant d’avoir "perverti" le code du "jeune gamin qui entre dans la horde puis devient fatalement le héros", ça aussi c’était une idée de départ ? Cette envie de détourner certains codes de la fantasy ?
L’idée de départ était celle de deux destins qui se croisent et se manquent : l’un qui ’chute’ (Marween) et l’autre qui tente de s’amender (Audric).
Mais on ne peut pas dire que j’innove, le genre fourmille d’anti-héros. Cela dit, j’ai une certaine affection pour Marween, à cause de son aveuglement tragique - et de son côté ’vilain petit canard’ !
Et Audric a sa part de responsabilité dans la dérive de Marween.
Les "textures" dans ce roman sont extraordinaires. Dans les premières pages, on "voit" la pluie qui dégouline sur les armures et la boue noyée de sang... Tu as voulu particulièrement travailler cet aspect très graphique de l’écriture ?
Là, je pense que c’est simplement mon côté SF qui ressort. La science-fiction est un genre très réaliste - par nécessité, puisqu’il faut faire passer des concepts qui ne s’appliquent pas à la réalité. J’ai écrit comme j’écris d’habitude.
Le roman est une solide mise en bouche... Sais-tu déjà dans quelle direction tu files ? As-tu un plan précis des prochains romans et sais-tu quand cette saga prendra fin ?
Oui à toutes ces questions. Je connais toujours le point de destination de mes histoires, même si je n’ai pas tous les chemins en tête. Comme en SF, je me garde de beaucoup de plages d’improvisation, des chemins de traverse dans le récit.
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