Demeure éternelle (La)
Je n’avais pas eu depuis longtemps entre les mains un livre aussi riche en belles tournures que celui-ci.
Le roman de William Gay, ancien combattant, menuisier et charpentier du Tennessee, vaut vraiment la peine qu’on s’y arrête : il permet de passer un bon moment littéraire en compagnie de personnages sombres, hantés par la Deuxième Guerre mondiale et l’ambiance lourde et encrassée des bars clandestins durant la prohibition.
Il ne faut pas se leurrer, personne n’est épargné par la plume acérée et magistralement descriptive de William Gay. On se trouve ici en compagnie d’ouvriers aux mains calleuses, de soldats en permission et de fermiers rudes et solides, de rednecks et de vieux flics corrompus.
Un poison s’est emparé d’une petite bourgade campagnarde et y a posé ses bagages et ce poison n’a d’autre nom de Dallas Hardin, le fabriquant de whisky clandestin le plus influent du comté, qui interdit toute autre loi que la sienne, par la manipulation, la brutalité, l’argent, les femmes faciles et l’alcool.
Durant les années couvertes par le récit, entre 1933 et 1943, une lutte se joue entre le jeune Winer, le malfaisant Hardin et le futé vieil Oliver. Une guerre des nerfs, où l’intrigue en soi apparaît secondaire, mais reste perpétuellement sous-jacente au conflit entre les trois hommes.
Personne n’aime le vieil Hardin. Personne n’ose détester le vieil Hardin. Sauf Winer, pour plusieurs raisons dont il ignorera la principale jusqu’aux toutes dernières pages du livre.
J’avoue avoir eu un coup de cœur particulier pour ce roman noir et profondément humain, pour ses espoirs et sa misère du quotidien des hommes de tous les jours.
En attendant vos avis, je vais m’atteler à « La mort au crépuscule », son deuxième roman (Grand Prix de littérature policière 2010) sans hésiter.
La demeure éternelle (Titre original : The Long Home, première parution 1999) par William Gay, traduit par Jean-Paul Gratias, Prix du Polar des lecteurs de Points (2013), James A. Michener Memorial Prize , Points